En date du 18 mai 2006, la secrétaire d'État à la Culture, à l'Enseignement supérieur et à la Recherche, Octavie Modert, a ouvert le colloque international sur le thème "Collaboration: Nazification?" qui a eu lieu du 18 au 20 mai 2006, au Centre culturel de rencontre Abbaye de Neumünster.
![]()
La collaboration au Luxembourg lors de la Seconde guerre mondiale
L’historiographie luxembourgeoise, à l’instar de celle d’autres pays, a passé sous silence, pendant plusieurs décennies, le sujet de la "collaboration" durant la Seconde Guerre mondiale, préférant mettre en avant les exploits de la Résistance et donner ainsi une image immaculée de notre pays sous l’occupation allemande.
Ce n’est qu’à partir des années 80 qu’on commence à évoquer timidement le thème de la "collaboration" au Luxembourg (P.Cerf: "De l’épuration au Luxembourg après la Seconde Guerre mondiale" et Cl.Wey: "Les fondements idéologiques et sociologiques de la collaboration luxembourgeoise"), alors que les articles des historiens L. Blau (1996) et P. Dostert (2000) sur la participation de volontaires luxembourgeois au sein de la "Wehrmacht" (Reserve-Polizeibataillon 101), impliqués dans "l’épuration" de plusieurs villages russes, avaient fait grand bruit à l’époque.
Depuis quelques années de jeunes historiens luxembourgeois, n’ayant jamais connu les affres de la guerre, se passionnent pour le thème de la "collaboration" et on peut penser qu’ils sont mieux aptes que leurs aînés à traiter ce sujet délicat avec toute l’objectivité requise.
Il est vrai que durant de longues années l’accès aux archives de la "collaboration" luxembourgeoise était rendu difficile, dans la mesure où la grande majorité des sources archivistiques sont basées sur des dossiers personnels, dont l’accessibilité au public est soumise à des délais de consultation très longs. Grâce à un nouveau règlement grand-ducal (15 janvier 2001) sur la consultation des fonds d’archives aux Archives nationales, ces dossiers (affaires politiques; épuration administrative et politique) ont pu être mis à la disposition des chercheurs, sous certaines réserves, avec l’accord du Procureur général de l’État.
Cette ouverture des archives a permis la réalisation de plusieurs mémoires scientifiques sur la "collaboration" luxembourgeoise, notamment sur les "Ortsgruppenleiter" au Luxembourg (B.Majerus en 2000) et sur la collaboration des femmes luxembourgeoises (L. Piazza en 2003).
Par la suite, d’autres études scientifiques ont été réalisées, notamment celle de NG Cheun (2004) sur la collaboration et l’épuration (à partir des jugements du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg) et celle de S. Feis (2005) sur la collaboration au Luxembourg (à partir des dossiers du tribunal d’arrondissement de Diekirch).
Enfin Chris Bausch (2004), dans son mémoire sur la politique nazie menée à Mersch, a évoqué longuement le phénomène de la "collaboration" dans cette commune.
Toutes ces recherches permettent maintenant de mieux comprendre la "collaboration" et ses suites immédiates, à savoir "l’épuration" de l’après-guerre.
Organisation d'un colloque international
Suite à une exposition organisée en 2002 par le Musée de la Ville de Luxembourg sur la 2e Guerre mondiale (…et wor alles net esou einfach), dont le but était de mettre en avant certains thèmes controversés, le débat sur la "collaboration" était définitivement lancé.
C’est dans cette perspective que les Archives nationales du G.-D. de Luxembourg ont organisé, en collaboration avec le CEGES (Centre d’études et de documentation Guerre et Sociétés contemporaines) de Bruxelles ce colloque international sur la "collaboration", après le succès du colloque international sur "les courants politiques et la Résistance", organisé par ces mêmes instituts à Luxembourg en avril 2002.
Les thèmes principaux abordés lors de ce colloque ont été:
- Le cadre général des régimes d’occupation/annexion: légalité/ illégalité? Dispositions en matière de droit international?
- Le cadre général de l’État: Les pratiques étatiques dans les sociétés occupées/annexées; comment l’occupant intervient-il? Comment les fonctionnaires réagissent-ils? Culture de l’obéissance?
- Les dimensions politiques: La collaboration politique. Qui sont les collaborateurs? Quels sont leurs motivations? Y a-t-il des liens (idéologiques) avec l’avant-guerre?
- L’économie: Quelles attitudes les patrons adoptent-ils? Cas des grandes entreprises, du commerce et de l’artisanat. Quelles politiques économiques sont mises en œuvre?
- Société, historiographie et collaboration: Comment les sociétés d’après-guerre ont-elles appréhendé le phénomène de la collaboration? Comment la "collaboration" est-elle perçue sur le long terme? Historiographie et "collaboration".
Finalement le titre même du colloque "Collaboration: Nazification?" a été sujet à débat, dans la mesure où il a posà la question si la "collaboration" avait facilité l’introduction précoce du régime nazi au Luxembourg ou si l’inverse s’est produit?