Transparence fiscale et lutte contre la planification fiscale aggressive

Introduction

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Lors du Conseil de l'Union europénne en juin 2000, les États membres aboutissent au consensus que l’échange de renseignements entre les administrations fiscales doit être l’objectif ultime de l’UE. La crise financière de 2008 renforce le mouvement en faveur de la transparence fiscale et contre la planification fiscale agressive.

Ce dossier présente les efforts du Luxembourg pour aligner son réseau de conventions fiscales sur le standard international, ainsi que ses mesures prises dans le contexte de la lutte contre la planification fiscale agressive.

2000-2010

Les avancées européennes en matière de transparence fiscale trouvent leur origine à l'occasion du Conseil européen de Santa Maria da Feira (sous présidence portugaise) qui s'est déroulé les 19 et 20 juin 2000. Au terme de ce Conseil, les États membres aboutissent au consensus que l'échange de renseignements entre les administrations fiscales doit être l'objectif ultime de l'Union européenne et que cet échange doit se faire de manière automatique.

S'appuyant sur cet accord, la Directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003, dite "Directive de l'épargne", voit le jour. Elle prévoit un échange automatique des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts. Douze des quinze États membres de l'époque mettent en place l'échange automatique de ces revenus, alors que le Luxembourg, l'Autriche et la Belgique appliquent un régime transitoire de retenue à la source.

La crise économique et financière de 2008 renforce et accélère le mouvement en faveur de la transparence fiscale et de la lutte contre l'évasion fiscale en lui donnant une dimension internationale. En mars 2009, le Luxembourg annonce son engagement de se rallier au standard d'échange de renseignements sur demande selon le modèle de convention de l'OCDE. Dans la foulée, le gouvernement entame des négociations avec une dizaine de partenaires pour aboutir à la conclusion et l'amendement d'accords de non-double imposition qui sont approuvés par la loi du 31 mars 2010. Depuis, le Luxembourg a aligné l'ensemble de son réseau de conventions fiscales sur le standard international.

2011-2013

Au niveau européen, la coopération administrative en matière fiscale est encadrée par une nouvelle directive, la Directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, qui prévoit l'échange d'informations sur demande, automatique et spontané entre les autorités fiscales des États membres de l'UE à partir du 1er janvier 2013.

De plus, en mai 2013 le Luxembourg a procédé à la signature de la Convention conjointe de l'OCDE et du Conseil de l'Europe de 1988 concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale et de son Protocole (ratifiée par la loi du 26 mai 2014) en vue de faciliter la coopération administrative internationale en matière de fiscalité.

La même année, le Grand-Duché rejoint les travaux sur le plan d'action de l'OCDE, mandaté par le G20, portant sur l'élaboration de mesures visant à endiguer l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices dites "BEPS" (Base Erosion and Profit Shifting). Ce plan est adopté par les dirigeants du G20 en septembre de la même année.

2014

Fin mars 2014, le Luxembourg et les États-Unis signent l'accord intergouvernemental dit "FATCA" (Foreign Account Tax Compliance Act) qui comporte l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers entre les administrations fiscales luxembourgeoise et américaine. L'accord a été transposé en droit national par la loi du 24 juillet 2015. Ce passage à l'échange automatique d'informations entre administrations fiscales donne une impulsion décisive au niveau international et ouvre la voie à une initiative internationale.

C'est avec l'appui du G20 que l'OCDE a élaboré une norme mondiale unique dite "CRS" (Common Reporting Standard) qui prévoit l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers et qui est largement inspirée de la loi fiscale américaine - FATCA. Les travaux ont été achevés et la norme mondiale a été approuvée par le Conseil de l'OCDE le 15 juillet 2014 et endossée par les ministres des Finances lors du sommet du G20 les 20 et 21 septembre 2014 à Cairns.

