Digital conference: préparer les citoyens européens aux emplois de demain

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    Xavier Bettel; Andrea Nahles; Nicolas Schmit; John Straw
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    Xavier Bettel, Premier ministre, ministre d’État
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    Nicolas Schmit, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire

Dans le cadre de la présidence européenne, une conférence organisée par le ministère luxembourgeois du Travail, avec le soutien de la Direction Générale pour l’emploi, les affaires sociales, compétences et mobilité de la Commission européenne et PwC, a évoqué les enjeux de la numérisation de l’économie sur l’emploi.

A cette occasion, la nécessité de mieux anticiper les évolutions, les besoins en compétences, mais aussi les impacts sur l’emploi et le modèle social européen, a été mise en évidence. Il est dès à présent important de préparer les citoyens pour les emplois de demain.

Le Commissaire européen pour une économie et une société digitale a fait part de son souhait d’organiser une conférence interministérielle le mois prochain au Luxembourg, afin de mieux appréhender ces enjeux à l’échelle de l’Union européenne.

Dans le cadre de présidence luxembourgeoise de l’Union européenne, ces mardi 10 et mercredi 11 novembre, une conférence a évoqué les nombreux enjeux de la digitalisation de l’économie sur l’emploi. Organisé par le Ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire, avec le soutien de la Direction Générale pour l’emploi, les affaires sociales, compétences et mobilité de la Commission européenne, cet événement entendait entamer une réflexion sur les risques et les opportunités de la digitalisation, au cœur du marché unique. "Si nous pensons que nous ne devons pas transformer notre économie par crainte de perdre des emplois, il faut se dire que d’autres réaliseront cette transformation, nous emmenant vers une impasse en matière de compétitivité. Il est donc important que nous nous inscrivions dans ce processus de transformation, en comblant notre retard sur certains, et en saisissant les opportunités qu’il présente, pour l’économie et l’emploi", a précisé Xavier Bettel, Premier ministre luxembourgeois, en guise d’introduction à cette conférence. 

La technologie, source d'opportunités avant tout

Comme l’ont rappelé différents intervenants, la technologie est aujourd’hui omniprésente dans nos vies. Elle transforme notre quotidien, et ce de plus en plus rapidement. Au-delà, elle a des impacts sur notre manière de travailler, sur notre rapport au travail. Offrant des possibilités d’automatisation, plus de flexibilité, elle se place au service de la compétitivité. L’ensemble des intervenants - autorités politiques, chercheurs, employeurs, représentants des travailleurs, etc. – s’accordent à dire qu’il est nécessaire de poursuivre un effort soutenu de numérisation de l’économie européenne.

Les évolutions technologiques en cours, de la réalité virtuelle à l’intelligence artificielle, en passant par le big data, l’impression 3D ou la robotique, doivent nous inviter à repenser notre économie et la manière dont nous développons des activités, pour renforcer notre industrie et créer de nouveaux services. Les acteurs économiques se transforment, trouvent des nouveaux leviers d’amélioration de la productivité, perfectionnent leurs services, en développent de nouveaux. "L’impact de cette transformation digitale s’étendra à toutes les dimensions de la société. Dans ce contexte, nous devons aussi nous demander quel sera le rôle de l’humain au cœur de cette future économie, a précisé Andrea Nahles, ministre allemande du Travail et des Affaires sociales. Nous devons être actifs vis-à-vis de ces enjeux, pour en saisir les opportunités, mais sans oublier de penser à l’humain."

Adapter les compétences et le modèle social

Les enjeux, en matière d’emploi, sont nombreux et cruciaux. D’une part, cette numérisation de l’économie, pour devenir effective, a besoin de compétences nouvelles. D’autre part, elle n’est pas sans impact sur le marché du travail. S’il est difficile de prédire dans quelle mesure elle créera ou détruira de l’emploi,  on sait qu’elle exigera de pouvoir adapter les compétences aux besoins. Les études révèlent une tendance à la polarisation de l’emploi, avec une préservation de postes qualifiés et d’autres ne nécessitant que peu ou pas de qualifications. Les emplois se trouvant entre les deux étant plus sensibles. Compte tenu des évolutions, les emplois créatifs et dédiés aux soins de santé semblent moins touchés que d’autres, même s’ils seront eux aussi amenés à évoluer.

Le modèle social européen ainsi que l’organisation du travail devront  être adaptés. De nouvelles formes d’organisation existent. La technologie octroie plus de flexibilité, permet une plus grande mobilité des travailleurs. On voit émerger, avec des acteurs comme Uber, de nouvelles organisations du travail, s’éloignant du modèle salarial traditionnel avec des travailleurs indépendants et autonomes. Cela n’est pas sans conséquence pour la viabilité du modèle social européen et a des impacts sur le droit du travail. Tout cela doit être compris et adapté. Mais, pour bien faire, cela exige une meilleure anticipation des évolutions. 

