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Interview avec Claude Meisch dans Paperjam "Chacun peut être une partie de la solution"
Interview: Paperjam (Céline Coubray)
Paperjam: Comment décririez-vous l'ampleur de la crise du logement dans le pays?
Claude Meisch: Nous vivons deux crises du logement. Une, plutôt à court terme, due à la hausse explosive des taux d'intérêt, où le marché s'est arrêté abruptement, avec un nombre de transactions en chute libre. La seconde est une déficience de logements qui dure depuis plusieurs années. On voit qu'actuellement les transactions des logements existants ont bien repris et qu'on a atteint à peu près le niveau d'avant-crise. Mais pour la vente en futur état d'achèvement, le marché est encore en difficulté.
Paperjam: Comment l'expliquez-vous?
Claude Meisch: Il y a plusieurs raisons. Une raison est que les prix des Vefa ne se sont pas adaptés comme pour les logements existants. Une grande partie des développeurs privés ont plutôt choisi de ne pas mettre sur le marché leurs projets et d'attendre une reprise de la demande au lieu de proposer leurs produits d'une manière plus agressive et d'abaisser les prix de vente. Il y a une deuxième raison qui est que, pour la première fois depuis une longue période, les faillites d'entreprises dans le secteur de la construction et de la promotion immobilière sont une réalité. La conséquence est que les acheteurs potentiels ont du mal à faire confiance aux promoteurs et que ces derniers n'arrivent plus à atteindre le niveau de prévente nécessaire pour lancer la construction.
Si je me mets dans la situation d'un acquéreur potentiel, quelqu'un qui veut acheter un logement pour soi-même, pour sa famille, il veut savoir quand le projet sera livré, quand il pourra déménager. Mais aussi ce qui se passera s'il fait face à une faillite de l'entreprise de promotion. Pour donner plus de transparence à cela, la ministre de la Justice (Elisabeth Margue, ndlr) et moi-même avons lancé un groupe de travail pour revoir la législation autour des Vefa, plus spécialement les situations de faillite. Non pas pour les éviter, mais pour donner plus de clarté dans cette situation et voir comment seront traités ces dossiers et éviter les blocages.
Paperjam: Donc, ça veut dire changer la législation sur les garanties d'achèvement, les garanties de remboursement, la validation des tranches de paiement?
Claude Meisch: Il y a toute une panoplie de mesures potentielles. Actuellement, nous discutons de l'une ou l'autre piste. Nous ne sommes pas encore décidés, mais nous sommes tout à fait d'avis qu'il faudra intervenir sur ce point pour redonner de la confiance aux acquéreurs qui achètent sur plan.
Paperjam: Revenons sur la déficience de logements disponibles qui dure depuis plusieurs années. Avant la crise des Vefa, on estimait déjà le manque de logements nécessaires pour pallier le besoin réel à 3.500 nouvelles unités d'habitation par an. Deux ans après le début de la crise, le déficit s'est encore agrandi puisque très peu de nouvelles unités de logement ont été livrées ces derniers mois. Pensez-vous que nous pouvons encore combler ce déficit?
Claude Meisch: On sait que le Luxembourg, avant cette situation un peu atypique, connaît une autre crise avec une demande de logements plus forte que l'offre, ce qui a entraîné l'explosion des prix. Cela a évidemment des conséquences pour le développement économique du pays puisque beaucoup de personnes sont prêtes à venir s'installer au Luxembourg pour y travailler, contribuer à la richesse et la prospérité du pays, mais ne sont pas en mesure de se loger. Et cela devient de plus en plus une question d'équité et de cohésion sociales pour un petit pays comme le nôtre. Nous devrions être en mesure de loger tous ceux dont on a besoin pour que le pays fonctionne bien.
Et moi, je veux mener une politique où on peut aussi proposer des logements qui restent abordables, pour que la personne qui vient nettoyer mon bureau le soir ou qui me livre une pizza, que ceux qui construisent nos logements, nos routes, nos infrastructures, etc., puissent se loger à un prix abordable. Donc, pour que chacun, dans notre société, puisse trouver un logement, un domicile. Sinon nous ne pouvons plus nous considérer comme une société.
Il faut donc éviter que ce vide-là ne devienne trop grand et qu'on perde en plus la capacité de production. Parce que le grand risque, c'est qu'avec les faillites d'entreprises de construction, on perde aussi les ouvriers et que nous n'ayons plus la capacité de produire autant de logements quand la situation s'améliorera. C'est pour cela que le gouvernement a décidé, tout de suite après son entrée en fonction, de mettre en place plusieurs mesures pour stabiliser le marché de l'immobilier.