Les 28 et 29 octobre 2014, le Luxembourg a signé à Berlin un accord multilatéral entre autorités compétentes sur la mise en œuvre de la nouvelle norme mondiale et s'est engagé à appliquer l'échange automatique à partir de l'année 2017.

Parallèlement, l'Union européenne a adopté la directive 2014/107/UE (Directive 2014/107/UE du Conseil du 9 décembre 2014 modifiant la directive 2011/16/UE) en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal instaurant l'échange automatique de renseignements relatifs à des comptes financiers entre les États membres.

Ainsi, le gouvernement luxembourgeois ensemble avec d'autres États membres s'engage fermement en faveur de l'adoption des règles de l'OCDE sur l'échange automatique de renseignements comme nouveau standard global en transposant la directive 2014/107/UE en droit national par la loi du 18 décembre 2015 (v.sous 2015). Le Grand-Duché à travers de ces initiatives et ensemble avec une cinquantaine d'autres pays de l'OCDE qui appliquent l'échange selon le CRS figure parmi les "early adopters".

Dans le contexte de l'échange de renseignements sur demande, le Forum mondial reconnaissant toutes les mesures introduites par le gouvernement luxembourgeois, dont notamment l'adoption en juillet 2014 de la loi relative à l'immobilisation des actions et parts au porteur ainsi que de la loi du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l'échange de renseignements sur demande en matière fiscale, relève la note du Grand-Duché sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales au niveau conforme pour l'essentiel ("largely compliant").

Parmi les réformes adoptées en 2014, il y a également lieu de mentionner en particulier deux mesures pour lutter contre la planification fiscale agressive. D'un côté, la loi générale des impôts modifiée du 22 mai 1931 ("Abgabenordnung ") a été complétée par le paragraphe 29a afin de mieux encadrer les décisions anticipées en matière fiscale, dans l'objectif de rendre la procédure plus lisible et transparente. La réforme vise à refléter et formaliser la pratique existante, tout en permettant d'améliorer le dialogue entre l'administration et le contribuable et d'assurer la sécurité juridique dans les affaires économiques internationales.

De l'autre côté, la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu a été modifiée pour y introduire un nouvel article 56 consacré entièrement au principe de pleine concurrence, ceci afin de renforcer la sécurité juridique et la clarté de la législation luxembourgeoise dans le domaine des prix de transfert.

2015

La Présidence luxembourgeoise du Conseil de l'Union européenne en 2015 fait de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale une des priorités de son programme de travail. La transparence et la mise en place de règles du jeu équitables ("level playing field") au niveau mondial sont des conditions nécessaires à l'efficacité de cette lutte.

Lors de la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l'Union européenne, un accord unanime des États membres a été trouvé le 6 octobre 2015 afin de renforcer la coopération entre les États membres dans le domaine fiscal et décourager l'utilisation des décisions fiscales anticipées, "rulings", à des fins abusives. Ceci s'est traduit par l'adoption de la Directive (UE) 2015/2376 du Conseil du 8 décembre 2015 modifiant la directive 2011/16/UE relative à l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal et transposée en droit national par la loi du 23 juillet 2016 (v. sous 2016), permettant un échange automatique des tax rulings ainsi que les accords concernant les prix de transfert ("advance pricing agreements").

À travers la loi du 18 décembre 2015 concernant le budget des recettes et des dépenses de l'État pour l'exercice 2016, le Luxembourg a abrogé le régime fiscal en faveur de la propriété intellectuelle (article 50bis L.I.R.), ceci afin de donner suite à l'accord qui a été trouvé tant sur le plan de l'OCDE que sur le plan de l'Union européenne au sujet de l'approche du lien modifiée pour les régimes de propriété intellectuelle. L'abrogation du régime de propriété intellectuelle tient compte du rapport final de l'OCDE sur l'Action 5 du Plan d'action BEPS ("Base erosion and profit shifting") qui détaille l'approche du lien modifiée pour les régimes de propriété intellectuelle, publié le 5 octobre 2015.

