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Interview avec Gilles Roth dans Paperjam.lu Carried-interest, stock-options: les annonces de Gilles Roth
Interview: Paperjam.lu (Marc Fassone)
Paperjam.lu: Comment le secteur financier peut-il s'adapter aux disruptions technologiques et aux challenges géopolitiques actuels?
Gilles Roth: Je crois que c'est le moment pour l'Europe de jouer ses cartes et d'agir notamment en matière de compétitivité. Et c'est également l'heure pour le centre financier et bancaire luxembourgeois de saisir les opportunités. L'an dernier, j'ai initié un certain nombre de réformes comme la modernisation du régime des expatriés grâce auquel jusqu'à 400.000 euros de salaire annuel sont exonérés d'impôt à hauteur de 50%. Un régime très apprécié des startups. Il y a eu d'autres réformes comme l'exemption de la taxe d'abonnement pour les fonds ETF, comme la baisse de 1% du taux d'imposition des entreprises. Et en plus, nous avons fait un nombre considérable d'adaptations législatives comme la loi sur la blockchain ou la transposition de la directive MICA qui nous permet d'encadrer les cryptomonnaies et de nous donner un cadre flexible qui protège les investisseurs tout en donnant des opportunités de développement aux professionnels. D'autres mesures ont fait l'objet de dépôt de projets de loi comme la création d'un crédit d'impôt pour les Business Angels, ce qui est très important pour le monde des startups. Nous travaillons également sur un régime de stock options pour les salariés qui s'impliquent dès la naissance d'une startup et qui sont rétribués en partie par des parts dans la société. Le régime d'imposition des plus-values sera très compétitif.
Paperjam.lu: Deux nouveautés attirent cette année l'attention des professionnels. Pouvez-vous les détailler?
Gilles Roth: Je viens en effet d'annoncer la mise en place d'un régime de carried interest afin d'attirer plus de gestionnaires de fonds ici au Luxembourg. C'est une demande de longue date du secteur qui fait sens. Surtout face à ce qui se passe outre-Manche et dans le sud de l'Europe.
Aujourd'hui, je suis également fier d'annoncer une autre initiative: le Peak Accelerator, parrainé par le ministère des Finances et d'autres partenaires. Ce programme soutiendra les startups développant des solutions numériques pour les fonds. Le Luxembourg est déjà le principal centre de fonds en Europe. Mais pour garder une longueur d'avance, nous devons numériser notre écosystème de fonds de bout en bout. Le nouvel accélérateur réunira des startups, des gestionnaires de fonds et des fournisseurs de technologies pour co-créer l'avenir et les services de fonds. Nous invitons les partenaires à nous rejoindre en tant que mentors, conseillers et leaders de l'innovation.
Et il y a encore beaucoup à venir. Ce gouvernement s'engage à une intégration proactive de l'IA dans le secteur financier. Dans le cadre de notre stratégie nationale, nous organiserons une conférence phare sur l'IA et la fintech en 2026 pour accélérer son adoption dans la finance. Dans ce contexte, je salue l'établissement d'un centre d'expérience IA au sein de la Luxembourg House of Financial Technology. Ceci est conçu pour évoluer en étroite collaboration avec le programme AI Factory du gouvernement.
Le Luxembourg est aujourd'hui un leader mondial en matière de cotations DT numériques, avec des institutions publiques et privées utilisant notre législation pour les émissions. Pour mettre en valeur la dynamique des écosystèmes de la finance numérique luxembourgeoise, le Trésor public luxembourgeois a émis ce lundi son premier certificat de trésorerie numérique. Le certificat de trésorerie numérique offre un avantage majeur: réduire les délais de traitement tout en offrant aux investisseurs une sécurité accrue, une transparence totale et une gestion simplifiée. Compte tenu des retours très positifs des investisseurs, nous continuerons à nous appuyer sur cette première expérience. Le Trésor travaille déjà sur les questions d'un budget souverain numérique. Nous faisons cela pour soutenir l'innovation et créer un point de référence dans la zone euro.
Paperjam.lu: À un moment où la commission réfléchit à approfondir le marché de l'épargne et de l'investissement, comment le Luxembourg peut-il se distinguer dans un aussi grand ensemble?
Gilles Roth: Nous sommes tout en fait en faveur d'une plus grande compétitivité de l'Europe, surtout au niveau de l'Union des capitaux. Le Luxembourg a de belles cartes à jouer. Nous sommes un centre bancaire reconnu dont on recherche l'expertise. La flexibilité, le pragmatisme de notre régulateur ainsi que la réactivité de notre gouvernement en combinaison avec le parlement pour implémenter la réglementation européenne en tant que first mover sont des atouts.
J'ai participé il y a deux semaines avec le ministres des Finances français Éric Lombard et espagnol Carlos Cuerpo à une initiative pour drainer l'épargne vers des investissements dans le secteur des PME, ce qui générera des bénéfices qui pourront être réinvestis dans les régimes d'épargne complémentaire. Notre boîte à outils se prête parfaitement au lancement de ces nouveaux véhicules d'investissements.
Paperjam.lu: Vous venez de mentionner l'importance des régimes de pensions complémentaires privés. Allez-vous comme le réclame le secteur des assurances élargir les avantages fiscaux de tels produits?
Gilles Roth: Je ne peux encore rien divulguer, mais nous travaillons sur le sujet. Mais il faut améliorer le traitement fiscal du troisième pilier, les régimes d'assurances complémentaires souscrits par les particuliers. Mais je tiens à répéter que cela n'a pas vocation à remplacer le premier pilier, le pilier légal qu'il va falloir optimiser pour en assurer la longévité.
Paperjam.lu: Vous avez également mentionné l'importance du régulateur pour l'attractivité de la place. Que pensez-vous des tentatives faites au niveau européen pour centraliser la supervision?
Gilles Roth: Le Luxembourg est pour une supervision de qualité via une convergence de supervision, mais cela n'est en rien tributaire d'une supervision unique. Ce qui importe au niveau de la compétitivité, c'est d'éliminer la bureaucratie à Bruxelles, d'avoir un cadre de faillite et de résolution d'institutions financières unifié au sein de l'Union des capitaux et d'avoir des véhicules de titrisation et de favoriser la mobilisation du capital privé. Et cela ne ses résume pas à une question purement institutionnelle, à l'émergence d'un superviseur unique. Je rappelle d'ailleurs que l'un des principes fondateurs de l'UE est le principe de subsidiarité. Notre CSSF est parfaitement outillé pour superviser des structures très complexes. Le pragmatisme de la CSSF est un atout dont je ne voudrais pas me défaire.
Le Luxembourg sera une voix de la raison à Bruxelles et nous défendrons une réglementation intelligente et favorable au marché.