Paperjam: Aujourd'hui, êtes-vous satisfait de ces mesures mises en place?
Claude Meisch: J'aurais espéré avoir plus d'influence encore sur les mesures fiscales. Ça fait du sens d'encourager les personnes qui ont encore un peu d'argent sur leur compte bancaire à l'investir dans le logement au Luxembourg, et donc dans l'économie luxembourgeoise et aider à sauvegarder des emplois, soutenir les entreprises de construction, garder notre capacité de production. Mais on a vu quand même que les mesures mises en place aident à soutenir la vente sur plan.
D'un autre côté, nous avons lancé l'achat par l'État lui-même de projets immobiliers en futur état d'achèvement pour en faire des logements abordables et les mettre par la suite à disposition de nos promoteurs publics qui en assurent la gestion locative.
Paperjam: Une enveloppe de 480 millions sur quatre ans était disponible pour ces achats. Où en est-on?
Claude Meisch: C'était effectivement sur quatre ans, mais j'aurais espéré quand même signer les projets pendant la première année pour pouvoir lancer les constructions et disposer de ces logements au cours des quatre pro chaines années. Mais ce n'est pas encore le cas. On a signé des actes notariés pour à peu près 270 logements, ce qui n'est pas mauvais puisque cela correspond à environ une année de production de la SNHBM (Société nationale des habitations à bon marché). Nous avons encore environ le même volume de logements qui sont en phase de contrat de réservation.
Et nous sommes en phase d'évaluation et de négociation pour d'autres projets. L'appel aux promoteurs continue et nous sommes toujours ouverts à acquérir des projets. Mais, bien évidemment, nous avons également dû refuser des projets, car nous n'achetons pas à tout prix et nous ne sommes pas là pour sortir de l'embarras des acteurs qui auraient trop investi dans des terrains par exemple.
Paperjam: Une fois cette enveloppe dépensée, pensez-vous que ce fonds spécial du logement pourra être regarni?
Claude Meisch: Je crois en effet qu'en plus de créer du logement abordable par l'intermédiaire des promoteurs publics, des communes ou d'autres associations, l'État peut se réserver une enveloppe budgétaire pour acheter sur le marché privé des logements qui respectent le cahier des charges du logement abordable, dans la perspective d'un partenariat public-privé. L'achat de Vefa est un des moyens, mais nous travaillons encore sur une autre piste que nous présenterons dans les prochaines semaines.
Paperjam: Pouvez-vous d'ores et déjà nous en dire plus?
Claude Meisch: L'idée est que l'État n'achète pas le logement construit par un promoteur privé, mais le loue pour une certaine durée — 20 ans par exemple — avec une option d'achat à la fin de cette période. Ce logement sera par la suite mis en location abordable par le Fonds du logement, selon ses critères habituels. Mais, pour cela, il faut qu'il y ait du stock... Toutefois, nous sommes prêts à nous engager dès à présent sur le contrat de bail pour encourager le démarrage de la construction. Le loyer payé au propriétaire serait un peu en dessous du prix du marché, parce que l'État est quand même un locataire fiable, avec une garantie de paiement solide. Cela pourrait être un instrument intéressant pour des investisseurs institutionnels qui attendent un rendement locatif stable sur le bien dans lequel ils investissent. L'État est prêt à investir dans la création de logements abordables et à en faire plus que les dernières décennies, mais on sait aussi qu'il faut trouver des moyens plus innovants que ce qui a été fait jusqu'à présent. Nous souhaitons aussi associer des investisseurs privés dans cette démarche, car le logement est un problème qui touche toute la société au Luxembourg. Chacun peut être une partie de la solution. Cela impliquerait aussi de jouer sur la fiscalité pour les petits investisseurs privés ou des familles qui ont déjà un logement résidentiel et qui auraient encore un peu de capacité financière pour acheter un appartement qu'ils mettraient en location.
Paperjam: Récemment, vous avez annoncé l'aide à la pierre pour la construction de logements pour salariés. Avez-vous déjà reçu des marques d'intérêt pour ce type de projet?
