Quelques idées simples pour l'agriculture européenne

Des critiques, plus insistantes ces derniers temps, veulent que la politique agricole commune (PAC) soit responsable de beaucoup de situations difficiles en Europe, mais aussi dans le monde. Les media reprennent souvent à leur compte certaines de ces critiques, sans le recul nécessaire.

On accuse la PAC de provoquer la surproduction. C’est inexact. Les montagnes de beurre et de lait en poudre appartiennent au passé. La PAC a su maîtriser ses productions, tout en permettant des importations toujours croissantes. L’Union européenne est un grand importateur de produits agro-alimentaires. Nous sommes loin de la "forteresse Europe". Le stockage, quand il existe, obéit à des motifs strictement sanitaires ou à des situations purement conjoncturelles et limitées.

On prétend également que la PAC, productiviste, encouragerait la pollution. Si l’Europe a adopté un modèle de ce type dans les années soixante, c’est d’abord, ne l’oublions pas, pour nourrir la population d’un continent qui n’était pas alors autosuffisant. L’Europe a cherché à améliorer la productivité de son agriculture. Le productivisme, c’est autre chose. Le renforcement de sa compétitivité était à ce prix. Mais aujourd’hui, se développent aussi des pratiques d’agriculture raisonnée, et il y a plus de dix ans déjà que l’Union européenne a développé les mesures agri-environnementales confirmées par les décisions prises dans le cadre de l’Agenda 2000. Dès la réforme de 1992, poursuivie par l’Agenda 2000, l’adaptation à une agriculture durable a été constante, en maintenant la compétitivité sur les marchés et en contribuant à la sauvegarde du milieu rural et des paysages, tout en cherchant à mieux répondre aux exigences des consommateurs.

On laisse entendre, par ailleurs, que la PAC serait responsable de la crise de la vache folle. Or, en réalité, c’est l’insuffisance et non l’excès de politique européenne qui en a favorisé la propagation. Bien au contraire, la qualité des produits n’a cessé de s’améliorer depuis des décennies. Les produits sont plus sûrs aujourd’hui qu’il y a vingt ans ! C’est la réactivité du consommateur qui est devenue plus forte, et c’est une bonne chose.

On répand encore que la PAC coûterait trop cher à l’Europe. Une fois de plus, il ne faut pas se tromper. Le cadre budgétaire défini à Berlin est très largement respecté, et le soutien à l’agriculture représente moins de 1% des dépenses publiques de l’Union et des Etats membres, contre 1,5% aux Etats-Unis.

Certains avancent que la PAC serait responsable de la faim dans le tiers-monde. Il faut savoir garder raison. Les agricultures de nombre de ces pays, en particulier en Afrique, ont avant tout vocation à assurer l’autosuffisance alimentaire. Celle-ci est gravement mise à mal par la destruction des agricultures traditionnelles, qui provoquent une hausse des importations et accroissent ainsi l’endettement de ces Etats. Quant aux cultures comme le cacao ou le café, elles sont tributaires du système des bourses de matières premières, qui n’ont rien à voir avec la PAC.

Arrêtons donc les faux procès ! Soyons légitimement fiers du chemin accompli depuis quarante ans. Nous pourrons alors construire ensemble l’avenir de notre agriculture. Nous souhaitons y apporter une contribution constructive, dans le respect du calendrier défini à Berlin.

Réglons, tout d’abord, les problèmes concrets qui se posent dans un certain nombre de filières de production et corrigeons les déséquilibres observés. 

Réaffirmons également que les paysans doivent pouvoir vivre du prix de leurs productions et assumer les charges liées aux exigences environnementales, à la sécurité sanitaire de l’alimentation et à la qualité des produits.

Réconcilions, ensuite, les paysans avec la société, car elle a besoin de producteurs sereins et confiants dans l’avenir, en nombre suffisant pour assurer l’équilibre économique de tous nos territoires et entretenir la diversité de nos paysages, qui signent l’identité de l’Europe.

Mettons, enfin, en place une politique ambitieuse de développement rural, de gestion de l’espace et d’incitations agri-environnementales, qui fonctionne mieux qu’aujourd’hui, et soit moins bureaucratique et plus efficace.

Surtout, soyons fiers de construire ensemble une politique agricole qui corresponde à la vision que nous avons de notre civilisation européenne. C’est ce que nous appelons notre modèle agricole européen, validé à Berlin.

Pour nous, les produits agricoles sont bien plus que des marchandises : ils sont le fruit de l’amour d’un métier et d’un terroir, que de nombreuses générations ont façonné.

Pour nous, l’Europe ne saurait être une forteresse isolée dans le monde, qui se protégerait derrière des remparts illusoires et désuets. Elle doit être fière de son modèle de civilisation rurale, qu’elle doit davantage expliquer et faire partager. Elle a su montrer la voie, grâce à son initiative "tout sauf les armes" que d’autres pays seraient bien inspirés de suivre.

Pour nous, les paysans ne doivent pas devenir la "variable d’ajustement" d’un monde déshumanisé et standardisé. Nous les tenons pour des acteurs à part entière de notre société.

Oui, nous avons pour l’Europe l’ambition d’une agriculture moderne dans laquelle les hommes et les terroirs garderont toute leur place. Seul le respect de ces principes pourra donner demain à l’Europe élargie la politique agricole dont elle a besoin.

Fernand Boden
Ministre luxembourgeois de l’Agriculture,
de la Viticulture
et du Développement rural

Miguel Arias Canete
Ministre espagnol de l’Agriculture,
de la Pêche et de l’Alimentation

Wilhelm Molterer
Ministre autrichien de l’Agriculture et des Forêts,
de l’Environnement et des Eaux

Armando José Cordeiro Sevinate Pinto
Ministre portugais de l’Agriculture, du Développement Rural
et des Pêches

Hervé Gaymard
Ministre français de l’Agriculture, de l’Alimentation,
de la Pêche et des Affaires Rurales

José Happart
Ministre de l’Agriculture,
et de la Ruralité de Wallonie

Joe Walsh
Ministre irlandais de l’Agriculture et de l’Alimentation

Communiqué par le ministère de l’Agriculture

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