Déclaration sur la politique de coopération et d'action humanitaire 2003 (version originale française)

Le 12 février 2003, le ministre de la Coopération et de l'Action humanitaire Charles Goerens a présenté à la tribune de la Chambre des députés la Déclaration sur la politique de coopération au développement et d'action humanitaire du Luxembourg.

(Seul le discours prononcé fait foi)

La campagne de sensibilisation
La perception de notre politique
Les Objectifs de développement du Millénaire

I. La politique de coopération - Une politique de qualité
II. La politique de coopération - Notre engagement et notre responsabilité

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,

Comme les précédentes interventions que j’ai pu faire à cette tribune en ma qualité de Ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire en 2000 et en 2001, la présente déclaration sur la politique de coopération au développement et d’action humanitaire du Luxembourg s’inscrit dans un contexte institutionnel: celui d’un dialogue que je souhaite franc et constructif entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif et – à travers lui – l’ensemble de la population luxembourgeoise dont vous êtes les représentants. Aussi la déclaration d’aujourd’hui et le débat qui s’en suivra demain s’inscrivent-ils dans une dynamique de dialogue et d’échange.

Cette dynamique a pris une nouvelle dimension depuis l’automne dernier, lorsque le Gouvernement a lancé une vaste campagne d’information qui vise à sensibiliser le public luxembourgeois aux enjeux de la coopération au développement.

La campagne de sensibilisation

Avec cette campagne, le Gouvernement se propose notamment

  • d’informer l’opinion publique sur la politique de coopération au développement menée par le Gouvernement et d’en expliquer la portée;

  • de favoriser l’acceptation de sa politique de coopération au développement;

  • de susciter une connaissance et une compréhension plus grandes des réalités des pays en développement ainsi que des relations entre pays industrialisés et pays en développement;

  • de favoriser la tolérance ainsi que l’esprit de solidarité à l’égard des populations démunies des pays en développement.

La réalisation d’une telle campagne répond d’ailleurs au souhait de la Chambre des Députés, qui a invité le Gouvernement, à maintes reprises au cours des dernières années, à mettre en œuvre, de concert avec les ONG, une campagne de sensibilisation continue pour faire comprendre à l’opinion publique la complexité de l’effort sans précédent fourni par le Luxembourg depuis le début des années 1990 dans le domaine de la coopération.

A l’heure actuelle, la campagne de sensibilisation est programmée pour s’étendre jusqu’en mars 2004. Après une phase préparatoire lors de laquelle nous avons a eu recours à l’expertise et à l’expérience en la matière du Service Information et Presse, le Gouvernement a lancé une soumission publique en juillet 2002.

Afin d’être en mesure d’orienter et de cibler au mieux les actions d’information et de sensibilisation, nous avons fait procéder à un sondage qualitatif de l’opinion que se fait le public luxembourgeois de la coopération au développement. Le résultat du sondage a confirmé notre pressentiment: les Luxembourgeois sont en général favorables à l’aide au développement, même s’ils sont peu informés sur les efforts déployés par l’Etat luxembourgeois en la matière et même si leur attente principale à l’égard de l’Etat est qu’il réponde à leurs besoins au quotidien, ici au Luxembourg. Fort de ces résultats, le Gouvernement a précisé sa stratégie et son plan de communication avec l’aide d’une agence de communication spécialisée.

La campagne se déroule en plusieurs phases. Une première phase de sensibilisation et de prise de conscience est entre-temps achevée. Au moyen de différents supports médiatiques, abribus, affiches, spots à la télévision, à la radio et dans les cinémas, le but poursuivi pendant cette phase était de faire comprendre à un large public quels sont les principaux domaines d’action du Gouvernement en matière de coopération au développement : l’éducation, la santé, l’adduction d’eau et l’assainissement, le développement des capacités de base des populations des pays en développement, le transfert de savoir-faire. Un autre but était de mieux faire connaître le rôle de l’Etat, qui est l’acteur de loin le plus important en termes financiers de la coopération luxembourgeoise.

La deuxième phase de la campagne qui démarrera en mars prochain aura principalement pour but d’approfondir les connaissances du grand public en la matière. A cet effet, le Gouvernement présentera en particulier des projets concrets de la coopération bilatérale luxembourgeoise qui permettent de répondre aux besoins de nos pays partenaires.

La phase finale de la campagne débutera à la fin de l’année 2003. Elle sera essentiellement consacrée à la consolidation des acquis des deux premières phases.

La perception de notre politique

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,

C’est également dans le contexte d’une politique d’information renforcée que le Gouvernement s’efforce de réserver une plus grande publicité à des événements importants en matière de coopération au développement.

Ainsi la presse luxembourgeoise a-t-elle très largement été associée à la publication des rapports de deux agences des Nations Unies qui figurent parmi les partenaires privilégiés de la coopération luxembourgeoise: le rapport mondial 2002 sur le développement humain élaboré par le Programme des Nations Unies pour la développement (PNUD) et le rapport 2002 sur l’état de la population mondiale préparé par le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP). Les 19 et 20 novembre 2002, l’ONU a procédé au lancement des Appels Consolidés inter-agences en matière d’aide humanitaire à New York et dans sept capitales mondiales dont, pour la première fois, Luxembourg. Cette première nous a permis d’articuler à destination du grand public les enjeux de taille auxquels nous confrontent les nombreuses crises humanitaires: la situation actuelle en Afrique australe nous montre à quel point elles sont complexes et difficiles à gérer.

Les Objectifs de développement du Millénaire

Le 12 juillet 2002, la visite de travail de l’administrateur associé du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Monsieur Zéphirin Diabré, a donné l’occasion d’évoquer plus en détail et de présenter au public luxembourgeois les Objectifs de développement du Millénaire visant à réduire de moitié l’extrême pauvreté dans le monde d’ici 2015.

