"Nous devons être innovants!", Jeannot Krecké au sujet de la situation économique et de la diversification de l'économie

La Voix du Luxembourg: Le STATEC vient de publier des chiffres annonçant une hausse du PIB de 4,2% pour le troisième trimestre 2009. Sommes-nous en phase de sortie de crise?

Jeannot Krecké: Bien que le niveau de croissance soit très bas, ce chiffre est une lueur d'espoir et un encouragement. Malheureusement, nous ne sommes pas sortis d'affaire, bien qu'avec un tel taux de croissance nous ne soyons plus en crise. Les deux problèmes majeurs restent le niveau du chômage élevé, à cause de l'absence de création d'emploi nette, et le déficit substantiel du budget de l'Etat, qui ne sera pas résorbé par un simple accroissement du PIB.

Au sortir de la crise, il s'agit de retrouver le chemin de la vertu au niveau des finances publiques et ce défi sera douloureux. Le déficit de 1,5 milliard d'euros représente environ 20% de notre budget. A défaut d'accepter un endettement à long terme, il faudra dégager une série de mesures pour aboutir à un résultat tangible. Comme toute entreprise, ou comme toute famille, le pays doit savoir adapter sa façon de vivre aux revenus perçus.

La Voix du Luxembourg: Quels sont les grandes pistes de développement économique?

Jeannot Krecké: C'est la grande question. Où allons-nous? Quels secteurs d'activités va-t-on développer au Luxembourg? Ces activités seront-elles susceptibles de générer les recettes nécessaires pour continuer dans la voie tracée ces dernières années?

Avec des équipes constituées des collaborateurs du ministère, renforcées par des consultants extérieurs, nous travaillons d'arrache-pied pour définir de quelles façons nous allons développer certains secteurs d'activité, sans exclusive, issus du secteur financier, industriel, de la recherche ou du commerce. Il existe à l'heure actuelle une piste sérieuse, qui sera soumise au débat public dans les prochaines semaines.

La Voix du Luxembourg: Dans quel secteur d'activité?

Jeannot Krecké: Vous en saurez plus dès que notre travail sera finalisé.

La Voix du Luxembourg: Quels seront vos prochains déplacements?

Jeannot Krecké: Le Luxembourg, pour attirer de nouvelles activités, doit impérativement se démarquer des autres pays et offrir quelque chose de différent. Il faut également faire connaître les opportunités proposées par notre pays à l'étranger. C'est la raison pour laquelle je vais me déplacer en Inde et en Chine, particulièrement à l'occasion de l'exposition universelle de Shanghai, qui aura lieu du 1er au 31 octobre. Suivront la côte ouest des Etats-Unis, la Russie, Israël et les pays du Golfe.

La forte différence entre les pays et l'absence de missions diplomatiques propres mettent un frein actuellement à des prospectives vers l'Amérique latine. Ces déplacements permettent de tisser des liens personnels avec les décideurs locaux.

Les bénéfices de ces démarches sont tangibles. Par exemple, l'industrie des fonds luxembourgeois a collecté de l'argent au niveau européen, voire mondial, pour devenir au cours des neuf premiers mois de 2009 le premier investisseur en Russie.

La Voix du Luxembourg: Dans quel état d'esprit êtes-vous avant la tripartite?

Jeannot Krecké: Il ne faut pas jeter de l'huile sur le feu. Actuellement, les positions des différents intervenants sont antagonistes. Or, pour arriver à un accord, il est indispensable que toutes les parties fassent des efforts, dans la mesure de leurs moyens respectifs. Il faudra prendre un certain nombre de mesures, élaborer une stratégie desortie de crise, et surtout prendre le temps nécessaire pour créer de l'emploi.

La Voix du Luxembourg: Quels ont été pour vous les faits marquants de l'année 2009?

Jeannot Krecké: Suite à la crise de 2008, l'année qui vient de s'écouler a été marquée par un revers que le Luxembourg n'a plus connu depuis longtemps. Parmi les affaires les plus amères figure l'entreprise Villeroy & Boch. Nous étions fiers d'avoir cette entreprise au Grand-Duché. Son départ est très dommageable notamment pour les gens qui y travaillent, car il aurait été plus facile de leur trouver un emploi en 2006, si nous avions été mis au courant de l'ampleur véritable des problèmes qui se faisaient jour.

La Voix du Luxembourg: Pensez-vous demander le remboursement des subventions versées?

Jeannot Krecké: Cette démarche est compliquée au niveau juridique, cependant s'il y existe des moyens de récupérer de l'argent nous le ferons, s'agissant de Villeroy & Boch ou d'autres entreprises dans la même situation.

La Voix du Luxembourg: Que pensez-vous de Greenpeace et de son action en justice contre vous?

Jeannot Krecké: Je respecte cette organisation qui joue son rôle. Je souhaite néanmoins qu'ils s'informent plus précisément au préalable, avant de monter au créneau. D'autre part, la divulgation totale des documents et informations apportées à la connaissance d'un ministre me parait inacceptable. Cette transparence mettrait à mal les indispensables relations de confiance qui doivent régner entre le ministre et ses interlocuteurs.

La Voix du Luxembourg: Comment avez-vous ressenti les élections législatives et ses conséquences?

Jeannot Krecké: J'aurais préféré que mon parti s'en sorte un peu mieux. En outre, je pense que nous avons trop évité de parler des problèmes qui fâchent. De plus, j'ai personnellement regretté mon départ du ministère des Sports mais, comme dans le milieu du sport, il faut savoir tourner la page...

La Voix du Luxembourg: Pensez-vous que la place d'un ministre soit au conseil d'administration d'une entreprise, en l'occurrence ArcelorMittal?

Jeannot Krecké: Normalement, un ministre ne siège pas au conseil d'administration d'une entreprise. Ce rôle est dévolu aux hauts fonctionnaires. Cependant, ArcelorMittal est un cas spécial, dans la mesure où la sidérurgie est à la base de la prospérité du Grand-Duché. ArcelorMittal est la plus grande firme sidérurgique mondiale et le gouvernement a souhaité souligner l'importance de cette entreprise pour le pays, notamment au niveau de la crédibilité, par l'envoi d'un signal fort, en l'occurrence la présence d'un de ses membres au sein du C.A.

La Voix du Luxembourg: Que pensez-vous de la non-nomination de Jean-Claude Juncker à la présidence du Conseil européen?

Jeannot Krecké: Je suis content pour le pays, car nous avons besoin d'un Premier ministre expérimenté par ces temps difficiles. Cependant, je suis triste pour lui et pour l'Europe, car il a démontré ses capacités au niveau européen. A cet égard, il est dommage que l'Europe ait choisi le plus petit commun dénominateur.

La Voix du Luxembourg: Quel est votre principal souhait pour 2010?

Jeannot Krecké: Au même titre que les entreprises, que le gouvernement soit innovant pour aller de l'avant! Mais il faudra laisser du temps au temps car n'y aura pas de miracle...

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