Interview de Nicolas Schmit sur paperjam.lu

"Le rôle de l'État ne s'arrête pas avec l'école"

Interview : paperjam.lu (Jonas Mercier)

Paperjam: Monsieur Schmit, comment faire évoluer les modèles de formation continue pour qu'ils répondent mieux aux nouveaux besoins créés par la digitalisation de l'économie? 

Nicolas Schmit: Le saut technologique que nous sommes en train de connaître du fait de la numérisation et de l'introduction de nouvelles technologies nécessite pour beaucoup d'employés une formation de requalification vers le haut d'une autre nature que celles que nous avons connues par le passé. Pour prévenir le chômage, il faut donner aux gens la possibilité soit de garder leur travail, soit d'en trouver ailleurs. Il faut donc repenser la formation continue dans cette optique. 
Nous avons voulu développer un système de requalification à l'intérieur des entreprises qui sont confrontées à cette introduction massive de nouvelles technologies. Car celles-ci ne fonctionnent que si l'on a les personnes qui savent s'en servir. Parfois, elles impliqueront une réduction d'effectif, certes. Il est indispensable de voir comment nous allons organiser la mobilité interne, voire externe, des employés. Pour l'État, il est fondamental de soutenir à la fois les entreprises et les salariés dans ce processus d'adaptation. 

Paperjam: Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet Digital skills bridge? 

Nicolas Schmit: C'est un projet qui implique la coopération de trois acteurs. Les entreprises vont d'abord devoir mener un plan des compétences avec leurs employés pour connaître les besoins de qualification ou requalification. Il sera ensuite présenté et agréé par l'État, qui prendra en charge une partie des coûts de formation et salariaux dans le cas où des personnes doivent être libérées durant plusieurs mois. 
L'État ne cherche pas à déresponsabiliser les entreprises, mais à les encourager à investir davantage dans leurs employés. Nous n'allons pas demander aux gens de se requalifier contre leur gré. Il est donc important de les mobiliser et de créer dans chaque entreprise une culture de la formation, notamment dédiée au numérique. 
Nous sommes prêts pour soumettre un projet de loi qui va définir les possibilités d'intervention de l'État. J'espère qu'un projet pilote sera lancé au printemps. 

Paperjam: Quelle est votre vision sur le rôle que doit tenir le gouvernement dans ce processus? 

Nicolas Schmit: Aujourd'hui, le rôle de l'État ne s'arrête pas avec l'école. Il doit désormais promouvoir l'investissement dans la formation des personnes tout au long de leur vie au même titre que celui dans les machines ou les bâtiments. Il s'agit d'une nouvelle responsabilité pour assurer aux employés une meilleure sécurité de l'emploi. Pour moi, il faut investir en parallèle dans les nouvelles technologies et dans la connaissance. 
À la question "Les syndicats et les salariés ont-ils peur des nouvelles technologies?", mon homologue suédoise avait répondu qu'ils se méfiaient plutôt des anciennes technologies. 
Pourquoi? Parce que si vous ne vous mettez pas à jour, vous allez perdre votre emploi. Il est important d'investir à la fois dans ces nouvelles technologies et dans les personnes. 
Il s'agit d'un changement de paradigme dans la politique de l'emploi. Ce qui m'inquiète, c'est qu'on a trop de personnes, y compris des jeunes, qui n'ont aucune réelle formation — ce qui ne veut pas dire qu'ils n'ont pas de compétences. Il faut donc absolument organiser des formations qui sont demandées par le marché du travail.

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