Interview avec Yuriko Backes dans la Revue des Gouverneurs 2023 du Groupe de la Banque Africaine de développement

"Combler le déficit de financement"

Interview: Revue des Gouverneurs 2023 - Groupe de la Banque Africaine de développement

L'Afrique produit le moins d'émissions de gaz à effet de serre; pourtant, le continent reste le plus exposé aux effets du changement climatique. Ce sont malheureusement souvent les groupes les plus vulnérables, notamment les femmes, qui supportent l'essentiel des retombées du changement climatique. Les effets de plus en plus marqués du réchauffement de la planète exigent une réduction drastique des émissions de carbone. Les besoins de financement pour atteindre les objectifs climatiques sont colossaux. À l'heure actuelle, les dépenses liées à l'action climatique sont estimées à 630 milliards de dollars américains1. L'Afrique, à elle seule, aurait besoin de près de 3.000 milliards de dollars d'ici à 2030 pour honorer les engagements pris dans le cadre des Contributions déterminées au niveau national.

Les systèmes de financement mixte et de cofinancement peuvent canaliser efficacement des milliers de milliards de ressources inexploitées du secteur privé pour répondre aux enjeux climatiques. Néanmoins, l'incertitude et la perception des risques restent les principaux obstacles à la participation aux initiatives de financement. En général, dans les marchés émergents, les risques perçus dépassent les risques réels. Malheureusement, de nombreuses initiatives definancement de l'action climatique ne mobilisent pas suffisamment de capitaux privés. Et lorsqu'elles y parviennent, c'est au prix de rendements disproportionnés.

La réduction des risques liés au financement de l'action climatique relève de l'effort collectif. Les gouvernements, les institutions de développement et la société civile doivent jouer un rôle dans la sensibilisation du secteur privé. De même, il incombe aux institutions financières et de développement de recenser, de mesurer et d'atténuer ces risques, sur la base d'évaluations solides fondées sur des données fiables. Les pouvoirs publics doivent garantir la disponibilité de ces informations. Les instruments financiers peuvent également servir à réduire les risques des investissements. Par exemple, les investissements à plusieurs niveaux (en première perte) ou les mécanismes de partage et de transfert des risques offrent des moyens efficaces d'atténuer l'exposition au risque du secteur privé, à un coût relativement faible pour les secteurs privé et public.

Le cofinancement "skin in the game"

Parmi les banques multilatérales de développement, la Banque africaine de développement a figuré à l'avant-garde de ces instruments d'atténuation des risques. Je félicite d'ailleurs la Banque pour le lancement récent d'initiatives innovantes qui mobilisent les capitaux du secteur privé, tout en agissant comme un catalyseur pour les investissements en Afrique. Le Luxembourg soutient les travaux du Groupe de la Banque qui tendent à améliorer la bancabilité des projets et favorisent ainsi l'engagement du secteur privé. J'encourage la Banque à promouvoir davantage les projets de financement de l'action climatique, en particulier ceux qui ont une incidence positive sur l'égalité des sexes et la situation des populations vulnérables.

Le Luxembourg s'est engagé à solliciter le secteur privé pour répondre aux besoins de l'Afrique. Nous sommes fiers de soutenir la Facilité pour l'inclusion financière numérique en Afrique de la Banque africaine de développement, qui met en  place des cadres financiers durables et inclusifs en Afrique, tout en attirant des bénéficiaires des secteurs privé et public par le biais d'un cofinancement par apport en fonds propres ("skin in the game"). Nous avons parfaitement conscience du potentiel des marchés financiers pour mobiliser les capitaux privés. C'est la raison pour laquelle nous soutenons le développement de ces marchés par le biais du Fonds pour le développement des marchés des capitaux. Enfin, tirant parti de la longue expérience du Luxembourg en matière de financement mixte, nous avons récemment lancé un fonds d'investissement à plusieurs niveaux consacré aux investissements en faveur du climat dans les marchés émergents. Grâce à ce dispositif innovant, notre gouvernement fournit un capital de première perte de 25 millions d'euros afin d'attirer des fonds du secteur privé européen pour couvrir les besoins de la lutte contre le changement climatique

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