Le 8 septembre 2000 en effet, à l’occasion du Sommet du Millénaire qui se déroulait aux Nations Unies à New York, les 189 Etats membres de l’ONU de l’époque se sont engagés, d’ici 2015, à réaliser ce qu’on appelle désormais les "Objectifs de développement du Millénaire". Les Etats membres ont ainsi reconnu qu’en plus des responsabilités propres que nous devons assumer à l’égard de nos sociétés respectives, nous sommes collectivement tenus de défendre, à l’échelon mondial, les principes de la dignité humaine, de l’égalité et de l’équité. Afin de faire en sorte que la mondialisation devienne une force positive pour tous, un effort commun important et soutenu doit être consenti, dans le but d’atteindre les huit "Objectifs du Millénaire". Jusqu’en 2015, nous nous sommes engagés à:

  1. Réduire de moitié la proportion de la population vivant dans l’extrême pauvreté et souffrant de la faim

  2. Assurer l’éducation primaire pour tous

  3. Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, notamment à travers l’éducation

  4. Réduire la mortalité infantile de deux tiers pour les enfants de moins de 5 ans

  5. Améliorer la santé maternelle

  6. Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d’autres maladies

  7. Assurer la durabilité des ressources environnementales en intégrant les principes du développement durable dans les politiques nationales et en réduisant de moitié le pourcentage de la population qui n’a pas accès de façon durable à l’eau potable

  8. Mettre en place un partenariat mondial pour le développement

Ces objectifs sont à la fois ambitieux et insuffisants. Prenons seulement le premier objectif comme exemple. Il est insuffisant, car il ne vise à réduire la proportion de la population vivant dans l’extrême pauvreté que de moitié, alors que ce fléau touche à l’heure actuelle 1,2 milliard d’individus qui doivent subsister avec l’équivalent de moins d’un dollar par jour. La pauvreté affecte quant à elle 2,8 milliards d’individus qui disposent de moins de deux dollars par jour pour survivre. Au cours de la décennie passée, selon les données du PNUD, le nombre des personnes vivant dans l’extrême pauvreté n’a que légèrement reculé, de l’ordre de 100 millions d’individus. Même si nous parvenons à réduire de moitié la proportion de la population vivant dans l’extrême pauvreté, cela n’empêchera pas qu’une majeure partie des personnes concernées resteront prisonnières de leur tragique condition humaine, ce que nous ne saurions accepter.

Le paradoxe veut que l’objectif qui vient d’être évoqué est néanmoins ambitieux. Certains diraient même qu’il s’agit d’un vœu pieux. En effet, au regard des moyens mis en œuvre à l’heure actuelle, il paraît de prime abord difficile à atteindre. Pour ma part, je reste convaincu qu’il peut être réalisé si tous les pays respectent leurs engagements, et notamment celui d’augmenter le niveau de leur aide publique au développement (APD) et d’améliorer leur aide en ciblant les secteurs pertinents, les secteurs sociaux, en particulier l’éducation et la santé. J’irais même jusqu’à affirmer que dans l’éventualité où l’ensemble des pays de l’OCDE à revenu élevé faisaient face à leurs responsabilités et consacraient notamment 0,7% de leur Revenu National Brut à l’aide publique au développement, la pauvreté pourrait être éradiquée à l’horizon 2015.

Le Luxembourg tient ses engagements. Il a régulièrement augmenté son aide publique au développement, qui doit atteindre 0,84% du Revenu National Brut cette année. Il continue de cibler son appui à raison de plus de 80% sur les secteurs sociaux, dépassant ainsi très largement les objectifs minimaux fixés en 1995 par le Sommet mondial de Copenhague pour le développement social. Comme il a déjà été expliqué par le passé, les principes et priorités de la coopération luxembourgeoise sont totalement en phase avec les Objectifs du Millénaire. Le suivi de la mise en œuvre de ces objectifs sera dorénavant assuré par Madame Eveline Herfkens, ancienne Ministre de la Coopération des Pays-Bas, qui a été nommé l’an dernier Coordinatrice du Secrétaire Général des Nations Unies pour la campagne de promotion des Objectifs de développement du Millénaire. Le Luxembourg entend soutenir financièrement son important travail de lobbying au niveau international.

L’information du grand public sur les enjeux de la coopération et la sensibilisation de nos concitoyens à ces enjeux, nous les comprenons comme un pendant nécessaire à notre action sur le terrain, aux côtés des populations les plus pauvres des pays en développement. L’information et la sensibilisation permettent en effet de favoriser l’acceptation de la politique de coopération par nos concitoyens. Elles doivent permettre d’éviter tout déphasage et de s’assurer que la population luxembourgeoise puisse s’identifier avec notre politique de solidarité. La coopération luxembourgeoise entend contribuer à la réalisation des Objectifs de développement du Millénaire en mettant en œuvre une politique de qualité (partie I), en prenant ses responsabilités au niveau européen et international (partie II) avec la persévérance nécessaire, et en ayant toujours présent à l’esprit que la pauvreté n’est pas une fatalité.

PARTIE I. UNE POLITIQUE DE QUALITE

La coopération luxembourgeoise se veut être une politique de qualité. Pour cela, de nouvelles orientations ont été prises depuis la fin des années 1990: elles concernent l’évaluation de nos programmes et projets, l’approche stratégique que nous suivons dans les différents volets de notre politique de coopération, et enfin le rapprochement vers le terrain qui doit guider la façon dont nous organisons la gestion de nos programmes et projets.

1. Evaluation et transparence

C’est dans le souci d’améliorer la qualité de ses programmes et projets de développement que le Gouvernement s’est efforcé de développer, depuis 1998, une politique intégrée d’évaluation et d’audit. Les efforts entrepris depuis cette date ont permis de travailler sur le renforcement des procédures internes d’identification et de suivi des projets, sur l’intégration plus systématique d’une perspective de suivi et d’évaluation dans la formulation et l’exécution des projets ainsi que sur la mise en place d’un programme d’évaluation externe annuel de notre coopération qui couvre soit des projets spécifiques, soit des programmes sectoriels ou bien encore des programmes pays. Ces évaluations externes sont réalisées selon une méthodologie standardisée qui se base sur des travaux techniques internationalement reconnus développés au sein du Comité d’aide au développement de l’OCDE. Elles sont commanditées par le Ministère puis réalisées pour le compte des deux Gouvernements impliqués, celui du Luxembourg et celui du pays bénéficiaire de l’aide. Elles sont réalisées par des experts indépendants sélectionnés à l’issue d’un processus d’appel d’offres, ce qui garantit la transparence et l’indépendance requises en la matière.

L’objectif final de l’évaluation externe est d’améliorer les modes de gestion de la coopération luxembourgeoise, ses procédures et ses pratiques, au terme d’un dialogue et d’une réflexion qui impliquent tous les acteurs concernés : les deux Gouvernements, les pouvoirs publics nationaux et locaux, les agences d’exécution et surtout les bénéficiaires des programmes et projets. Ce processus de remise en question permanente et d’apprentissage collectif nous fournit un précieux outil de réajustement et de réorientation de nos interventions sur le terrain. Il contribue ainsi à rehausser la qualité des interventions de la coopération luxembourgeoise et à accroître son impact positif sur les conditions de vie des populations bénéficiaires.

