François Biltgen présente les conclusions de l'audit du service public de l'emploi (SPE) réalisé par l'OCDE

En date du 27 septembre 2007, le ministre du Travail et de l’Emploi, François Biltgen, a présenté les conclusions de l’audit du service public de l’emploi (SPE) au Luxembourg par la direction de l’emploi, du travail et des affaires sociales de l’OCDE à l’occasion d’une conférence de presse et en présence des responsables de l’OCDE et de l’Administration de l’emploi (ADEM).

Historique

En 2005, le gouvernement luxembourgeois avait chargé l’OCDE de confectionner un rapport d’analyse détaillé sur le fonctionnement du SPE national, vu la priorité politique de la réforme de l’ADEM. Une journée de 1re prise de contact avait été organisée par le ministre du Travail et de l’Emploi en date du 16 décembre 2005, réservée notamment à des entretiens individuels successifs entre le représentant de l’OCDE, la direction de l’ADEM, les partenaires sociaux luxembourgeois et une délégation de la commission Travail et Emploi de la Chambre des députés.

Fin 2006, une délégation de l’OCDE avait présenté aux responsables luxembourgeois les grandes lignes des résultats de l’audit effectué ainsi qu’un certain nombre de recommandations provisoires qui entretemps ont déjà été considérées de manière anticipative dans les discussions et décisions liées à la mise en œuvre des récentes modifications législatives entrées en vigueur le 1er juillet 2007 et tendant à améliorer le fonctionnement du marché du travail luxembourgeois.

Le 27 septembre 2007, le résultat du rapport final de l’analyse a été présenté à l’ensemble des acteurs luxembourgeois consultés en présence de Martine Durand et de David Grubb de l’OCDE.

Cadre général et méthodologie suivie

En ce qui concerne le cadre général, le Luxembourg a contenu et repoussé dans le temps la hausse du taux de chômage presque mieux que tout autre pays. L’OCDE a crédité la gestion relativement rigoureuse du chômage, y compris par le SPE. Le taux de chômage au Luxembourg est désormais proche du niveau moyen des "pays de référence". Face à la hausse du chômage ces pays n'ont que partiellement diminué la générosité des prestations. Ils ont d’abord essayé la simple expansion quantitative des "mesures". Ces pays ont ensuite renforcé les dispositifs d’"activation". Pour les chômeurs de longue durée ils ont rendu la participation aux programmes parfois moins attractive et plus souvent obligatoire.

L’OCDE a déjà analysé le SPE de 23 pays membres et peut ainsi se baser sur d’amples expériences dans ce domaine. Sur la base d’informations recueillies avant l’entrée en vigueur le 1er juillet 2007 des récentes modifications législatives (projet de loi 5611) et en comparaison avec des pays aux caractéristiques similaires, à savoir niveau de protection sociale élevé et chômage en hausse, l’analyse de l’ADEM est un audit strictement organisationnel et est censé répondre à la question de savoir si le SPE est apte à fournir efficacement les prestations lui demandées par la législation et les politiques concernées.

Recommandations principales

  1. Augmenter le financement du SPE
  2. Clarifier le statut et la mission de l’ADEM
  3. Renforcer la fonction de placement
  4. Renforcer les outils d’activation et les tests de disponibilité
  5. Réformer les mesures et programmes du marché de travail

1. Augmenter le financement du SPE - les ressources de l’ADEM en comparaison internationale

Le budget global du SPE Luxembourgeois représente 0,07% du PIB en 2005, comparé à 0,15% pour les pays les moins dépensiers (Autriche, Norvège, Suisse) et 0,50% pour les pays les plus dépensiers (Danemark). L’ADEM est le SPE le moins bien financé de l’Union européenne.

Cependant, le champ de responsabilité de l’ADEM est relativement large et au-delà du placement et de l’administration de l’indemnisation, il inclut en outre l’orientation vers l’apprentissage, la gestion directe d’un bon nombre de programmes actifs, les permis de travail, la gestion d’allocations des handicapés et TCR, le placement des RMGistes, etc.

Dès lors, il conviendrait, selon l’OCDE, d’augmenter le financement du SPE pour diminuer le nombre de demandeurs d’emploi par placeur et d’avoir recours à d’autres méthodes d’activation certes plus coûteuses, mais plus efficaces, que l’assignation, en particulier pour les demandeurs d’emploi "peu employables".

2. Clarifier le statut et la mission de l’ADEM

Au Luxembourg, le ministère du Travail et de l’Emploi délimite les objectifs stratégiques du SPE et celui-ci est responsable de leur mise en œuvre. Néanmoins, la mission de l’ADEM devrait être davantage centrée sur l’activation des chômeurs indemnisés, la diminution du chômage et la gestion des mesures actives et passives.

C’est pourquoi les conclusions du rapport de l’OCDE incitent les autorités luxembourgeoises à se demander s’il ne pouvait pas être envisagé de faire du SPE une agence ayant des relations contractuelles avec l’État, qui serait autonome dans son choix de méthodes pour atteindre les objectifs définis par le gouvernement, dans sa politique de gestion du personnel, dans sa capacité à se défendre devant le Parlement ou les médias. Il faudra également se demander si une meilleure analyse des données administratives de l’ADEM pourra renseigner sur des questions clés de la politique du marché du travail.

3. Renforcer la fonction de placement

Pour le SPE, l’OCDE a identifié un service de placement scindé en trois - le placeur, le consultant et le SAPDE – et a constaté que le rapport dossiers/placeur dépasse 500.