Claude Meisch: Pour le moment, nous sommes dans la phase de prise de connaissance de la proposition, mais des acteurs avec des profils très variés se sont manifestés ces dernières semaines et on constate un fort intérêt pour ce modèle. Si on regarde vers le passé, c'est une proposition qui existait déjà lors du développement de la sidérurgie, avec des entreprises comme l'Arbed qui souhaitait se développer au Luxembourg, mais qui peinait à loger ses employés et qui a trouvé la solution de construire elle-même des logements pour les accueillir. On revient un peu à cette situation, mais avec une forte implication de l'État dans notre cas présent. L'État peut donner une subvention directe jusqu'à 75% des coûts de construction et les 25% restants sont garantis par un rendement qui varie avec les taux d'intérêt pour permettre aux structures de s'endetter. Pour cela, on demande que ce ne soit pas directement l'entreprise qui porte le projet, et donc reçoit les financements publics, mais une asbl, une fondation ou une société d'impact sociétal par exemple.
Et il y a aussi quelques restrictions: ce doit être des logements abordables, donc qui doivent être réservés aux personnes éligibles à ces logements. Ce ne sont pas des logements pour les cadres ou pour la direction, mais pour les salariés aux revenus modestes ou moyens. On peut cibler les jeunes actifs en début de carrière ou les salariés qui sont un peu en dessous de la moyenne des salaires du pays.
Paperjam: Un point sur lequel il est possible d'agir, ce sont les terrains. Où en est-on de la proposition de loi pour modifier la taxation des terrains destinés au logement et non lotis?
Claude Meisch: Le gouvernement soutient toujours cette démarche parce qu'on ne pourra résoudre ce problème du logement qu'en mobilisant un maximum de terrains disponibles au Luxembourg. Le principe est donc de taxer les terrains dédiés au logement dans les PAG et encore non viabilisés. C'est un projet de loi qui est poursuivi par le ministère des Affaires intérieures, avec une volonté politique de le réaliser, mais, de l'autre côté, il reste des questions techniques pour rester juste et éviter de taxer de manière abusive. En laissant par exemple la possibilité à des propriétaires fonciers de conserver un terrain pour leurs enfants. En parallèle, le ministère des Affaires intérieures travaille aussi sur le projet de taxation sur les logements inoccupés, ce qui est un autre problème. Nous n'avons pas de registre exact sur la quantité de ces logements vides, mais on les estime à environ 10.000 unités.
Et dans la situation de forte pénurie de logements qui est la nôtre, c'est tout simplement inacceptable. Nous avons la possibilité, à travers la gestion locative sociale ou d'autres acteurs sociaux, de rendre ces logements disponibles à la location, tout en garantissant l'état du bien aux propriétaires et la continuité du paiement des loyers, qui sont en plus très largement défiscalisés. Maintenant, je pense qu'il faut aller plus loin: ceux qui ne souhaitent toujours pas contribuer à la résolution de la crise du logement doivent alors payer d'une autre manière et être taxés. Mais tout cela est entre les mains du ministère des Affaires intérieures.
Paperjam: Parlons maintenant du Pacte logement 2.0. Ses résultats sont maigres jusqu'à présent. Quelle est votre analyse?
Claude Meisch: Nous avons constaté que la charge administrative, aussi bien pour les communes que pour mon ministère et mes administrations, est beaucoup trop importante par rapport aux montants qu'on alloue pour soutenir la création de logements supplémentaires au niveau des communes. Nous allons donc réviser les catégories de projets d'investissement qui sont soutenus par le Pacte logement 2.0 et laisser plus de liberté aux communes pour choisir les projets qui sont nécessaires. Nous avons aussi prévu d'intégrer une notion d'aménage ment du territoire pour soutenir les communes dans cette direction, qui va de pair avec la création de logements sur les plans sectoriels Logement. Cela doit rester une priorité, car ce sont des terrains qui sont bien localisés, où l'accès aux transports en commun est possible. Car s'il m'importe que l'on construise plus et plus vite, je dois aussi veiller à ce que l'on construise au bon endroit pour ne pas alourdir encore plus le problème des transports.
Paperjam: Un des leviers d'attaque est aussi de travailler sur la densité des logements, sujet qui relève de la compétence communale. Où en êtes-vous du dialogue avec les communes sur ce point?
Claude Meisch: J'ai rencontré une cinquantaine de communes depuis un an. Elles ont eu la possibilité de s'exprimer et nous avons eu des échanges constructifs autour de projets existants et futurs, ainsi que sur la législation actuelle, notamment sur les questions de logements abordables. Nous sommes arrivés à plusieurs conclusions concrètes, dont la réadaptation de l'article 29 bis au sujet du pourcentage des logements abordables dans les nouveaux quartiers. La nouvelle interprétation est telle que le quota de logements abordables ne fait plus partie des surfaces autorisables, mais vient en sus de celles-ci. On augmente donc la densité de ces projets et le nombre de logements autorisables. Cette approche permet de densifier là où ça fait sens, de préserver les espaces verts, le caractère villageois des petites communes et de relier ces futurs habitants aux équipements publics, de loisirs, de commerces...