A cet égard, on peut citer en exemple une évaluation effectuée l’année dernière au Vietnam et qui concernait deux projets d’assistance dans le domaine de la transfusion sanguine. Dans ses recommandations, le consultant a mis l’accent sur la nécessité d’organiser et de financer une assistance technique internationale spécialisée pour faciliter la mise en œuvre du nouveau programme national de transfusion sanguine du Vietnam. Suite à des contacts noués avec le Gouvernement vietnamien ainsi que la Banque Mondiale et l’Organisation Mondiale de la Santé, un nouveau projet d’envergure a été formulé dans ce sens. Il donne à la coopération luxembourgeoise, conjointement avec l’OMS, d’importantes responsabilités de suivi et de gestion dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle politique nationale de transfusion sanguine du Vietnam.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,

Un autre moment fort dans le cadre des récentes évaluations a été l’audit organisationnel et financier de l’Agence luxembourgeoise pour la Coopération au Développement, Lux-Development, que le Ministère a fait réaliser entre mars et juin 2002. Cet audit répondait au souhait de la Chambre des Députés, qui avait invité le Gouvernement lors du dernier débat sur la politique de coopération à élaborer un audit fonctionnel et organisationnel de Lux-Development. Le volet financier de l’audit visait plus spécifiquement à donner décharge au Directeur sortant de Lux-Development. Sur ce dernier point, signalons que le rapport d’audit n’a rien trouvé à redire sur la gestion financière de la société. Sans vouloir entrer dans les derniers détails techniques, les principales recommandations de l’audit fonctionnel et organisationnel peuvent être résumées en quelques phrases-clefs:

  • Lux-Development doit finaliser sa réorganisation interne et mettre en place les outils de gestion appropriés; cette réorganisation comprend la mise en place d’une cellule d’audit interne qui soit complètement détachée des tâches opérationnelles de l’Agence;

  • Lux-Development est encouragé à poursuivre le chantier qui devra lui permettre d’obtenir à moyen terme la certification de qualité ISO 9000, ce qui serait une première européenne pour une agence d’exécution en matière de coopération au développement;

  • Lux-Development peut procéder à une décentralisation prudente d’une partie des tâches du siège vers les bureaux régionaux qui se mettent progressivement en place, en veillant toutefois à ce que le siège dispose d’outils de monitoring adéquats;

  • Les relations de travail entre Lux-Development et la Direction de la Coopération au Développement au Ministère des Affaires étrangères peuvent être améliorées en revoyant notamment le format des documents d’échange d’informations;

  • Le cadre juridique régissant les relations entre Lux-Development et le Ministère mérite d’être adapté et précisé sur certains points, notamment en ce qui concerne la façon dont les frais de fonctionnement de l’Agence sont couverts.

De concert avec Lux-Development, nous avons travaillé d’arrache-pied afin de mettre en œuvre ces recommandations. Celles-ci ont été d’autant mieux accueillies qu’elles ont été le résultat d’ateliers de réflexion auxquels les équipes de Lux-Development et du Ministère ont pu contribuer. Ainsi, une nouvelle convention régissant les relations entre l’Etat luxembourgeois et Lux-Development est en cours de préparation. Elle établira en particulier un nouveau mode de couverture par l’Etat des frais de fonctionnement de l’Agence. La cellule d’audit interne est en train d’être réorganisée. Toutes ces innovations doivent contribuer à améliorer et à professionnaliser la collaboration entre l’Etat luxembourgeois et son agence d’exécution, dans l’intérêt de la bonne gestion des programmes de coopération bilatérale.

Monsieur le Président,

A des fins de transparence, nous avons tenu à ce que les rapports de l’évaluation et de l’audit qui viennent d’être évoqués soient remis en juillet dernier à la Chambre des Députés par l’intermédiaire de sa Commission des Affaires étrangères.

Cette transparence institutionnelle, la coopération luxembourgeoise en fait l’expérience à d’autres niveaux. Au niveau européen, un dialogue engagé avec les services de la Commission européenne responsables du bon fonctionnement du marché intérieur nous a conduits à envisager une clarification et un renforcement des liens entre l’Etat et Lux-Development.

Au niveau national, il convient de relever l’audit de la gestion administrative et financière de la coopération luxembourgeoise auquel se livre chaque année la Cour des comptes. A moyen terme, le Gouvernement devra tenir compte des recommandations de cet audit lorsqu’il s’agira d’adapter la loi sur la coopération au développement. Si on y ajoute le resserrement du contrôle financier en matière d’exécution du budget et le fait qu’avec notre politique d’évaluation, nous n’hésitons pas à remettre systématiquement en question notre propre travail, on peut dire que la coopération luxembourgeoise n’a jamais été suivie voire surveillée de si près qu’elle ne l’est aujourd’hui, et c’est bien ainsi.

2. L’approche stratégique

Une autre façon d’améliorer la qualité de la coopération luxembourgeoise est de lui donner une dimension stratégique. Ce nouvel accent se traduit au niveau de la coopération bilatérale, au niveau de la coopération avec les ONG et au niveau de l’action humanitaire que nous mettons en œuvre.

Coopération bilatérale: programmes indicatifs de coopération et commissions de partenariat

Pour donner à notre coopération bilatérale une dimension plus stratégique, nous avons pris la décision de passer d’une approche-projet à une approche-programme. Dans ce contexte, nous sommes en train depuis un an de mettre en place avec la plupart de nos pays partenaires privilégiés des programmes indicatifs de coopération (PIC). De tels programmes ont d’ores et déjà été établis par ordre chronologique avec le Cap Vert, le Sénégal, le Vietnam, le Salvador, le Mali, le Burkina Faso et le Nicaragua. Les PIC avec le Niger et le Laos sont en préparation.

Le PIC se situe dans une perspective de renforcement et d’approfondissement des relations de coopération qui existent entre le Luxembourg et ses pays partenaires. Placé sous le signe de la lutte contre la pauvreté, le programme indicatif de coopération doit permettre de s’assurer qu’un certain nombre de grands principes de la coopération soient respectés:

  • les actions envisagées doivent être cohérentes par rapport à la politique du pays partenaire, c’est-à-dire sa stratégie nationale de développement et de lutte contre la pauvreté ainsi que ses politiques sectorielles;

  • les différentes interventions de la coopération luxembourgeoise doivent produire des effets de synergie entre elles et si possible avec les interventions d’autres bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux;

  • les secteurs d’intervention doivent être définis d’un commun accord avec le pays partenaire, sachant que nos secteurs d’intervention privilégiés sont l’éducation, la santé, l’accès à l’eau potable et l’assainissement, ainsi que le développement rural intégré;

  • les interventions de la coopération luxembourgeoise doivent évoluer de façon cohérente et prévisible, sur une base pluriannuelle;

  • des mécanismes de suivi et d’évaluation globale du programme doivent être mis en place et être de nature à responsabiliser l’ensemble des acteurs impliqués;

  • l’allocation des ressources disponibles doit obéir à une programmation commune.