Par conséquent, les placeurs ne peuvent pas assurer un suivi intensif ni acquérir la "connaissance du terrain" réclamée par les employeurs. De manière générale, il s’agirait donc de créer des postes de placeurs - conseilleurs plus qualifiés et mieux rémunérés pour un suivi plus intensif des chômeurs difficiles à placer. Et/ou le SAPDE doit s’occuper du placement des chômeurs difficiles à placer.

Le placement s’effectue par un procédé d’assignation avec obligation de notification des postes vacants (mise en œuvre par des rappels), des techniques qui sont de plus en plus exceptionnelles et qui, au Luxembourg, tenteraient de "réserver" les postes vacants pour les chômeurs luxembourgeois. L’assignation a cependant l’avantage d’être une technique d’ "activation" peu coûteuse. Toutefois, afin d’éviter d’avoir à assigner trop souvent les demandeurs peu employables à des postes vacants, il faut développer d’autres méthodes d’ "activation", souvent plus coûteuses (augmenter le financement du SPE).

A ce sujet, l’OCDE suggère également de définir des indicateurs de performance plus pertinents, à savoir le nombre de placements et de retours à l’emploi plutôt que le nombre d’assignations, ainsi que d’envisager la possibilité de recours à des prestataires privés. Pour que ces derniers jouent un rôle important, il faut leur donner la responsabilité globale pour le placement d’un groupe défini de chômeurs et mesurer les résultats obtenus.

4. Renforcer les outils d’activation et les tests de disponibilité

En matière de mise en œuvre des critères d’éligibilité, il s’agira de développer un plan d’action et l’exigence de recherche active (la nouvelle convention d’activation individualisée va dans ce sens), de développer les outils d’activation du type "techniques de recherche d’emploi", "période d’essai", etc.

Par ailleurs, il est recommandé d’aménager le cadre législatif: introduire ou revoir les questions de la disponibilité pour le marché du travail, de la définition de l’emploi approprié, du comportement par rapport au SPE ou dans l’entretien d’embauche. La réussite du modèle luxembourgeois - avec prestations généreuses mais une régulation sociale serrée des flux sur le marché du travail - suppose que le chômeur n’a pas le choix d’accepter un poste ou non. Selon le personnel du SPE et les employeurs, les chômeurs ont souvent des attitudes et des comportements très différents. Cependant, ce règlement strict sur l’emploi approprié, ne précise pas la notion de disponibilité et la possibilité de sanctionner en cas de projet professionnel irréaliste, de faux détails fournis à l’inscription, de comportements tendant à faire échouer les entretiens d’embauche, etc.

Une autre piste de réflexion à creuser serait la création d’un statut temporaire pour certains chômeurs qui doivent suivre un traitement social, tout en appliquant les critères d’éligibilité aux autres demandeurs d’emploi,.

5. Réformer les mesures et programmes du marché du travail

Le recours aux mesures a beaucoup augmenté depuis 1992 et il y a eu une croissance rapide en volume après 1997 malgré une conjoncture favorable jusqu’en 2001. Il s’agit surtout d’emplois publics ou emplois privés subventionnés. Cependant, les mesures ont certains effets "d’appel", de "rétention" et de "carrousel". C’est pourquoi, il convient d’éviter dans la mesure du possible l’orientation de bénéficiaires aptes pour le premier marché de l’emploi vers des activités n’offrant que peu d’issues vers ce marché. Le ministre du Travail et de l’Emploi a néanmoins souligné que ce problème de passages "de mesure en mesure sans jamais (ré-)intégrer le marché classique du travail" est reconnu et que le dispositif de nouvelles mesures en faveur des jeunes entré en vigueur le 1er juillet 2007 tente en partie de résoudre ce problème.

Après avoir recueilli de premières réactions de la part des partenaires sociaux et des représentants de la Chambre des députés, le ministre François Biltgen a présenté à son tour quelques conclusions politiques qu’il tire de l’audit et qui vont faire l’objet de discussions dans les semaines à venir avec l’ensemble des acteurs concernés.

D’emblée, le ministre a souligné qu’une partie des idées ont déjà été transposées dans le cadre du projet 5611. Les pistes de réflexion qui restent à creuser tournent tout d’abord autour de la question de savoir comment l’ADEM peut travailler de manière plus flexible afin de pouvoir s’adapter plus rapidement aux évolutions sur le marché du travail (p.ex. idée de changer le statut de l’ADEM en celui d’un établissement public). Non seulement le ministère du Travail et de l'Emploi, mais également les partenaires sociaux de leur côté devraient pouvoir acquérir plus de responsabilités par rapport à la définition des tâches de l’ADEM.

Afin de développer une meilleure transparence du marché et de la gestion des demandeurs d’emploi, des systèmes administratifs informatisés performants devraient être mis au point et ce également en vue d’une meilleure interconnexion des politiques de l’emploi avec l’école et le monde économique. Il s’agira en outre de réfléchir sur la façon de laquelle le secteur de l’Interim pourrait mieux être impliqué. Il sera primordial de travailler de manière plus individualisée avec les demandeurs d’emploi et la nouvelle convention d’activation répond déjà en partie à cette exigence.

En raison d’un sous-financement apparent de l’ADEM, François Biltgen a insisté sur la nécessité d’investir dans ce service public. Le gouvernement est déjà en train de planifier de nouvelles infrastructures, mais un effort resterait à faire en ce qui concerne le personnel insuffisant qui est actuellement à disposition de l’ADEM. Finalement, le ministre a rappelé l’importance de la réalisation d’études sur le marché de l’emploi, qui font actuellement encore largement défaut.

La version finale et complète du rapport peut être téléchargée sur le site Internet de l’OCDE.

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