Paperjam: Dans les pays voisins, les standards appliqués pour les logements abordables sont autres et coûtent moins cher à construire. Serait-il envisageable de réviser nos standards pour faire baisser les coûts?
Claude Meisch: J'ai effectivement discuté de cela avec les promoteurs publics. Je crois que tout ce qui est imposé par notre ministère est raisonnable. On ne veut pas financer le luxe, certes, mais nous voulons quand même garantir une qualité de vie pour les habitants de ces logements. Nous voulons donner le bon exemple avec des constructions écologiques, durables, une bonne performance énergétique... Si l'État ne le fait pas lui-même, on ne peut pas l'imposer au secteur privé. De l'autre côté, le message des promoteurs publics est que nous avons besoin d'un certain niveau de qualité pour éviter de trop réinvestir par la suite dans l'entretien. Cette qualité assure ainsi une certaine durabilité des logements. Et je soutiens cette approche.
Paperjam: Les promoteurs publics construisent de la qualité, maison voit aussi que les logements abordables ont parfois du mal à être vendus. C'est le cas par exemple à Elmen, où il y a encore beaucoup d'unités disponibles.
Claude Meisch: Il n'y a aucun logement achevé qui est sur le marché. Ceux qui sont encore disponibles sont ceux qui sont en cours de construction ou en planification. Nous n'avons pas de logement en stock qui attende un acquéreur. Et tout comme les promoteurs privés, les promoteurs publics se retrouvent aussi avec des familles qui sont intéressées par les logements, mais qui se voient refuser leur demande de crédit.
Pour la première fois de son histoire, la SNHBM a dû faire de la publicité pour la vente de ses produits. La situation a changé, mais je crois beaucoup dans ce modèle.
Paperjam: Que pensez-vous de l'initiative Prolog?
Claude Meisch: Innover, c'est toujours bien. Parfois, cela demande des ajustements, comme cela a été fait. C'est un instrument qui peut servir à accélérer la construction, à lever un point bloquant qui est le taux de prévente donnant accès aux prêts bancaires pour les promoteurs. Maintenant, il faut attendre la réaction du marché face à cette adaptation des critères.
Paperjam: Vous avez travaillé autour du logement pour les jeunes, du logement pour les salariés, mais on n'a pas parlé du logement des séniors qui peut être aussi une piste pour débloquer des logements devenus trop grands pour les occupants. Est-ce que cela fait partie des projets?
Claude Meisch: C'est effectivement un sujet, surtout au Luxembourg où la surface occupée par tête d'habitant est beaucoup plus élevée que dans d'autres pays. Et nous avons aussi des situations où une personne âgée vit toute seule dans une maison. Cela peut par ailleurs devenir un problème social, d'isolement pour ces personnes. De l'autre côté, nous avons des jeunes, des étudiants ou des familles qui cherchent à se loger. J'ai rencontré récemment des jeunes qui ont lancé une mini-entreprise mettant en relation des jeunes qui cherchent un logement avec des séniors ayant une maison avec de la place pour héberger quelqu'un. Je trouve cela formidable et j'y crois beaucoup. Nous devons soutenir de telles initiatives, parce qu'elles font du sens socialement, économiquement, par rapport à l'utilisation de nos sols et du bâti existant. Et aussi travailler avec les communes pour autoriser ce type de cohabitation, sans avoir nécessairement une deuxième entrée, par exemple.
Paperjam: Allez-vous légiférer pour permettre ce type de cohabitation?
Claude Meisch: Je ne pense pas que cela soit nécessaire. Je pense plutôt qu'il faut faire connaître le principe, soutenir les intermédiaires qui permettent de mettre en relation les jeunes et les propriétaires. Faire prendre conscience de cette possibilité. C'est un peu comme ce que nous avons fait avec la gestion locative sociale (GLS). Personne ne pensait, il y a 10 ans, que nous aurions aujourd'hui 1.300 logements disponibles par ce biais. Dans ce cas de figure, nous n'avons pas des logements entiers disponibles, mais des surfaces qui peuvent être utilisées. Et l'idée est de les mobiliser, avec un certain encadrement qui protège à la fois les locataires et les propriétaires.
Paperjam: Souhaiteriez-vous que l'état d'urgence soit déclaré pour résoudre la crise du logement?