Le PIC constitue ainsi un précieux instrument de pilotage de la coopération entre le Luxembourg et ses pays partenaires.

Monsieur le Président,

La prévisibilité qu’assure le PIC passe également par la mise à disposition pour son exécution d’une enveloppe financière indicative sur une période de quatre à cinq ans. Il est toutefois entendu que le programme indicatif de coopération est un document politique qui n’a pas valeur d’accord juridique. L’enveloppe financière indicative qui y figure est censée faciliter notre programmation budgétaire et, surtout, celle de nos pays partenaires. Elle ne préjuge en rien des décisions de l’autorité budgétaire ici rassemblée, ni d’ailleurs des décisions qu’un futur Gouvernement serait appelé à prendre. De surcroît, la prudence est de mise dans la mesure où il y est rappelé que l’enveloppe financière disponible peut varier en fonction de la mise en œuvre du programme et en fonction de l’évolution générale de l’aide publique au développement du Luxembourg.

Ce nouvel instrument de notre coopération bilatérale répond au souci d’une meilleure planification et d’une plus grande cohérence que la Chambre des Députés avait partagé lors du dernier débat sur la politique de coopération. La mise en place de programmes indicatifs de coopération, leur suivi et l’intensité des relations de coopération qui s’y reflète nous permettent en même temps d’engager de manière crédible un dialogue sur des questions politiques avec nos pays partenaires. A travers le PIC, les deux parties conviennent en effet d’accorder une place particulière au dialogue, d’examiner les questions d’intérêt commun et de promouvoir le respect des principes démocratiques, des droits de l’homme, de l’état de droit, de la bonne gouvernance et de l’égalité entre hommes et femmes. De même, d’autres questions telles que la cohésion sociale, la réduction des inégalités, l’intégration régionale, la globalisation, la cohérence des politiques ou le rôle de l’Etat dans la société pourront être évoquées.

Parallèlement à la mise en place de programmes indicatifs de coopération, nous avons tenu à créer avec chaque pays concerné une commission de partenariat. Cette commission se réunit une fois par an, à tour de rôle à Luxembourg et dans le pays partenaire, en règle générale au niveau ministériel. Elle permet d’institutionnaliser le dialogue et d’assurer le suivi au plus haut niveau de la mise en œuvre des programmes indicatifs de coopération. A l’avenir, nous avons l’intention d’associer régulièrement la Chambre des Députés au dialogue substantiel que nous entretenons ainsi avec nos pays partenaires. D’ores et déjà, nous avons tenu à transmettre à la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Députés les différents programmes indicatifs de coopération qui ont été conclus jusqu’à présent.

Coopération avec les ONG: accords-cadres et services d’appui

Depuis l’an 2000, le Gouvernement a opté pour une approche stratégique dans sa coopération avec les organisations non gouvernementales en mettant en place un nouvel outil de financement, l’accord-cadre. Entre-temps, nous avons conclu des accords-cadres avec quinze ONG, dont un consortium de deux ONG. L’accord-cadre nous permet d’appuyer de façon globale un programme d’actions élaboré par l’ONG signataire. Ce programme, qui organise toute une série d’interventions dans les pays en développement, doit être le reflet d’une stratégie unique, claire et cohérente poursuivie par l’ONG.

Les accords-cadres ont été conclus avec les ONG luxembourgeoises les plus professionnalisées et les plus expérimentées. Les résultats des évaluations qui ont été menées dans le cadre de ce nouvel instrument au cours des trois dernières années ont renforcé le Gouvernement dans sa conviction qu’il faut poursuivre dans cette voie à l’avenir, moyennant quelques adaptations à apporter aux bases légales de la coopération luxembourgeoise. Telle est également, estimons-nous, la conviction des ONG, qui récoltent aujourd’hui en termes de stabilité financière et d’impact sur le terrain les fruits des efforts investis dans la mise en place d’une véritable approche stratégique dans les relations qu’elles entretiennent avec leurs différents partenaires locaux.

Pour autant, nous n’oublions pas les ONG dont les moyens sont certes plus modestes, mais dont les membres – pour la plupart des bénévoles – font preuve d’un authentique engagement pour les populations les plus démunies des pays en développement. Depuis un an et demi, grâce au soutien financier de l’Etat, le Cercle de coopération des ONG de développement a mis en place un bureau d’assistance technique (BAT) qui est au service de l’ensemble des 76 ONG agréées. Le personnel du BAT est là pour leur donner un coup de main dans la gestion de leurs projets, que ce soit au niveau de l’identification et de la formulation, de l’exécution, du suivi ou de l’évaluation des projets. Le rôle d’appui-conseil du BAT sera encore plus crucial cette année, alors que les nouveaux schémas de cofinancement qui entrent en vigueur cette semaine vont généraliser l’outil du cadre logique pour la présentation des projets. Le BAT organise et assure également des séances de formation pratique à la gestion du cycle de projet, qui ont profité l’année dernière à une centaine de membres actifs d’ONG. Cette activité de formation est d’autant plus importante pour assurer la qualité du travail des ONG que la rotation du personnel y est très élevée.

Grâce aux accords-cadres et au travail du bureau d’assistance technique, le dialogue que nous menons avec les ONG ne se perd plus dans les détails du "micro-management". Il peut se concentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire sur les stratégies d’intervention que se donnent les ONG, sur les possibilités de synergie avec les interventions de la coopération bilatérale luxembourgeoise, sur l’échange d’informations concernant nos pays partenaires privilégiés, dans lesquels beaucoup d’ONG sont présentes, enfin sur la place qui revient aux ONG dans la coopération luxembourgeoise en général. L’ensemble de ces thèmes pourront être abordés lors de la traditionnelle assemblée générale entre le Ministère et les ONG, qui aura lieu le 31 mars prochain.

Action humanitaire

Depuis 1999, l’action humanitaire est également un domaine dans lequel le Gouvernement a opté pour une approche résolument stratégique, tant en ce qui concerne les relations avec nos partenaires internationaux qu’en terme de partenariat avec les organisations non gouvernementales luxembourgeoises actives dans ce domaine.

Nous avons ainsi noué des relations plus étroites avec trois partenaires humanitaires de tout premier plan au niveau international : le Comité International de la Croix-Rouge, le Programme Alimentaire Mondial et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Ces relations se concrétisent par la signature avec chacun de ces trois acteurs d’un protocole d’accord annuel dans lequel le Luxembourg s’engage à participer au financement de programmes humanitaires déterminés. Outre sa valeur ajoutée en termes de programmation budgétaire, cette démarche nous apporte un plus d’information et d’expertise dans la mesure où l’élaboration des différents protocoles d’accord implique une concertation étroite avec nos partenaires.

