Rapport national sur l'état du phénomène de la drogue au Luxembourg (RELIS - Edition 2003)

Depuis sa création en 1994, le Point focal luxembourgeois de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) œuvre au développement d’un réseau national d'observation en matière de drogues et de toxicomanies, connu sous le nom de Réseau luxembourgeois d'information sur les stupéfiants et les toxicomanies (RELIS). Il publie annuellement le rapport national sur l’état du phénomène de la drogue au Grand-Duché de Luxembourg.

Indicateurs et tendances actuelles

Une croissance décélérée non généralisée

L’ampleur de la population d’usagers problématiques de drogues illicites (UPDs) se mesure à partir d’une série d’indicateurs provenant des domaines de la réduction de la demande et de la réduction de l’offre de drogues.

Les travaux de recherche les plus récents permettent d’estimer à 2.500 le nombre d’usagers problématiques de drogues sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg. Si pendant les années 90 la prévalence de l’usage problématique de drogues a connu une croissance rapide, on assiste actuellement à une évolution décélérée, voire une certaine stabilité au niveau de la population d’UPDs. Une tendance qu’il s’agit cependant de nuancer.

Une stabilisation s’observe en effet au niveau du nombre de saisies, d’arrestations et de condamnations à des peines de prison en relation avec des infractions à la législation sur les stupéfiants. Les nombres de procès verbaux et de prévenus pour les mêmes motifs continuent cependant à augmenter.

Le nombre de personnes enregistrées par les services nationaux de traitement des toxicomanies connaît une certaine stabilité depuis 4 années consécutives (1.448 en 2002). Au cours des dernières années le nombre de personnes en traitement de substitution n’a guère évolué et se situait autour de 1.000 patients en 2002. Un image toute autre se dégage des statistiques d’admission des services bas-seuil. Le nombre de contacts enregistrés par ce type de structures connaît une croissance importante depuis plusieurs années (28.319 contacts en 2002) ce qui est en relation directe avec l’augmentation continue du nombre de seringues distribuées annuellement par les partenaires du programme d’échange de seringues (217.715 seringues distribuées en 2002).

Un profil de consommation en pleine mutation

La diminution de l’âge moyen d’initiation aux drogues illicites, la tendance générale à la poly-consommation, le passage plus précoce à l’usage intraveineux et l’accélération des carrières toxicomanes dans certains groupes de consommateurs ont contribué à accélérer et à accroître la dépendance sociale et financière de ces derniers. De concert avec d’autres facteurs moins apparents, cette évolution a contribué à ce que le problème de la marginalisation sociale, et en particulier celui des sans abri, est devenu indissociable des comportements d'abus de drogues tout en s’entretenant mutuellement.

Les opiacés continuent à constituer le produit préférentiel des usagers problématiques (pour la plupart polyconsommateurs) répertoriés par le réseau institutionnel. La proportion de jeunes ayant déjà consommé du cannabis au cours de leur vie ainsi que le nombre de personnes en contact avec le réseau institutionnel spécialisé pour usage problématique de cannabis témoignent d’une hausse sensible. La hausse des indicateurs de consommation de cannabis au Grand-Duché est d’ailleurs en accord avec les tendances observées au sein d’autres Etats membres de l’UE. Aussi, une recrudescence de l’usage de cocaïne semble se confirmer alors que rien ne permet de constater une évolution significative de la consommation de drogues synthétiques de type "ecstasy" parmi les jeunes et les moins jeunes.

L'âge moyen des usagers recensés est passé de 28 ans et 4 mois en 1995 à 29 ans et 5 mois en 2002. L’écart entre les usagers les plus jeunes et les plus âgés s’accroît. On est confronté à une situation fort polarisée à savoir un vieillissement de la population d’injecteurs de longue date et une diminution sensible de l’âge des "nouveaux" usagers problématiques. On retiendra entre autres l’augmentation de la proportion de mineurs parmi les prévenus pour infraction(s) STUP (5,1%) et parmi la population totale d’usagers problématiques. Respectivement 87% et 45% des usagers problématiques actuels ont consommé du cannabis et de l’héroïne (par voie i.v.) avant d’avoir atteint l’âge de 18 ans. En 1995 ces mêmes proportions étaient de  71% et de 23% .

La proportion de ressortissants étrangers au sein de la population toxicomane nationale a connu une nette progression entre 1998 (18%) et 1999 (48%) suivi d’une stabilisation à niveau élevé en 2002 (42%). La population des non-luxembourgois(es) est principalement composée de ressortissants portugais (45%) dont la proportion est nettement supérieure à celle observée au niveau de la population générale.

Le regroupement des personnes selon leur provenance géographique fait apparaître que les cantons du sud (40,8%) et les cantons du centre (39,3%) figurent en première position. Les cantons du nord continuent cependant leur progression des années précédentes (14,1%).