Par le biais de la loi du 18 décembre 2015 portant transposition de la directive 2014/86/UE du Conseil du 8 juillet 2014 modifiant la directive 2011/96/UE concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents; de la directive 2015/121/UE du Conseil du 27 janvier 2015 modifiant la directive 2011/96/UE concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents, le Luxembourg a intégré dans son droit national deux clauses anti-abus spécifiques relatives au régime fiscal applicable aux sociétés mères et filiales.

D'un côté, il s'agit d'éliminer les situations de double non-imposition des bénéfices découlant de l'asymétrie du traitement fiscal appliqué aux distributions de bénéfices entre États membres.

De l'autre côté, le Luxembourg a intégré dans son droit interne une règle anti-abus commune minimale devant permettre d'éviter tout usage abusif de la directive 2011/96/UE. L'instauration d'une règle anti-abus commune minimale vise ainsi à assurer une plus grande homogénéité dans l'application de la directive 2011/96/UE.

Ayant comme objectif d'introduire en droit interne luxembourgeois la nouvelle norme mondiale d'échange automatique de renseignements élaborée par l'OCDE et approuvée par le G20, la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la Norme commune de déclaration (NCD) vise à transposer la directive 2014/107/UE du Conseil du 9 décembre 2014 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal (communément appelée "DAC2"). La directive 2014/107/ UE aligne la législation européenne en matière d'échange automatique d'informations dans le domaine fiscal sur le standard développé par l'OCDE, à savoir la NCD ("norme commune de déclaration" ou "common reporting standard").

L'adoption du Plan d'action BEPS de l'OCDE par les ministres des Finances des pays du G20 lors d'une réunion s'est tenue le 8 octobre 2015 à Lima, au Pérou. Lors de cette réunion, le Conseil de l'UE était représenté par le ministre des Finances luxembourgeois. Ce plan prévoit 15 actions qui ont été successivement mises en œuvre par le Luxembourg pendant les années 2016 à 2020 à travers l'adaptation de son cadre législatif et réglementaire. 

2016

Par la loi du 23 juillet 2016, le Luxembourg a transposé la directive (UE) 2015/2376 du Conseil du 8 décembre 2015 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal et portant modification de la loi modifiée du 29 mars 2013 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal. Lors de la présidence luxembourgeoise pendant le second semestre 2015, le Conseil de l'Union européenne avait adopté la susdite directive (communément appelée "DAC3") qui a introduit l'échange automatique et obligatoire d'informations sur les décisions fiscales anticipées au sein de l'Union à partir du 1er janvier 2017.

Le champ d'application de l'échange automatique a été ainsi élargi aux décisions fiscales anticipées en matière transfrontière et aux accords préalables en matière de prix de transfert, émis, modifiés ou renouvelés à l'intention d'une personne spécifique ou d'un groupe de personnes et sur lesquels cette personne ou ce groupe de personnes sont en droit de s'appuyer, et ceci indépendamment de leur caractère contraignant ou non et de leur mode d'émission.

Le 27 janvier 2016, le ministre des Finances, Pierre Gramegna, signe l’Accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l’échange des déclarations pays par pays, une étape clé supplémentaire en faveur de la transparence fiscale à l’échelle mondiale. La déclaration pays par pays ("Country-by-Country Reporting") constitue un pas en avant renforçant la coopération et l’échange de renseignements, cette fois-ci en matière de documentation des prix de transfert des entreprises multinationales. Cette dernière, résulte de l’Action 13 du projet BEPS de l’OCDE et a été introduite par la Directive européenne (UE) 2016/881 du Conseil du 25 mai 2016 (communément appelée "DAC4") modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal et transposée en droit national par la loi du 23 décembre 2016.