Claude Meisch: Non, je crois que nous avons démontré que nous sommes capables de réagir sans avoir recours à cela. Nous avons pu prendre rapidement des mesures pour à la fois soutenir la construction et simplifier les planifications et la phase d'autorisation.
Nous travaillons encore sur beaucoup d'autres projets dont une réforme du logement abordable.
Paperjam: Pouvez-vous donner plus de détails sur cette réforme du logement abordable?
Claude Meisch: Nous voulons encourager les communes à créer des logements abordables, car je suis d'avis que chaque commune pourrait être un promoteur public. Beaucoup ont cette volonté, et je veux les encourager dans ce sens. Pour cela, je souhaite que les communes aient aussi accès aux subventions d'État de l'aide à la pierre, alors que cette aide est jusqu'à présent réservée aux organismes privés. Elles pourront aussi instaurer des critères géographiques pour attribuer les locations abordables, afin que les bénéficiaires soient en priorité des personnes qui habitent déjà dans la commune ou qui y travaillent.
Paperjam: Est-ce que le prêt à taux zéro pour les primo-acquérants peut être une piste?
Claude Meisch: Nous avons déjà toute une panoplie d'aides qui peuvent être sollicitées et que les gens ne connaissent pas nécessairement bien. Beaucoup de personnes ignorent même qu'elles sont éligibles aux aides. Il y a la garantie d'État, la subvention d'intérêt, la prime d'accession à la propriété... Il y en a aussi pour les locataires, avec la subvention de loyer, et ce même en tant que communauté domestique avec deux enfants à charge et 8.500 euros de revenu net mensuel. Donc même la classe moyenne a accès à ces aides.
Aussi, au lieu de lancer de nouvelles aides, il est préférable que nous fassions mieux connaître celles qui existent déjà pour que toutes les personnes concernées puissent en profiter.
Paperjam: Où en est-on de la réflexion sur le logement innovant?
Claude Meisch: L'innovation peut se trouver à plusieurs échelles. Si on reprend l'idée d'un logement devenu trop grand avec un locataire dans une chambre, cela me semble être une idée qui se rapproche du logement innovant. Je suis content qu'on ait fait adopter la loi sur le bail à loyer qui a réglementé la colocation, de plus en plus utilisée par les jeunes qui reviennent au Luxembourg après l'université ou qui viennent de s'installer. Nous avons beaucoup de discussions avec les promoteurs publics au sujet de la construction modulable et temporaire. L'idée est d'utiliser des terrains en attente de développement avec des logements modulables, démontables, économiquement viables.
Paperjam: Et au sujet des rénovations?
Claude Meisch: Pour la durabilité, il est essentiel de travailler avec les structures existantes, de les rénover et d'investir dans leur performance énergétique. Il faut accepter que cela puisse coûter plus cher qu'une construction neuve, mais cela fait beaucoup plus de sens de rénover — si c'est possible — que de démolir et reconstruire. Il faut utiliser tous les outils dont nous disposons pour créer des logements abordables, et le bâti existant fait partie de cette solution.
Paperjam: Quel est le dossier le plus brûlant sur lequel vous travaillez actuellement?
Claude Meisch: Ils sont tous brûlants! J'aimerais bien faire passer les adaptations législatives dont je vous ai parlé au Conseil de gouvernement après Pâques, de façon à accélérer par la suite les procédures et disposer de tous les instruments nécessaires pour rassembler les forces et convaincre d'autres partenaires à s'associer à la création de logements abordables. Un sujet qui reste très important est la question foncière. L'État n'a jamais mené de politique foncière proprement dite et n'a jamais mis de terrain en réserve pour le logement. Ce qui explique que nous sommes un acteur assez faible sur le marché immobilier. Les terrains qui sont dans le plan sectoriel Logement se trouvent entre les mains de propriétaires privés ou de communes. Il me semble essentiel que l'État se dote d'une réserve foncière non pas pouce mettre en réserve pendant de long années, mais pour l'utiliser maintenant. On travaille également sur une réforme du plan sectoriel Logement pour déterminer encore d'autres surfaces qui se prêteraient bien à la création de logements. Un des critères essentiels sera la connexion avec les transports publics. Nous pourrons ainsi nous donner la possibilité soit de les acquérir, soit de les développer dans une optique PPP. Je suis d'avis que l'État doit jouer un rôle plus important au niveau de la création de logements, mais ce ne sera jamais un domaine réservé à l'État. Il faut vraiment chercher la collaboration avec le secteur privé. Le logement est un problème qui nous touche tous et nous devons tous contribuer à la solution.