François Biltgen, Discours devant l'assemblée plénière de la Conférence internationale du travail, Genève

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi d’abord de présenter les sincères félicitations du gouvernement luxembourgeois.

Le Luxembourg apportera son appui à toute démarche qui aidera à renforcer l’impact de l’OIT dans la politique internationale et le système multilatéral. Il faut relancer d’urgence l’élan politique visant à promouvoir une politique volontariste, à tous les niveaux, combinant le développement économique, l’environnement ainsi que l’emploi et le social. L’OIT doit continuer à jouer le rôle moteur dans cette approche dite des trois piliers du développement durable.

Nous devons réaffirmer notre volonté de continuer cette politique, de manière cohérente, à tous les niveaux, nationaux et internationaux, et, surtout, d’une manière interinstitutionnelle.

Comme l’a relevé notre directeur général les récents développements de la politique économique et sociale internationale, notamment dans le cadre de la globalisation, ont montré que le "Consensus de Washington", donnant la prééminence aux institutions de Bretton Woods et aux impératifs de politique de stabilité monétaire et économique ainsi qu’à la liberté de commerce au niveau global, est définitivement périmé dans sa forme initiale.

Les marchés ne pourront pas se substituer à une politique publique commune alliant exigences économiques, environnementales, de l’emploi et sociales.

Le gouvernement luxembourgeois souhaite une réaffirmation politique claire de la nécessité d’un encadrement politique cohérent de tous les éléments de la globalisation, pour qu’elle profite à tous. Elle profite à beaucoup de personnes, mais elle crée des laissés pour le compte. Ces personnes doivent être notre souci constant.

Le gouvernement luxembourgeois salue particulièrement que la déclaration finale du sommet du G8 consacre une chapitre consistant, même si peut-être encore trop prudent, à la dimension sociale de la globalisation, en faisant référence à la nécessité de promouvoir et de développer les normes sociales, de renforcer le rôle de l’OIT et la coopération avec notamment l’OMC ainsi qu’au recours à la responsabilité sociale des entreprises.

Il revient à l’OIT de jouer le rôle clé dans la politique globale et cohérente que je viens d’esquisser. Le Luxembourg est donc d’accord avec toutes les réformes visant à renforcer les capacités de notre Organisation. Il met pourtant en garde de mettre en cause certains éléments fondamentaux de fond et de forme qui ont fait la force de l’OIT. Il faut sauvegarder l’essentiel, tout en essayant de faire des progrès. Le recours aux rapports par pays et à la peer review généralisée en matière de travail décent pour tous nous semble des éléments prometteurs.

Un recours plus systématique à la notion de responsabilité sociale des entreprises, le cas échéant encadré par le BIT, peut constituer une piste d’action volontaire, avant que ne doive se mettre en oeuvre l’action normative de l’OIT. Celle-ci, historiquement initiale, doit cependant rester au centre de son activité, surtout grâce au système unique du tripartisme qui assurera l’acceptance des normes. Le contrôle doit évidemment suivre.

Le Luxembourg soutiendra, surtout par le recours renforcé aux actions de soutien financier bilatérales, toutes les initiatives ayant pour but de concrétiser les efforts globaux pour la justice sociale selon laquelle "le travail n’est pas une marchandise".

Deux éléments me semblent prépondérants dans ce contexte: d’une part la reconnaissance que chaque société a besoin d’un socle minimal de protection sociale. Au niveau global, les normes de l’OIT sont le minimum en ce sens D’autre part, une réforme fondamentale de la gouvernance économique et sociale, non pas tellement au sein de l’OIT, mais au sein du système multilatéral, où nous devons appuyer un renforcement du rôle de notre organisation.

Permettez-moi, pour terminer, de vous faire part d’un souci majeur. J’ai un peu la crainte que nous ne dispersions nos moyens et nos efforts. Cela vaut pour les discussions sur une réorganisation de l’OIT, mais aussi pour les enjeux réels. Nous avons discuté par le passé au fond la lutte contre le travail des enfants. Cette année, cet aspect a disparu de la vitrine politique de la CIT, même si les efforts techniques continuent. Je pense que la lutte contre le travail des enfants doit systématiquement rester dans le focus politique, notamment lors des CIT. Et je profite de l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le travail des enfants, qui est célébrée aujourd’hui-même, pour rappeler la réalité honteuse que 250 millions d’enfants travaillent dans le monde, dont 170 millions dans des conditions exécrables et dont 73 millions ont entre 5 et 9 ans.

Le gouvernement luxembourgeois a mis les droits des enfants et la lutte contre le travail des enfants au centre de ses activités dans le cadre de cette année où le Luxembourg et la Grande Région sont la capitale européenne de la culture. Oui, je dis bien culture. Car l’ancrage dans les consciences des pays développés des misères et effets néfastes liés au travail des enfants passe aussi sinon en grande partie, par l’action culturelle. Ainsi, dans le cadre d’une exposition-phare de cette année culturelle, exposition appelée "All we need" et centrée sur les contraintes et nécessités des pays développés et des pays en voie de développement, notre gouvernement a confronté la population, et surtout notre jeunesse, à la présence d’enfants ayant expérimenté le travail des enfants. C’est la meilleure manière de rendre les populations des pays ne connaissant pas – ou plutôt plus – le travail des enfants, attentives à la question et de les mobiliser pour lutter efficacement contre ce fléau.

Merci de votre attention.

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