Ainsi, les entreprises multinationales sont obligées de préparer des fichiers de prix de transfert aux fins de leur communication aux administrations fiscales. Les entités locales constitutives d'un groupe multinational dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros sont tenues de transmettre à leurs administrations fiscales des fichiers de prix de transfert locaux alors que leurs entités-mère ultimes transmettent un rapport "pays-par-pays" dans lequel elles fournissent des informations agrégées sur leur situation financière et fiscale. Ce rapport est ensuite échangé entre les administrations fiscales des pays dans lesquels sont établies les entités constitutives du groupe.

Le Luxembourg a également incorporé dans le droit national par la loi du 23 décembre 2016 une nouvelle disposition additionnelle en matière des prix de transfert, à savoir l'article 56bis L.I.R.. Celle-ci renferme, conformément aux nouvelles normes retenues dans le cadre du Plan d'action BEPS dans le domaine des prix de transfert, les principes de base à respecter dans le cadre d'une analyse de prix de transfert concernant la technique à mettre en oeuvre et la méthodologie à retenir afin de pouvoir déterminer le prix de pleine concurrence sur des transactions effectuées entre entreprises liées.

À travers la loi du 23 décembre 2016, le Luxembourg a également introduit deux mesures spécifiques dans le contexte de la lutte contre la fraude fiscale.

Ainsi, le droit pénal fiscal a été adapté aux normes internationales qui avaient beaucoup évolué tant au niveau du Groupe d'action financière (GAFI) qu'au niveau du droit européen pour renforcer la lutte contre la fraude fiscale. Trois formes de fraude fiscale sont à distinguer depuis 2017, à savoir la fraude fiscale simple, la fraude fiscale aggravée et l'escroquerie fiscale.

En raison des modifications apportées au droit pénal fiscal, la réforme fiscale 2017 a également adapté la loi modifiée du 19 décembre 2008 ayant pour objet la coopération interadministrative et judiciaire et le renforcement des moyens de l'Administration des contributions directes, de l'Administration de l'enregistrement et des domaines et de l'Administration des douanes et accises. Cette nouvelle disposition assure que suite à l'extension de l'infraction de blanchiment aux infractions fiscales pénales en vertu de la loi du 23 décembre 2016, la cellule de renseignement financier puisse demander aux administrations fiscales les informations qui sont susceptibles d'être utiles lorsqu'elle effectue une analyse pour blanchiment ou financement du terrorisme. De même, les autorités judiciaires peuvent également, suite à ce changement, transmettre à l'Administration des contributions directes et à l'Administration de l'enregistrement, des domaines et de la TVA toute information susceptible d'être utile dans le cadre de l'exercice des missions dévolues à ces administrations fiscales.

2018

En ce qui concerne la coopération administrative dans le domaine fiscal, les adaptations nécessaires pour assurer la transposition de la directive (UE) 2016/2258, communément appelée "DAC5", garantissant l'accès des autorités fiscales aux informations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux, ont été prises par la loi du 1er août 2018.

L'année 2018 a également été marquée par l'adoption de la loi du 21 décembre 2018 qui a transposé en droit national la directive communément désignée ATAD 1 ("Anti Tax Avoidance Directive"). Dans le prolongement des actions BEPS élaborées en automne 2015 par l'OCDE, la Commission européenne a présenté en date du 28 janvier 2016 son paquet sur la lutte contre l'évasion fiscale qui vise à apporter une réponse coordonnée de l'Union européenne au problème de l'évasion fiscale des entreprises. Le paquet comprend des mesures concrètes pour lutter contre la planification fiscale agressive, améliorer la transparence fiscale et instaurer une concurrence fiscale équitable pour l'ensemble des entreprises dans l'Union. La directive ATAD a pour objectif une implémentation cohérente, coordonnée et flexible par le biais du droit secondaire ("hard law") de certains engagements pris par les États membres au niveau de l'OCDE dans le cadre du Plan d'action BEPS. Dans cet objectif, les mesures contenues dans l'ATAD posent des règles de minimis permettant à chaque État membre d'aller plus loin lors de l'implémentation nationale.