Placer l'humain au coeur de la stratégie de numérisation

"A l’heure actuelle, la manière d’aborder les enjeux de numérisation de l’économie est avant tout technique. Il est important, dès aujourd’hui, de la penser très sérieusement en considérant sa dimension humaine, son impact sociétal", explique le Prof. Dr. Daniel Buhr, professor for Policy Analysis and Political Economics à l’Université de Tübingen. Face aux risques de polarisation de la force de travail, selon que les développements à venir iront en faveur d’une plus grande automatisation du travail ou d’une plus grande spécialisation, il insiste sur la nécessité d’inscrire l’innovation portée par le numérique dans un cadre d’innovation sociale et industrielle. "L’industrie 4.0 devra être envisagée comme une innovation sociale, autrement dit, il faut qu’elle soit largement acceptée comme une avancée par l’ensemble des dimensions de la société. L’industrie 4.0 ne concerne par que les outils, mieux connectés, capables d’interagir entre  eux, mais aussi les humains, qui doivent y prendre part. Il faudra penser l’organisation du travail, en veillant à y placer chacun, afin que cette transformation puisse profiter au plus grand nombre."

Transformer l'éducation, miser sur la formation continue

Pour réussir la transformation numérique tout en préservant l’emploi, l’enjeu est de pouvoir adapter les compétences, de les faire évoluer. En 2020, 90% des emplois exigeront de disposer de compétences numériques. L’éducation et la formation professionnelle continue ont un rôle clé à jouer. L’enseignement doit s’inscrire plus encore dans la perspective de l’émergence d’une économie digitale, en se repensant en profondeur. A ce niveau, le Fonds Social Européen soutient des projets qui visent à créer des compétences adaptées et transversales, pour des emplois de qualité, durables, en veillant à effacer les inégalités. Le FSE soutient à la fois des projets internationaux visant le développement de compétences à court terme, tout en prônant la mise en œuvre d’une approche à plus long terme qui pourra se traduire dans les programmes d’enseignement. Les compétences clés d’avenir seront sans doute l’intelligence relationnelle, la capacité à développer des réseaux, la polyvalence et l’autonomie. La créativité, la capacité à entreprendre, à trouver des solutions à des besoins complexes seront aussi des compétences clés. Il revient aux Etats de soutenir les travailleurs dans cette quête d’épanouissement, de pourvoir à leur éducation, de leur offrir la possibilité de se former tout au long de la vie, de les accompagner dans le changement. "A l’avenir, 75% de la valeur créée dépendra de notre capacité à transformer notre industrie et nos métiers", a notamment précise John Higgins, Director General of DIGITALEUROPE. "Considérant qu’aujourd’hui 40% des postes vacants le restent par manque de compétences, il faut mieux envisager le voyage entre l’enseignement et l’emploi, entre le monde de l’éducation et l’entreprise."

Les défis sont nombreux. L’Europe comme ses Etats membres doivent en prendre conscience et réagir rapidement. Des initiatives, au niveau de divers Etats, ont déjà vu le jour. Au Grand-Duché de Luxembourg, on peut par exemple citer le programme Digital 4 Education, qui vise à créer une école et des programmes d’éducation plus orientés vers le digital.

Mieux coordonner ces enjeux à l'échelle de l'UE

C’est au Commissaire européen pour une économie et une société digitale qu’est revenu l’honneur de conclure cet événement. "La révolution que nous vivons, et qui transforme nos vies, n’est pas triviale. Elle concerne des citoyens, des familles, des emplois. Une nouvelle histoire sur la manière dont le digital transforme les métiers s’écrit chaque jour. Je reste persuadé, toutefois, que les bénéfices sociaux apportés par la numérisation de l’économie seront plus nombreux que les coûts. Il ne faut toutefois pas sous-estimer les défis. Il faut pouvoir développer un large débat, avec les partenaires sociaux, à l’image de ce qui a été initié en Allemagne, afin de pouvoir anticiper et adapter le cadre, dans le souci du bien-être de tous et afin de renforcer notre compétitivité, a commenté Günther Oettinger. Soulignons aussi les efforts en matière de formation et d’adaptation des compétences qui doivent être réalisés pour répondre à ces enjeux. Le Commissaire européen a fait part de son souhait d’organiser une conférence interministérielle, le mois prochain, au Luxembourg, afin de mieux coordonner la réponse à apporter aux problématiques évoquées à l’échelle de l’Union européenne, et ce dès 2016, avec le soutien du FSE." 

Nicolas Schmitt, ministre luxembourgeois du Travail, a ponctué cette conférence, en évoquant la nécessité de créer, dès à présent, le cadre permettant de guider et d’appréhender les évolutions à venir, de développer une nouvelle dynamique, créatrice d’emplois et de valeurs."Tout cela ne sera possible que si l’on s’appuie sur un marché unique fort, a précisé le ministre. Les efforts d’adaptation sont considérables. Il faut, dès à présent, penser à faire évoluer la législation du travail. C’est aussi un défi. L’Etat à un rôle important à jouer dans la transition qui s’opère aujourd’hui, dans la transformation de la vie économique, pour la faciliter mais aussi pour assurer la préservation des aspects sociaux."

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