"Nous devrons relever nos ambitions sur le climat"

Interview de Carole Dieschbourg dans paperjam.lu

Interview: paperjam.lu (Jean-Michel Hennebert)

Paperjam: Depuis la fin de la COP24, vous tenez discours positif, alors que les avancées sont relativement minces. Avez-vous tout de même un goût amer après ce sommet?

Carole Dieschbourg: C'est effectivement dommage que le message politique de cette COP24 n'ait pas pu obtenir des résultats plus ambitieux, même s'il faut rappeler qu'il y avait deux discussions parallèles. La première était technique, quant à la mise en oeuvre des règles communes au niveau mondial de l'accord de Paris. Cette discussion, menée pendant presque trois années, a abouti à la mise en place de règles claires et transparentes qui définissent notamment les flux financiers, mais qui reconnaissent aussi les besoins des États les plus vulnérables. Ceci est un vrai succès. Le goût amer, en revanche, tient au fait qu'au niveau politique, l'urgence climatique à laquelle nous devons faire face n'ait pas eu de réponse adéquate.   

Paperjam: La faute, donc, au blocage fait par des pays tels que les États-Unis, l'Arabie saoudite ou la Russie...

Carole Dieschbourg: Ces pays n'avaient pas la volonté de se baser sur la science, comme le rapport du Giec, pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius pour faire évoluer la situation. En tenant donc compte des difficultés rencontrées au niveau des leaders mondiaux, nous pouvons considérer que cette COP24 a été un succès. Mitigé certes, mais un succès tout de même, car nous avons trouvé un consensus avec 196 pays.

Paperjam: Concrètement, le Luxembourg devra toujours réduire de 40% ses émissions de gaz polluant par rapport à son niveau de 2005 d'ici à 2030...

Carole Dieschbourg: Le partage des efforts devra se faire au niveau européen. Ce qu'il faut dire, c'est que si nous voulons rester sous la barre des 1,5 degré évoquée en octobre dernier par le Giec, il faudra relever le niveau d'ambition. Ce que prévoient explicitement l'accord de Paris et ce qui a été décidé à Katowice. À partir de 2023, nous allons avoir un cycle de cinq ans où nos ambitions devraient être revues à la hausse. Réduire de 40% nos émissions a été une décision politique prise avant la COP2I et avant la publication de ce rapport. Cela signifie que, sur la question des émissions polluantes et sur celle de l'efficacité énergétique, nous avons fait un premier pas, mais la stratégie à long terme de la Commission européenne est d'aboutir à une neutralité d'émission d'ici à 2050. Ce qui figure d'ailleurs dans l'accord de coalition.

Paperjam: Quid de la question du mix énergétique, car, si le seuil des 11% d'énergies propres consommées d'ici 2020 venait à être atteint, l'accord de coalition prévoit "un engagement en faveur d'objectifs ambitieux". De quoi est-il question ici?

Carole Dieschbourg: Atteindre ces objectifs va être très difficile, car, pour l'instant, la baisse enregistrée en 2017 n'a pas continué, et nous allons devoir rehausser nos objectifs. Nous travaillons en ce moment avec des partenaires étrangers (importations d'énergie en provenance d'Estonie et de Lituanie, ndlr), car c'est la seule manière pour nous d'arriver à atteindre les ambitions voulues. Nous travaillons actuellement sur le `Plan climat et énergie', qui devrait être fini d'ici quelques semaines.

Paperjam: Qu'en est-il des mesures fiscales envisagées pour la protection de l'environnement?

Carole Dieschbourg: Nous avons déjà annoncé, en mars dernier, la taxe dite "Tokyo cent", prélevée sur chaque litre de carburant, qui est dans les faits une taxe sur le CO2, et qui sera prise en compte dans le budget 2019. Dans le programme de coalition figure également la promotion de l'électromobilité, avec notamment l'introduction d'un avantage fiscal équivalent à celui des voitures de fonction, la promotion des transports en commun ou la valorisation de l'économie circulaire. La lutte contre le réchauffement climatique se fait par maintes mesures et dans de nombreux domaines. Pour rappel, nous avons déjà des taxes environnementales, mais elles ne sont pas très hautes, raison pour laquelle nous allons travailler sur ce thème. Mais nous n'allons pas le faire comme en France, par exemple, car nous souhaitons accompagner ces mesures d'incitation au niveau social pour que cette politique forme un tout. Jouer sur l'un de ces aspects au détriment de l'autre ne peut pas fonctionner.» Atteindre nos objectifs va être très difficile.

 

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