François Biltgen, Discours à l'occasion de la 97e Conférence internationale du travail, Genève

Monsieur le Président,

Permettez-moi d’abord de vous présenter les sincères félicitations du Gouvernement luxembourgeois pour votre élection comme président de cette conférence, et notre appréciation pour votre travail effectué dans ce cadre.

Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur général,
Chers collègues,
Mesdames, Messieurs,

Oui, la CIT de cette année est d’une importance particulière. Il y va en effet du rôle que nous entendons assigner à notre Organisation dans le contexte du système onusien, mais, bien au-delà, dans le contexte de la communauté internationale globalisée. Il y va dès lors, certes d’abord du "self-understanding" de notre Organisation, mais, plus concrètement, des moyens que nous entendons donner à l’OIT pour tenir la place éminente qu’il convient de lui assigner.

Nos décisions de cette année configureront l’action de notre Organisation pour les décennies à venir.

Le Gouvernement luxembourgeois appuie l’action de notre Directeur général Juan Somavia, que nous félicitons pour ses visions et efforts afin de les faire entrer dans les textes, et, surtout, dans le fonctionnement quotidien de l’Organisation. C’est pourquoi je suis content d‘annoncer que le Gouvernement luxembourgeois appuiera la candidature de Monsieur Somavia pour un troisième mandat.

Je me réjouis d’ailleurs des résultats de la visite officielle de Monsieur Somavia à Luxembourg en octobre 2007. A cette occasion le Gouvernement, le Parlement et les partenaires sociaux ont pu débattre de l’Agenda pour le travail décent, et ont pu dégager un large consensus. Le Luxembourg signera un accord cadre de coopération avec l’OIT qui concernera tant la collaboration financière et technique que la coopération au niveau politique. Le Luxembourg s’est aussi engagé pour une contribution budgétaire volontaire aux activités du BIT.

Par le biais de l’Agenda pour un travail décent, nous pouvons appréhender de manière horizontale et intégrée les problèmes découlant de la mondialisation.

L’acceptation croissante de la nécessité du travail décent par tous les acteurs de la globalisation, Etats et organisations internationales, même celles à vocation prioritairement économiques et financières, l’intégration de plus en plus concrète, même si nécessairement encore lacunaire de ce concept dans les politiques horizontales, me remplit d’espoir. Il faut, par le biais du renforcement de l’OIT, définitivement cimenter cette évolution. La Déclaration sur le renforcement des capacités de l’OIT sera l’instrument de cette action.

C’est d’autant plus vrai que le travail décent concerne un nombre impressionnant d’autres domaines. Les quatre objectifs stratégiques qui nous tiennent à cœur au sein de cette Organisation (emploi, protection sociale, dialogue social et intégration des droits fondamentaux en tant que droits de l’homme) sont intimement liés entre eux. Mais bien au-delà, le travail décent a les potentialités pour devenir un levier indispensable pour le progrès social, environnemental, voire économique.

Cette interrelation apparaît nettement à l’exemple du Myanmar. C’est notre Organisation qui a, la première, décelé des problèmes structurels dans ce pays, en partant de la surveillance de l’application des normes internationales du travail, notamment quant au travail forcé. Ce processus a permis de se faire une image globale plus correcte de l’état des droits de l’homme. Aussi, le Gouvernement luxembourgeois voudra-t-il souligner la solidarité du peuple luxembourgeois avec le peuple du Myanmar terriblement mis à l’épreuve par la catastrophe naturelle qui vient de s’abattre sur lui. Nous appelons aux autorités du Myanmar d’ouvrir complètement l’accès du pays aux organisations internationales et aux ONG afin de leur permettre toute l’aide nécessaire à la population si durement mise à l’épreuve. Nous soutenons les efforts de l’OIT dans le cadre de la coopération avec les autorités birmanaises pour éradiquer le travail forcé.

Pour en revenir à l’Agenda pour un travail décent, nous devons profiter du momentum pour consolider la démarche de politique volontariste combinant croissance, protection sociale et équité. Le marché est une nécessité. Il n’est pas une réponse. Le marché ne produit pas de solidarité. Celle-ci découle de l’action conjointe et volontaire de la politique et du marché.

Cette démarche, mise en exergue par le Processus de Lisbonne au sein de l’Union européenne, qui peut servir de modèle et de référence, peut se décliner de manière individualisée, tenant compte des spécificités, de l’histoire, de la culture et de l’état de développement économique de chaque Etat membre.

Un élément nous fait particulièrement peur, et demande à notre avis une action particulière de l’OIT en concertation avec d’autres organisations internationales. C’est la financiarisation croissante des relations économiques internationales. Le développement plus ou moins incontrôlé du secteur financier et des décisions plus ou moins incontrôlables en la matière déstabiliseront à la longue le monde du travail. Nous lançons donc un appel au Directeur général d’envisager des stratégies permettant de contrecarrer des effets incontrôlés de décisions du secteur financier. Nous estimons que l’économie réelle doit reprendre le dessus et endiguer des effets de spéculation. Nous estimons que ce serait aussi un sujet de prédilection pour les prochaines CIT.

D’ailleurs, ce problème est aussi directement lié à la crise alimentaire mondiale. La spéculation, au même titre que le manque d’aliments de base fait exploser les prix et empêche de larges parts de la population mondiale de se procurer les biens de première nécessité Durant les 3 dernières années les prix des aliments ont augmenté de 83%, les prix du blé de 181%. C’est inacceptable. Nous avons besoin d’une concertation et d’une coordination internationale pour contrecarrer cette évolution déplorable. L’imbrication de l’OIT dans ce processus est primordiale. D’autant plus que l’explosion universelle que nous risquons affecte en premier lieu le monde du travail et les travailleurs.

Pour arriver à nos buts, il nous faut nous doter de moyens et de procédures. C’est pour cela que nous soutenons tous les efforts pour doter l’OIT de la capacité nécessaire pour jouer le rôle d’acteur clé dans le cadre de la gouvernance de la globalisation.

La dotation de l’Organisation des moyens budgétaires, ordinaires tant que volontaires nécessaires demandés par le renforcement de ses capacités est essentielle.

Il faut adapter le fonctionnement interne de l’OIT et du BIT conformément au contenu de la Déclaration, c’est vrai. Le Gouvernement luxembourgeois demande cependant en plus une réflexion sur le mode de gouvernance internationale, sur une meilleure coordination des politiques économiques, sur la coopération permanente, si possible institutionnelle, des organisations internationales, permettant une interconnexion permanente des objectifs de tous les acteurs.

Finalement, il nous faut des procédures de suivi, voire de surveillance. Nous soutenons la proposition des révisions cycliques par la Conférence internationale du travail. Nous pourrions nous imaginer en plus une sorte de peer review, volontaire, taillée par mesure sur les différents Etats membres, et dont les conditions et modalités seraient à arrêter de manière consensuelle avec chaque Etat.

La structure tripartite unique de l’OIT se prêterait formidablement bien à un tel exercice.

Je vous remercie de votre attention.

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