Grâce à notre partenariat avec le CICR, le PAM et le HCR, il nous a été possible, au cours des dernières années, d’être présent de façon significative sur toutes les crises humanitaires majeures, et ce au moment opportun, très souvent avant même qu’elles ne fassent la une des médias. Citons à titre d’exemple la population afghane, à laquelle une aide humanitaire a pu être fournie bien avant les événements qui ont marqué l’après 11 septembre 2001.

L’année dernière, le Gouvernement a décidé d’étendre ses efforts de coordination et de programmation aux relations qu’il entretient avec les trois principales ONG luxembourgeoises actives dans le domaine de l’action humanitaire, c’est-à-dire la Fondation Caritas Luxembourg, Médecins sans Frontières et Handicap International Luxembourg. Nous mettons ainsi à disposition de ces organisations des budgets importants pour le financement d’actions de prévention de crises humanitaires ainsi que pour le financement d’opérations de réhabilitation ou de reconstruction intervenant après une crise humanitaire et avant que les actions de coopération au développement ne prennent le relais.

Monsieur le Président,

L’ambition d’améliorer l’efficacité de notre action est un impératif de notre politique de coopération, à tous les niveaux. Cette politique a un coût. Elle exige notamment l’implication d’un plus grand nombre de femmes et d’hommes dans la gestion de nos programmes et projets. Conformément aux recommandations du Comité d’aide au développement de l’OCDE, le personnel au service de la coopération luxembourgeoise a régulièrement augmenté au cours des dernières années, que ce soit au niveau du Ministère des Affaires étrangères, au niveau de Lux-Development ou encore au niveau des ONG. Pour autant, le Ministère est conscient de la nécessité de poursuivre cet effort en ce qui le concerne au cours des années à venir.

Le troisième élément de notre politique de qualité vise à assurer une plus grande présence de la coopération luxembourgeoise sur le terrain, dans les pays en développement où nous concentrons nos efforts.

3. Une plus grande présence sur le terrain

La nécessité pour le Luxembourg d’être davantage présent sur ce terrain découle du fait que le Gouvernement s’est fixé pour objectif de renforcer la visibilité et surtout l’efficacité de son action dans ses pays partenaires privilégiés.

En janvier 2001, le Luxembourg a ouvert sa première mission de coopération avec compétence régionale à Dakar. Depuis septembre 2001, nous disposons également d’un bureau de coordination de la coopération luxembourgeoise au Cap Vert. Conformément à la décision prise par le Gouvernement en été 2002, il est prévu de poursuivre le mouvement de rapprochement de la coopération vers le terrain en établissant dans un avenir proche une présence en Asie et en Amérique centrale.

Notre présence accrue sur le terrain porte d’ores et déjà ses fruits. Au Cap Vert et dans les trois pays couverts par la mission à Dakar, c’est-à-dire le Sénégal, le Mali et le Burkina Faso, nous sommes mieux à même d’assurer un suivi approprié de notre coopération bilatérale en particulier. Grâce à des visites sur le terrain beaucoup plus rapprochées, nous pouvons mieux vérifier la qualité de la réalisation des interventions et en définitive assurer un meilleur suivi de la mise en œuvre des programmes indicatifs de coopération que nous venons d’établir.

Notre travail d’identification de nouvelles interventions est également rendu plus efficace par notre présence sur place. Des contacts plus réguliers avec les autorités nationales, les agences d’exécution locales, les autorités municipales et les autres bailleurs de fonds, bilatéraux et multilatéraux, nous permettent de mieux saisir les besoins réels de nos pays partenaires. Seule une présence permanente sur place peut favoriser une coopération qui se fonde sur un partenariat digne de ce nom.

La volonté de se rapprocher du terrain s’inscrit d’ailleurs dans une démarche adoptée par nombre d’autres bailleurs de fonds, la Commission européenne et les Pays-Bas notamment. De manière générale, la coopération internationale donne aujourd’hui à la présence sur le terrain une importance grandissante. Elle est indispensable si les grands principes de la coopération que sont l’appropriation par les bénéficiaires, le partenariat et le développement participatif doivent être respectés.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,

Avec ces trois nouveaux accents de sa politique que sont l’évaluation, l’approche stratégique et une plus grande présence sur le terrain du développement, nous estimons être en passe de relever le défi central qui avait été identifié en commun lors de l’examen de la coopération luxembourgeoise par le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE en 1998 : s’assurer que la qualité de notre aide augmente en même temps que son volume. Le 18 mars prochain aura lieu à Paris le troisième examen de notre politique de coopération au développement et d’action humanitaire par le CAD. Le mémoire que mes services ont mis au point dans cette perspective a été mis à la disposition de la Chambre.

L’efficacité de notre aide croît, son volume aussi. Alors que notre aide publique au développement n’atteignait que 0,21% de la richesse nationale en 1990, le Luxembourg a atteint et même dépassé depuis l’an 2000 l’objectif d’une APD équivalant à 0,7% de son Revenu National Brut. A l’heure actuelle, ce taux se situe au-dessus de 0,8%, et nous entendons maintenir la progression de notre engagement budgétaire, malgré un contexte économique marqué par un net ralentissement de la croissance. Les fonds réservés cette année à la coopération au développement et à l’action humanitaire sont en progression, tant en valeur absolue qu’en valeur relative. Aujourd’hui, l’objectif d’une APD à 1% du Revenu National Brut est à notre portée.

Notre effort est salué par la communauté internationale, dans la mesure où le Luxembourg est le premier pays depuis de longues années à avoir franchi le seuil d’aide publique au développement recommandé par les Nations Unies en 1970. En même temps, nous devons rester conscients du fait que notre contribution à l’effort international de solidarité reste modeste en valeur absolue, ce qui doit nous inciter à ne pas perdre de vue les limites de notre action. Pour autant, le Luxembourg ne manque pas de prendre des initiatives politiques quand l’occasion se présente de jouer un rôle actif dans la défense des intérêts des populations des pays en développement.

PARTIE II. NOTRE ENGAGEMENT ET NOTRE RESPONSABILITE

Notre engagement se manifeste à plusieurs niveaux. Il trouve son terrain naturel dans le cadre de l’Union européenne et dans le cadre des Nations Unies, mais il peut également se traduire par des initiatives ad hoc au niveau international.