L'ATAD contient cinq mesures anti-évasion fiscale applicables à partir du 1er janvier 2019, visant à lutter contre les phénomènes de l'érosion de la base imposable et le transfert des bénéfices. Trois des cinq mesures sont issues directement du Plan d'action BEPS de l'OCDE; les deux autres mesures sont inspirées de la proposition de directive "Assiette Commune Consolidée" pour l'Impôt sur les Sociétés ("ACCIS") selon l'ancienne version publiée en 2011:

  • Limitation de la déductibilité des intérêts: cette mesure vise à décourager les entreprises à mettre en place des montages d'endettement artificiels afin de réduire au minimum leurs charges fiscales par des paiements d'intérêts fiscalement déductibles.
  • Règle relative aux sociétés étrangères contrôlées (SEC ou CFC): Cette mesure vise à éviter le transfert des bénéfices de la société mère établie dans un pays à fiscalité élevée vers des filiales contrôlées situées dans des pays à fiscalité faible ou nulle afin de réduire la charge fiscale du groupe.
  • Dispositifs hybrides: L'objectif est d'empêcher les entreprises d'exploiter des asymétries découlant de l'application de lois nationales de plusieurs pays pour éluder l'impôt.

La directive ATAD a été complétée par des dispositions spécifiques au niveau des instruments hybrides par la directive dite ATAD 2, qui a pour objectif d'élargir aux pays tiers l'application des règles anti-hybrides. Cette directive a pour objectif de lutter contre les dispositifs hybrides qui résultent de différences dans la qualification juridique des paiements (instruments financiers) ou des organismes, y compris dans les relations avec des États tiers.

  • Imposition à la sortie: L'objectif de cette mesure de la directive ACCIS a pour objectif d'empêcher les entreprises de délocaliser leurs actifs dans le seul but d'éluder l'impôt.
  • Clause anti-abus générale: Cette mesure vise les montages fiscaux artificiels lorsqu'il n'existe pas d'autre règle anti-abus spécifique et qui sert de filet de sécurité dans les cas où d'autres dispositions anti-abus ne peuvent être appliquées.

Au-delà de la stricte transposition de la directive ATAD, la loi de transposition luxembourgeoise apporte également des précisions à deux dispositions législatives dont l'interprétation faite par des contribuables a pu favoriser la mise en place de pratiques d'érosion de la base d'imposition et de transfert des bénéfices, voire aboutir à des situations de non-imposition de certains revenus.

2019

En 2019, le Luxembourg a fait l'objet de l'évaluation par le Groupe de revue par les pairs (Peer Review Group) du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales de l'OCDE.

Les efforts entamés par le Luxembourg dans le domaine de la transparence fiscale lors de la dernière législature ont porté leurs fruits. Le Luxembourg s'est vu confirmer la note globale "largely compliant" (conforme pour l'essentiel) à la norme internationale en matière de transparence et d'échange d'informations sur demande. Le rapport du Forum mondial, publié le 18 mars 2019, souligne que le Luxembourg a correctement appliqué la norme internationale en matière d'échange de renseignements sur demande au cours de la période d'évaluation tant de point de vue législatif que pratique.

L'année 2019 a été également marquée par des nouvelles mesures dans le domaine de la lutte contre la fraude fiscale, l'évasion fiscale et la planification fiscale agressive.

Suite à la transposition de la directive ATAD I par la loi du 21 décembre 2018, la loi du 26 avril 2019 a apporté des changements fondamentaux à l'article 164bis L.I.R. concernant le régime d'intégration fiscale permettant d'appliquer la règle de limitation de la déductibilité des intérêts au niveau du groupe pour les sociétés sous régime d'intégration fiscale.

La loi du 20 décembre 2019 a transposé en droit interne la directive (UE) 2017/952 du Conseil du 29 mai 2017 modifiant la directive (UE) 2016/1164 en ce qui concerne les dispositifs hybrides faisant intervenir des pays tiers, directive dite ATAD 2.