Morbidité et mortalité liées à la consommation de drogues

Décès par surdose en baisse et taux d’infection à l’hépatite C en hausse

En termes épidémiologiques les taux d’infection au HBV (hépatite B), la prévalence de l’HIV et des cas de SIDA déclarés n’évoluent guère. Cependant l’infection au HCV (hépatite C) est en nette progression et tend à se rapprocher de la moyenne européenne ce qui n’est nullement le cas pour le taux d’infection HIV et le nombre de cas de SIDA déclarés qui tous deux figurent parmi les plus bas au sein de l ‘UE.

Le nombre de décès par surdosage au Grand-Duché de Luxembourg atteignait un total de 26 personnes en 2000 pour ensuite redescendre graduellement à 11 cas en 2002, ce qui équivaut à un taux de 4,10 cas par 100.000 habitants âgés 15 à 64 ans. Les données médico-légales démontrent que l’héroïne, associée par la plupart du temps à d’autres substances psycho-actives,  est le produit le plus impliqué dans les décès par surdosage. En termes de drogues associées détectées lors des analyses sanguines des victimes, on retiendra avant tout la cocaïne et la méthadone. A souligner que depuis les dernières années la cocaïne se trouve de plus en plus fréquemment associée aux décès par intoxication aux opiacés. Des cas d’intoxication létale aux produits du type ecstasy n’ont pas été rapportés à ce jour.

En 2002, 16 cas de décès indirects liés à la consommation de drogues illicites ont été enregistrés. Les principales causes de décès indirects entre 1996 et 2002 sont par ordre d’importance: suicide (32%), accident de la circulation (22%), complications cardio-vasculaires ou pulmonaires (13%), intoxications non-définies (11%), toxicodépendance (8%), maladies du foie (6%) et HIV/SIDA (5%).

Disponibilité et qualité des drogues illicites au niveau national

Disponibilité accrue à prix réduit

Suite à l'ouverture des frontières, on a assisté à une transition de réseaux de distribution restreints entretenus par les consommateurs eux-mêmes à des réseaux de distribution plus organisés. Plus récemment on a observé une prolifération de ressortissants de l’Afrique de l’Ouest impliqués dans le trafic de drogues. S’appuyant sur des stocks importants de produits variés, les revendeurs sont organisés en groupes et contribuent à augmenter de façon significative la disponibilité de drogues sur le marché national.

Les sources d’approvisionnement suggèrent également que la disponibilité d’opiacés sur le marché national s’est accrue. Si en 1996, 9% des usagers déclaraient s’approvisionner exclusivement à l’étranger, cette même proportion équivaut à 6% en 2002. Au cours de cette même période le prix de vente de l’héroïne a diminué.

Les prix moyens d'unités de consommation courantes de la cocaïne et des substances de type ecstasy ont également diminué au cours des 7 dernières années. Les produits dérivés du cannabis sont les seuls à afficher une hausse modérée du prix d’acquisition au cours de la même période.

En termes de pureté, les échantillons de substances suspectes, analysées par le Laboratoire national de santé, permettent de constater une augmentation du taux de THC dans les produits dérivés du cannabis, une diminution de la pureté de l’héroïne et une qualité assez stable pour la cocaïne.

Stratégie nationale et état d’avancement du plan d’action 2000 - 2004

Une croissance budgétaire remarquable face à un plan d’action ambitieux

Le ministère de la Santé est compétent en matière d’activités de réduction de la demande de drogues. Les jalons stratégiques en la matière furent posés par l’élaboration du plan d’action 2000-2004 par le bureau du coordinateur national "Drogues" mandaté par le ministre de la Santé. Le plan d’action 2000-2004 constitue l’aboutissement du processus de concertation bilatérale entre le ministère de la Santé et les intervenants de terrain en matière de besoins en infrastructures spécialisées, en ressources financières et humaines, en réseaux de collaboration et du développement des activités de recherche et ce, à la lumière des priorités retenues par la déclaration gouvernementale de 1999. Le volet de la prévention primaire fut introduit dans une deuxième phase en 2002.

Le budget global du ministère de la Santé alloué aux services et programmes du domaine des drogues et des toxicomanies, est passé de 1.270.169 EUR en 1999 à 2.065.511 EUR en 2000, suite au regroupement des associations spécialisées par le ministère de la Santé. En 2003, ce même budget a atteint 4.861.841 EUR ce qui équivaut à un taux de progression de 283% en référence à l’année 1999. Le projet de budget 2004 prévoit 5.847.938 EUR ce qui représente une croissance supplémentaire de 20,28% en référence à l’exercice 2003. Cette croissance est en relation directe avec la mise en œuvre du plan d’action 2000 - 2004 du ministère de la Santé.

Les efforts déployés par les départements compétents du ministère de la Santé et les intervenants de terrain ainsi qu’une croissance budgétaire remarquable, qui a par ailleurs pu profiter de contributions complémentaires d’autres partenaires tel que le Fonds de lutte contre le trafic des stupéfiants, ont permis déjà en 2003 la réalisation de plus de 80% des projets retenus initialement au plan d’action 2000 - 2004. L’évaluation du plan d’action en 2004 posera ensuite les jalons pour l’élaboration des stratégies futures.

(communiqué par le ministère de la Santé)

Dernière mise à jour