1. Au niveau de l’Union européenne

Au niveau des institutions européennes, l’année écoulée a été marquée par l’abolition du Conseil Développement et son intégration à la nouvelle formation du Conseil appelée "Conseil Affaires Générales et Relations Extérieures". En effet, le Conseil européen de Séville en juin 2002 s’est prononcé en faveur d’une réforme du Conseil allant dans ce sens, malgré les réserves émises par le Président du Parlement européen et par le Luxembourg notamment.

Dans cette nouvelle configuration, il faudra s’assurer que la coopération au développement reste un volet important de l’action extérieure de l’Union européenne. Dans ce contexte, le Luxembourg tient à rendre hommage à la Présidence hellénique, qui a pris l’initiative de réunir à nouveau au mois de juin prochain les Ministres européens de la coopération en cadre informel, leur permettant ainsi d’influer sur les travaux du Conseil. Il me paraît en effet indispensable de permettre aux Ministres européens de la coopération de donner des impulsions politiques dans toutes les questions qui ont trait à la coopération, notamment la lutte contre le SIDA, l’interaction entre commerce et développement ou encore l’amélioration de l’efficacité de l’aide publique au développement, dont les Etats membres et la Commission européenne fournissent après tout plus de 50% à l’échelle mondiale.

Il faut avant tout préserver la capacité d’analyse et d’action des responsables politiques de la coopération au développement au sein de l’Union européenne. Aujourd’hui, des dispositions sont à prendre afin de s’assurer que l’élargissement à dix nouveaux Etats membres n’entraîne pas une dilution de l’effort de coopération. Ces pays doivent faire des efforts pour assurer, en coopération avec les quinze Etats membres actuels, la reprise de l’acquis communautaire en matière de coopération au développement.

Par le passé, le Conseil Développement nous a permis de prendre des initiatives significatives. Ainsi, lors du Conseil Développement de mai 2002, le Luxembourg a pris l’initiative, avec le soutien de la Suède, de faire inscrire à l’ordre du jour une discussion sur la situation et les problèmes rencontrés par le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP). En conclusion, le Conseil Développement a donné un appui politique fort aux activités du FNUAP.

De même, c’est à l’initiative du Luxembourg que l’Union européenne a fait le 28 juin 2002 une déclaration dans laquelle elle a exprimé son soutien plein et entier aux efforts lancés par le nouveau Président du Nicaragua, Monsieur Enrique Bolaños Geyer, pour moraliser la vie publique et pour moderniser et rationaliser l’économie nicaraguayenne, en dépit des nombreuses réticences suscitées au sein de son propre parti par sa volonté affirmée de faire table rase de la corruption. Le Luxembourg a eu l’occasion de renouveler son soutien à la lutte contre la corruption engagée par le Président Bolaños lors de la récente visite officielle que LL.AA.RR. le Grand-Duc et la Grande-Duchesse ont effectuée au Nicaragua au début de ce mois. Il y a lieu de relever la convergence des vues exprimées par les autorités des deux pays sur ce point brûlant de l’actualité politique au Nicaragua.

Le discours prononcé par notre Premier Ministre devant l’Assemblée nationale du Cap Vert lors de sa visite effectuée en 2002 s’inscrit dans la volonté de notre pays de donner sans cesse des impulsions politiques nouvelles à la politique de coopération au développement.

Il en va de même du discours tenu chaque année par notre Ministre des Affaires étrangères à la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies, notamment lorsqu’elle se réfère à la responsabilité collective des membres de la communauté internationale.

2. Au niveau des Nations Unies

Notre responsabilité se trouve également engagée au niveau des Nations Unies. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’assurer une présence accrue du Luxembourg au sein de nos agences partenaires dans le système des Nations Unies. En 2002, le Luxembourg a été élu membre du conseil d’administration du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP). Cette année, nous sommes membres du conseil d’Administration de l’UNICEF. Nous assistons également en tant qu’observateur aux nombreux autres conseils d’administration des organismes partenaires de la coopération luxembourgeoise que sont ONUSIDA, le Fonds Global de lutte contre le SIDA, la tuberculose et la malaria ou encore certains programmes de l’OMS qui reçoivent un financement luxembourgeois.

Notre présence dans ces réunions ne découle pas simplement de la nécessité de suivre les dossiers qui nous intéressent. C’est en effet dans ces conseils que les principales orientations de la politique de développement des agences sont définies, c’est là que se concentre le droit de regard des donateurs et des pays bénéficiaires sur l’utilisation du budget mis à la disposition des agences, et c’est là que le Luxembourg peut le mieux faire entendre sa voix au sein de la communauté internationale, et non seulement européenne.

Notre participation active aux travaux qui se déroulent à New York et à Genève est donc capitale pour assurer que nos contributions multilatérales ne se réduisent pas à de simples transferts financiers. Notre soutien se traduit à la fois par des contributions au budget ordinaire et à des programmes des agences qui nous semblent prioritaires et par le financement de projets concrets réalisés par ces mêmes agences, le plus souvent dans nos pays partenaires privilégiés. Ces projets offrent une complémentarité intéressante par rapport aux programmes bilatéraux mis en œuvre dans ces pays.

Au niveau de l’action humanitaire aussi, le Luxembourg s’engage aux Nations Unies en participant depuis trois années de façon active à la gestion de certains dossiers humanitaires. Quand les pertes et le désespoir causés par la guerre en Ethiopie et en Erythrée se doublent d’une sécheresse qui s’étend sur la Corne de l’Afrique, quand la corruption d’un Gouvernement contribue à la détérioration d’une situation alimentaire déjà précaire comme au Malawi ou au Zimbabwe, quand les mines antipersonnel empêchent le retour de dizaines de milliers de personnes déplacées comme en Angola, quand les seigneurs de la guerre – grâce à des appuis extérieurs – menacent la reconstruction de l’Etat comme en Afghanistan, ce n’est pas le moment de se plaindre de l’inefficacité de l’action humanitaire, mais plutôt le moment de réaliser à quel point il est indispensable de considérer l’action humanitaire comme un élément d’une action internationale plus vaste et surtout mieux coordonnée, voire intégrée. C’est à ce niveau que nous estimons que les Nations Unies ont un rôle crucial à jouer.

3. Initiatives ad hoc au niveau international: l’exemple d’ESTHER

Quand des initiatives novatrices et utiles prennent forme sur la scène internationale, il est naturel que le Luxembourg s’y associe. Tel est le cas de l’initiative ESTHER, dont l’intitulé complet est "Ensemble pour une Solidarité Thérapeutique Hospitalière En Réseau contre le SIDA".

L’idée qui est à la base de cette initiative consiste à mettre en place des jumelages Nord-Sud des structures de santé qui assurent le traitement de patients atteints du VIH/SIDA. Grâce au partenariat entre un hôpital du Nord et une structure de santé du Sud, il pourra y avoir un échange d’expérience et de savoir-faire, une assistance technique et matérielle qui aidera les pays dans le besoin à assurer le traitement d’un certain nombre de patients.