En effet, la directive ATAD 2 a pour objectif de compléter les dispositions de l'ATAD 1 et contient des mesures visant à neutraliser des dispositifs hybrides qui font intervenir des États tiers. Le texte de l'ATAD 1 se limite aux règles visant à neutraliser certains dispositifs hybrides (entités hybrides et instruments financiers hybrides) exploitant des différences entre les dispositions fiscales de deux États membres.

Le texte de l'ATAD 2, approuvé par les ministres des Finances lors de la réunion ECOFIN le 21 février 2017, s'attaque aux dispositifs hybrides entre États membres et pays tiers et étend le champ d'application de l'ATAD à d'autres dispositifs hybrides (les établissements stables hybrides, les "imported mismatches", les transferts hybrides, les sociétés à résidence hybride "dual resident entities").

Par ailleurs, la loi du 20 décembre 2019 concernant le budget des recettes et des dépenses de l'État pour l'exercice 2020 permet de mettre un terme à la fin de l'année d'imposition 2019 à toute décision anticipée émise antérieurement à l'entrée en vigueur. Cette limitation vise donc à assurer que la condition de durée de validité d'un maximum de 5 années d'imposition s'applique également aux décisions anticipées émises avant le 1er janvier 2015.

Fin de l'année 2019, le législateur a également transposé la directive (UE) 2017/1852 du Conseil du 10 octobre 2017 concernant les mécanismes de règlement des différends fiscaux dans l'Union européenne par la loi du 20 décembre 2019 instaurant un mécanisme de règlement des différends fiscaux. Cette directive s'appuie plus spécifiquement sur l'Action 14 du Plan d'action BEPS de l'OCDE. L'objectif de la loi est donc de mettre en place, en droit luxembourgeois, une procédure de règlement de différends fiscaux concernant des différends qui peuvent survenir entre États membres de l'Union européenne en relation avec l'interprétation ou l'application divergente des accords et conventions prévoyant l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et, le cas échéant, sur la fortune ou avec la convention d'arbitrage de l'Union et qui sont susceptibles d'aboutir à une double imposition.

Une autre mesure élaborée dans le cadre du Plan d'action BEPS a été adoptée par le législateur par la loi du 7 mars 2019 portant approbation de la Convention multilatérale. L'Action 15 a mené à la Convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (ci-après "Convention multilatérale"). Étant donné que le nombre de conventions fiscales bilatérales en vigueur et fondées sur le modèle de convention fiscale de l'OCDE ou inspirées de ce modèle est estimé à plus de 3.000, la mise en oeuvre a nécessité un instrument spécifique effectif et rapide afin de prendre en compte les mesures correctives issues du Plan d'action BEPS à introduire dans les conventions fiscales. Le principal objectif de la Convention multilatérale est donc de modifier les conventions fiscales bilatérales existantes de manière rapide et efficace en vue de mettre en oeuvre les mesures se rapportant aux conventions fiscales élaborées au cours du Plan d'action BEPS sans devoir consacrer des moyens supplémentaires pour renégocier bilatéralement chacune des conventions existantes. 

2020

En février, Luxembourg a eu l'occasion d'accueillir la 34e réunion du Groupe de revue par les pairs du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales de l'OCDE. Cette réunion a rassemblé une centaine de délégués.

Au mois de mars, la Chambre des députés a adopté la loi relative aux dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration transposant la directive (UE) 2018/822, communément appelée "DAC6". Elle impose des obligations de déclarations aux intermédiaires qui conçoivent, commercialisent ou organisent des dispositifs transfrontières de planification fiscale potentiellement agressive pour leurs clients. La loi est entré en vigueur le 1er juillet 2020.

