Discours de Son Altesse Royale le Grand-Duc à l'occasion du dîner offert par Leurs Majestés le Roi et la Reine d'Espagne en l'honneur de Leurs Altesses Royales le Grand-Duc et la Grande-Duchesse

- seule la parole prononcée fait foi -

Majesté,

La Grande-Duchesse et moi avons écouté avec beaucoup de gratitude les paroles de bienvenue si cordiales et si affectueuses que Vous venez de prononcer. L'accueil chaleureux que Vous-même, la Reine, Votre famille, les autorités et le peuple espagnols nous ont réservé nous a beaucoup touchés.

Nous sommes très sensibles au fait que Vous avez bien voulu nous inviter en Espagne pour cette première Visite d'Etat depuis mon avènement. Les Luxembourgeois apprécient à sa juste valeur ce geste d'une haute courtoisie, dans lequel ils reconnaissent la cordialité de nos liens familiaux et la longue histoire commune sur laquelle se fonde la profonde amitié qui unit nos deux peuples.

Au-delà des rapports de parenté entre nos Maisons et les origines espagnoles de la Grande-Duchesse, l'Espagne évoque dans l'esprit de mes concitoyens des noms familiers à vous et à nous, tels : Philippe II, Monterey, Mansfeld et Louvigny. Chez vous, ils rappellent des figures historiques, alors que chez nous, les rues de la Vieille Ville portent leurs noms, qui rappellent aux visiteurs notre histoire commune.

En fait, l'époque espagnole a laissé des traces durables dans nos coutumes, dans notre langue et dans l'architecture, comme en témoignent le Palais grand-ducal, la Cathédrale et les échauguettes dites "espagnoles" des anciennes fortifications de la Ville. Elle a également ouvert l'horizon des habitants de mon pays à la culture par la fondation, sous Philippe II, du premier collège d'enseignement classique au Luxembourg.

Le rayonnement intellectuel du Collège des Jésuites a continué en quelque sorte une tradition initiée dès 698 par les moines benedictins d'Echternach. Le plus beau codex réalisé en 1045 dans leur scriptorium est conservé depuis 1566 en Espagne, au Monastère de l'Escurial. Nous Vous sommes d'ailleurs très reconnaissants d'avoir bien voulu nous prêter cet ouvrage pour l'exposer pendant notre visite ici à Madrid à la Fondation Charles d'Anvers.

Le 16e et 17e siècles ont fait naître entre nos deux peuples une affinité de mœurs et de traditions qui sont basées sur les valeurs fondamentales de notre civilisation que sont les libertés individuelles, le respect de l'individu, la justice sociale, la solidarité, l'état de droit et la démocratie.

Majesté,

Vous avez montré au cours de l'histoire récente combien la défense de ces valeurs-là Vous tient à cœur. J'en veux pour preuve Vos interventions courageuses pour ancrer définitivement l’Espagne dans la communauté des nations démocratiques.

Vous avez fait preuve d’une détermination inébranlable en vous engageant dans la lutte contre le terrorisme ; soyez assuré que les luxembourgeois seront à vos côtés dans ce combat.

Nous partageons Vos soucis et Votre volonté d'être le garant des libertés. A cet égard, comme dans beaucoup d'autres domaines, Vous avez donné aux monarchies d'aujourd'hui une nouvelle dimension et Vous ne cessez de montrer au jeune Souverain que je suis le chemin à suivre.

L'Union européenne est conçue sur un modèle de société fondé précisément sur ces valeurs fondamentales que nous partageons. Pour ces raisons, l'Espagne a eu hâte, une fois la démocratie restaurée, d'y adhérer en 1986.

Majesté,

Lors de Votre visite d'Etat en juillet 1980 à Luxembourg, Vous avez indiqué d'autres raisons plaidant pour une adhésion à la Communauté économique européenne: c'est que les Espagnols appartiennent à l'Europe par leur histoire, leur géographie et leur culture, et qu'ils croient en l'Europe.

Si en 1980 le débat portait sur l'ouverture des institutions communautaires aux peuples de l'Europe méridionale, le récent Conseil européen de Nice a procédé aux aménagements des institutions européennes qui ouvrent la voie à l'élargissement vers l'Europe centrale.  Mais il a également confirmé la place que mérite l'Espagne au sein de l'Union européenne, alors que son apport fécond s'étend au-delà de l'aire géographique de son territoire. En effet, Votre pays rapproche l'Europe de l'Amérique latine par sa langue, et par ses liens privilégiés avec cette partie du monde.

Majesté,

Vous exprimiez en 1980 à Luxembourg la volonté de l'Espagne de contribuer à "la construction d'une Europe plus forte et plus équilibrée". Depuis lors, l'Europe a progressé dans la poursuite de cet objectif, et cela grâce aussi à Vos Ministres qui ont uni leurs efforts à ceux de leurs collègues des pays partenaires pour développer les orientations fondamentales de la politique européenne qui, selon les vœux des pères fondateurs, vise essentiellement à la préservation de la paix et de la stabilité sur le continent.

La politique de coopération mise en oeuvre par l'Espagne et par le Luxembourg dans les pays en développement constitue un autre type de contribution à notre objectif de paix. Sous ce rapport, mon pays est fier de se classer au niveau mondial en cinquième position en terme de parts du produit national consacrées à l'aide au développement.

Votre pays et le mien collaborent depuis l'après-guerre dans de nombreuses institutions internationales. Mais c'est depuis que l'Espagne a rejoint l'Europe communautaire que nos liens bilatéraux se sont régulièrement raffermis. Sur le plan économique, nos échanges commerciaux n’ont cessé de croître et la coopération des groupes industriels de nos deux pays, en particulier dans le domaine de la sidérurgie, montre des résultats concrets. D'autres partenariats s'ébauchent dans des domaines tels que les satellites et les finances. Je rencontrerai demain au siège de la Confédération des Entrepreneurs espagnols des dirigeants d'entreprises espagnols et luxembourgeois qui y auront l'occasion d'explorer d'autres possibilités de développement dans un intérêt réciproque.

De nouveaux contacts humains se nouent ainsi et profitent également aux quelques trois mille de Vos compatriotes qui vivent au Luxembourg et dont nous apprécions l'apport enrichissant pour notre société multiculturelle.

Majesté,

Au-delà des contacts entre gouvernements et des échanges économiques, nos deux peuples se connaissent et s’apprécient au travers de leurs cultures respectives.

Sa Majesté la Reine Qui a pris l'habitude d’encourager les arts et lettres et de manifester Sa sollicitude avec les malades et les déshérités, S'est proposée à montrer à la Grande-Duchesse les oeuvres des grands maîtres espagnols exposés au Prado et à l'emmener visiter les enfants malades à l'hôpital "Niño Jesús". Ce faisant, Vos Majestés entendent donner à la Monarchie d'aujourd'hui un visage humain. La Grande-Duchesse et moi ne saurions qu'avec gratitude nous en inspirer dans notre propre démarche.

Excellences, Mesdames, Messieurs,

C'est dans cet esprit que je lève mon verre en l'honneur de Leurs Majestés le Roi et la Reine, au bonheur de toute la Famille Royale, à l'avenir heureux du peuple espagnol et au développement des liens de coopération et d'amitié entre nos deux nations.

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