Les partenariats impliquant des hôpitaux de France, du Luxembourg, d’Espagne et d’Italie couvrent une large partie des pays les plus lourdement touchés par le SIDA, en Afrique, mais aussi en Asie et en Amérique latine. Concrètement, le Luxembourg intervient au Rwanda, pays où nous sommes déjà présents dans la lutte contre le SIDA, en y soutenant le partenariat qui s’est tissé entre deux hôpitaux luxembourgeois et deux hôpitaux rwandais. Le Centre Hospitalier de Luxembourg entretient depuis plusieurs mois maintenant des relations étroites avec le Centre Hospitalier de Kigali, la capitale du Rwanda. Le Centre Hospitalier du Nord s’est quant à lui engagé à soutenir l’hôpital de la ville de Rwamagana. Les équipes médicales des hôpitaux travailleront la main dans la main pour rendre possible le traitement d’un nombre de patients qui évidemment ne sera pas aussi élevé qu’on pourrait le souhaiter, mais qui donnera de l’espoir aux pays meurtris par cette épidémie. Dans quelques semaines, les premiers patients internés à l’hôpital de Kigali commenceront à recevoir un traitement d’anti-rétroviraux. Chaque mois, de nouveaux patients seront traités. Une demande a été soumise au Fonds Global de lutte contre le SIDA, la tuberculose et la malaria pour qu’il prenne en charge l’achat des médicaments de ce projet. En cas de réponse positive, nous pourrons concentrer nos efforts sur le volet logistique du projet (fourniture de petit équipement et de matériel, visites d’échange) et sur la formation du personnel médical. En cas de réponse négative, nous entendons assurer la mise à disposition de médicaments à charge de notre coopération.

Participer à ESTHER est pour nous un pas important, car nous sommes parmi les premiers à nous engager ainsi dans une démarche visant à mettre en pratique le principe qui veut que les malades du SIDA des pays en développement ont eux aussi le droit d’être soignés et ont eux aussi droit à l’espoir, au même titre que les malades qui ont la chance d’habiter les pays riches de la planète. Ce pas est en même temps irréversible parce que nous ne pourrons pas nous désengager d’un tel projet avant qu’un remède contre le SIDA n’ait été trouvé. Il n’est en effet pas question d’abandonner à leur sort, pour une question de manque de fonds, des patients que l’on a commencé à traiter. C’est pourquoi, comme dans leurs démarches auprès du Fonds Global de lutte contre le SIDA, le Luxembourg et ses pays partenaires dans ESTHER ne ménageront pas leurs efforts pour convaincre les autres acteurs sur la scène internationale de se joindre à leur initiative et d’appuyer leurs projets.

Les écueils et les difficultés sont nombreux dans le domaine de la lutte du SIDA. En nous engageant dans une initiative comme ESTHER, nous courons le risque d’échouer. Mais en ne faisant rien, nous échouerons sûrement. Au Rwanda, l’espérance de vie à la naissance est tombée de 45 ans pour la période 1970-75 à 39 ans pour la période 1995-2000. Au Mozambique, où la section luxembourgeoise de Médecins sans Frontières met en œuvre un programme intégré de lutte contre le SIDA, si on n’arrive pas à inverser la tendance actuelle, l’espérance de vie risque de passer sous le seuil de 30 ans !

La lutte contre le SIDA est aussi une question de médicaments et d’accès aux médicaments. Le succès de la campagne d’accès aux traitements essentiels du VIH/SIDA à laquelle a participé l’ONG Médecins sans Frontières a montré que sur ce sujet crucial pour la protection de la santé publique dans les pays en développement, des avancées significatives étaient possibles. Ceci explique qu’aujourd’hui, le coût annuel du traitement par anti-rétroviraux d’un patient atteint du VIH/SIDA a pu être ramené de 10.000 EUR à quelque 300 EUR. Nous saluons dans ce contexte la déclaration sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) qui a été adoptée par la dernière Conférence ministérielle de l’OMC à Doha, en novembre 2001. Rappelons que cette déclaration indique que l’accord sur les ADPIC peut et devrait être interprété et mis en œuvre d’une manière qui appuie le droit des Etats membres de l’OMC de protéger la santé publique et, en particulier, de promouvoir l’accès de tous aux médicaments. Le Luxembourg a bon espoir que les travaux en cours à Genève permettront de régler les dernières divergences sur les conséquences pratiques à tirer de cette déclaration, qui est un bon exemple de ce qu’il est convenu d’appeler la cohérence des politiques.

4. Un engagement en faveur de la cohérence des politiques

Le principe de la cohérence des politiques tel que nous l’entendons est un principe de bon sens qui signifie que l’on ne peut pas retirer de la main gauche ce qu’on donne de la main droite. Autrement dit, les politiques de lutte contre la pauvreté menées en faveur des populations les plus démunies des pays en développement ne doivent pas voir leur impact annihilé par les effets d’autres politiques déployées à l’échelle internationale.

Ainsi, la politique suivie au niveau de l’OMC en matière de propriété intellectuelle sur une série de médicaments essentiels à la protection de la santé publique est bien cohérente par rapport aux Objectifs de développement du Millénaire qui prévoient d’enrayer la propagation du VIH/SIDA et de commencer à inverser la tendance actuelle. Il y a dans ce cas cohérence des politiques menées en matière de commerce international et en matière de coopération au développement.

S’il importe de tant insister sur l’impératif de la cohérence des politiques, c’est parce qu’il constitue un défi permanent. Le Traité instituant la Communauté européenne y fait d’ailleurs une référence explicite dans ses articles 177 et 178 en disposant que, dans les politiques qu’elle met en œuvre et qui sont susceptibles d’affecter les pays en développement, la Communauté doit tenir compte de l’objectif d’un développement économique et social durable des pays en développement et plus particulièrement des plus défavorisés d’entre eux.

A Genève, les travaux sur le processus de réforme et de libéralisation des politiques commerciales au niveau mondial se poursuivent sur base de l’accord intervenu à la Conférence de Doha en novembre 2001, dans le cadre du nouveau cycle de négociation qui est censé être placé sous le signe du développement. Les premiers résultats seront présentés à la cinquième Conférence ministérielle de l’OMC qui doit se tenir en septembre prochain à Cancun au Mexique. Un chapitre important dans ce contexte portera sur le volet agricole.