Il convient également de signaler la loi votée le 28 janvier 2021 portant modification de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu et qui s'inscrit dans le contexte des travaux lancés au niveau européen en ce qui concerne la liste de l'UE des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales (ci-après "liste de l'UE "). L'objectif de la loi est d'introduire une règle spécifique de non-déductibilité des intérêts ou des redevances payés ou dus à une entreprise liée établie dans un pays ou territoire figurant sur la liste de l'UE. 

En novembre 2020, le cadre légal de l’échange automatique de renseignements relatifs à des comptes financiers a fait l’objet d’une évaluation par le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales de l'OCDE. Au terme de cette évaluation, le Luxembourg s’est vu attribuer la notation "En place" qui atteste la pleine conformité du cadre légal luxembourgeois avec le standard international de la Norme commune de déclaration de l’OCDE.

2021

Au cours de l'année 2021, le réseau de conventions fiscales du Luxembourg a été complété et modernisé. Les projets de loi portant approbation de l'Avenant modifiant la Convention fiscale entre le Luxembourg et la Russie, ainsi que l'approbation de la Convention fiscale entre le Luxembourg et le Koweït avec son Avenant, ont été votés à la Chambre des Députés en février et en novembre 2021. Par ailleurs, trois autres conventions fiscales avec des pays d'Afrique ont été signées au cours de l'année 2021, à savoir avec l'Ethiopie, le Rwanda et le Ghana. Ces conventions fiscales sont alignées sur le standard international en matière d'échange de renseignement entre autorités fiscales.

En matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, il a y lieu de relever l'adoption de la Loi du 16 juillet 2021 portant organisation des contrôles du transport de l'argent liquide entrant au ou sortant du Grand-Duché de Luxembourg et la mise en œuvre du règlement (UE) 2018/1672 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant dans l'Union ou sortant de l'Union et abrogeant le règlement (CE) n° 1889/2005. Cette loi a pour objectif de réglementer les contrôles des mouvements d'argent liquide entrant au, transitant par le ou sortant du Grand-Duché de Luxembourg, que ce soit pour passer la frontière de ou vers nos pays voisins ou bien des pays tiers à partir de l'aéroport du Luxembourg. Ces contrôles sont effectués par l'Administration des douanes et accises.

2022

En 2022, les négociations au sujet de l'échange d'informations visant les Opérateurs de Plateformes digitales (DAC 7) ont abouti à l'adoption de la Directive (UE) 2021/514 du Conseil du 22 mars 2021 modifiant la Directive (UE) 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal. Un projet de loi (8029) de transposition a été déposé à la Chambre des Députés en date du 13 juin 2022.

Au niveau de l'OCDE, le Luxembourg a poursuivi, entre autres, sa coopération en matière de transparence ciblant les marchés de crypto-actifs. Ces travaux ont abouti à la publication d'un cadre de déclaration des crypto-actifs (CARF) en date du 10 octobre 2022. Au niveau de l'UE, une adaptation de la Directive (UE) 2011/16/UE allant dans le même sens est proposée par la Commission européenne le 8 décembre 2022 (DAC 8). Cette dernière a été négociée entre décembre 2022 et mai 2023.

2023

La Loi du 16 mai 2023 relative à l'échange automatique et obligatoire des informations déclarées par les Opérateurs de Plateforme et transposant la Directive (UE) 2021/514 du Conseil du 22 mars 2021 modifiant la Directive (UE) 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (DAC 7), est entrée en vigueur le 1er juin 2023. Elle prévoit que les opérateurs auront désormais l'obligation de transmettre les informations pertinentes à l'Autorité compétente après les avoir recueillies auprès de leur clientèle notamment par la mise en œuvre de procédures de diligence, d'enregistrement et de déclaration à charge des Opérateurs de Plateforme au Luxembourg.

En ce qui concerne la transparence en matière de crypto-actifs, le Conseil est parvenu à un accord sur sa position (orientation générale) concernant les modifications à la Directive (UE) 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (DAC 8).

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