Eu égard à l’impératif de la lutte contre la pauvreté et à l’objectif d’un développement durable, une première conclusion s’impose. A l’heure actuelle, les pays en développement et notamment les pays les moins avancés éprouvent de grandes difficultés à entrer dans des zones de libre-échange comme cela est proposé dans l’Accord de Cotonou, dans le cadre de la négociation d’Accords de Partenariat Economique Régionaux. Les politiques à mener aux niveaux national, régional et international doivent résulter dans l’obtention de prix suffisamment rémunérateurs pour les produits agricoles. La création au Sud de marchés agricoles régionaux regroupant des agricultures à productivité comparable et permettant une protection minimale vis-à-vis de la concurrence extérieure serait de nature à avancer vers un tel objectif. A nos yeux, cette démarche pourrait bien être une réponse appropriée aux besoins alimentaires de nombre de pays en développement. Le maintien et l’essor d’une agriculture vivrière capable d’alimenter les populations de ces pays sont à ce prix.

Les négociations à l’OMC devraient préserver le droit des pays en développement à mener des politiques analogues à celles que les Etats membres de la Communauté Economique Européenne ne se sont pas privés de mettre en œuvre au début des années 1960, lorsque, en créant la Politique Agricole Commune, ils ont opté pour la préférence communautaire.

D’ores et déjà, le Luxembourg appuie les efforts d’intégration régionale des pays en développement, en particulier en Afrique de l’Ouest et en Amérique centrale, où se concentrent d’ailleurs une majorité de nos pays partenaires privilégiés. Cette intégration est préconisée et appuyée par l’Accord de Cotonou. Elle ne manquera pas d’avoir des effets bénéfiques sur le développement des relations commerciales et économiques à l’intérieur des ensembles sous-régionaux ainsi que sur les possibilités d’accès au marché mondial. L’initiative "Tout sauf les armes" qui permet aux pays les moins avancés d’exporter librement leurs produits dans l’Union européenne sous réserve de quelques modalités doit être salué dans ce contexte.

Nous attachons un intérêt particulier aux efforts des Gouvernements et des organisations paysannes ouest-africaines visant à mettre en place une politique agricole commune au niveau de l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA). Le Luxembourg soutient à cet égard l’action du Réseau des Organisations Paysannes et Producteurs Agricoles qui vise à renforcer ses capacités organisationnelles et à coopérer avec les Gouvernements de la sous-région.

Un autre axe d’action doit conduire à faciliter l’accès de la paysannerie au crédit et à la microfinance en général. C’était précisément l’objet de l’atelier qui vient de se tenir, fin janvier, à Ouagadougou, sur initiative de l’ONG luxembourgeoise SOS Faim, et auquel ont participé des délégués d’organisations concernées de nos quatre pays partenaires privilégiés de l’Afrique de l’Ouest, qui sont tous membres de l’UEMOA. J’ai saisi l’occasion de ma récente visite de travail au Burkina Faso pour encourager cette initiative.

L’appui aux organisations non gouvernementales soucieuses de développer le commerce équitable et de permettre ainsi aux producteurs de café, de cacao, de bananes, d’oranges, de miel et d’autres produits agricoles de se voir proposer des prix plus rémunérateurs fait aussi partie des moyens d’action que le Luxembourg se réserve dans cette difficile question agraire.

Enfin, concernant les organismes génétiquement modifiés et les biotechnologies, qui constituent un volet à part entière de la question agraire, nous affirmons que les principes de précaution, de consentement préalable et de responsabilité doivent prévaloir, conformément aux dispositions de la Convention sur la Biodiversité et du Protocole de Carthagène. Ce qui est primordial dans ce domaine est que tout paysan puisse conserver le droit de choisir ses propres semences, l’alternative consistant à se voir confisquer le fruit de son travail par les détenteurs de brevet.

Avant de conclure, j’aimerais revenir sur deux sujets d’actualité. Avec l’élection du Président Lula au Brésil, un espoir immense est né dans le plus grand pays d’Amérique latine. Qui ne pourrait se réjouir des réformes sociales courageuses que son Gouvernement se propose de mener à bien. Elles comportent en particulier une réforme agraire et un plan visant à éliminer la faim au Brésil. Des perspectives prometteuses s’ouvrent également pour les relations entre l’Union européenne et l’Amérique latine.

Par contre, le Gouvernement reste préoccupé par la crise qui continue de sévir en Côte d’Ivoire. Celle-ci est également de nature à fragiliser la situation notamment économique de nos pays partenaires de la région: le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Sénégal. Nous avons examiné en détail cette question avec les Ministres des Affaires Etrangères du Mali et du Burkina Faso lors des visites qu’ils ont effectuées au Luxembourg en janvier dernier. Nous félicitons le Gouvernement français des efforts qu’il ne cesse de mener pour trouver une solution à cette crise. Ces efforts ont mené à la signature des accords de Marcoussis, qui ont entre-temps été entérinés par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Nous lançons un appel à toutes les parties signataires de ces accords afin qu’elles les mettent en œuvre de bonne foi et sans retard.

Conclusion

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,

Nous pouvons résumer les points forts de la coopération luxembourgeoise de la façon suivante:

  • elle est soutenue en principe par la grande majorité de la population luxembourgeoise;

  • elle est soutenue en principe par l’ensemble des forces politiques au Luxembourg;

  • il s’agit d’une politique de qualité qui progresse à un rythme soutenu;

  • cette politique nous permet de donner des impulsions politiques tant au sein des instances communautaires qu’au sein des organisations multilatérales.

Cependant, l’engagement en faveur de la cohérence des politiques trouve ses limites naturelles dans la confrontation avec des intérêts économiques et commerciaux à court et moyen terme souvent contradictoires, pour ne citer qu’un obstacle. La politique de coopération elle-même n’est pas sans être exposée à des contraintes et des impondérables de taille.

Face à ces contraintes, la solution de facilité consisterait à baisser les bras. Je pense au contraire qu’il n’a jamais autant été nécessaire de persévérer qu’à l’heure où je vous parle. Même si elles opèrent forcément sous la contrainte de nombreux facteurs externes qu’il est difficile de maîtriser, la coopération au développement et l’action humanitaire ont un impact positif sur le contexte local et international, si elles sont employées à bon escient. Ce n’est pas la coopération au développement qu’il faut mettre en question, c’est la faiblesse de l’engagement de la plupart des pays industrialisés.

Aussi la coopération au développement s’avère-t-elle de plus en plus comme un moyen indispensable pour contribuer à prévenir les conflits. Cette prévention ne peut réussir que dans la mesure où nos partenaires sont écoutés et entendus. Il s’agit en l’occurrence de tendre la main à nos partenaires du Sud et de préparer un avenir meilleur soucieux en premier lieu de respecter la dignité de tout un chacun.

Je vous remercie de votre attention.

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