Comment intéresser les femmes aux filières scientifiques ?

Dans le cadre du projet de sensibilisation des femmes aux métiers de l'ingénierie "Ada Lovelace", présenté lors des Portes ouvertes de l’ancien Institut supérieur de technologie, le samedi 24 avril, Sylvie Kerger, psychologue, doctorante en psychologie à l’Université de Nancy 2, et chargée de cours à l’Université du Luxembourg a présenté les premiers résultats de sa recherche doctorale sur le thème "Comment intéresser les femmes aux filières scientifiques ?".

Le choix professionnel et le choix des filières montrent que filles et garçons optent pour des sections différentes. Ainsi pour l’année scolaire 1999/2000, 82% de filles choisissent la section A1 (langues vivantes) contre 18% des garçons. La situation inverse se présente pour la section B (mathématiques science physique) composée de 77% de garçons et de 23% de filles. De même, au Lycée technique, les divisions électrotechnique et informatique sont choisies à plus de 95% par les garçons.

Pourtant, les intérêts et les performances cognitives des filles et des garçons se rejoignent et les différences intrasexes sont même souvent plus grandes que les différences intersexes.

D’où viennent ces différences de choix scolaire si prononcées entre les filles et les garçons ? Sont-elles d’origine biologique ou bien les différences sont-elles le fruit d’un apprentissage social et de l’intériorisation de stéréotypes attribués à l’un ou l’autre sexe ?

Une troisième possibilité serait l’interaction entre facteurs innés et sociaux. Il existerait donc de faibles différences biologiques entre filles et garçons dès la naissance, qui seraient amplifiées par l’environnement social et éducatif. Cette hypothèse est soutenue par des chercheurs, réalisant des études dans le domaine de la sociologie et des neurosciences (Baron-Cohen, 2003; Bischof-Köhler, 2002).

Partant de cette troisième hypothèse, environ 300 enfants, filles (160) et garçons (135), en provenance de différentes orientations scolaires et âgés en moyenne de 14 ans ont été soumis à un test cognitif et interrogés quant à leurs intérêts pour certaines branches scientifiques.

Bien que les garçons obtiennent, en moyenne, des résultats significativement meilleurs au test de rotation mentale (MRT), et que les filles sont, en moyenne, meilleures au test verbal, ces différences sont plutôt faibles et ne permettent pas d’expliquer les différences entre les choix des filières et les orientations professionnelles (Kerger, 2003).

Donc, si la performance ne joue pas un rôle aussi important, on se pose la question comment on pourrait intéresser les filles aux branches scientifiques ? Todt (2000) a mené des recherches sur les contextes de présentation des branches scientifiques. En se basant sur ces résultats, Sylvie Kerger a introduit des branches scientifiques comme la biologie, l’informatique, les sciences statistiques et la physique dans des contextes dits masculins et des contextes dits féminins.

Exemples de branches présentées dans un contexte dit féminin ou dit masculin:

  • En biologie: Examiner quelles parties de la langue sont les plus sensibles à différents goûts. (contexte féminin). Ce qu’on peut apprendre de la photosynthèse pour la construction de bateaux (contexte masculin).

  • En informatique: Apprendre comment faire le design de vêtements par ordinateur (contexte féminin). Réfléchir comment on peut améliorer la graphique de l’ordinateur (contexte masculin).

Les résultats montrent que la présentation de ces branches scientifiques dans des contextes féminins augmente significativement l’intérêt des filles pour chacune de ces branches, jusqu’à rejoindre celui des garçons. Ce résultat est intéressant, car ainsi on pourrait augmenter l’intérêt des filles dans ces matières en changeant le contexte de présentation (Kerger, 2003).

Une voie possible pour influencer ce choix traditionnel serait donc de neutraliser davantage les branches dites du domaine masculin afin d’attirer plus de filles vers ces orientations scientifiques, afin d’intéresser plus de filles à ces matières.

Ces premiers résultats du projet doctoral de Sylvie Kerger montre que, les performances ne jouent pas un rôle primordial dans les choix des filières, mais que la cause serait plutôt à chercher au niveau des intérêts qu’ils soient d’origine biologique et/ou d’origine sociale. Donc, pour influencer les choix, il faudrait diminuer les pressions sociales, qui associent les branches scientifiques plutôt à une population masculine, et adapter les contenus des branches aux intérêts actuels de la majorité des filles.

Ceci étant dit, plus tard, le choix professionnel des femmes dépendra, en dehors de leurs intérêts personnels, d’une multitude d’autres facteurs comme l’environnement de travail, l’organisation du temps de travail, la disponibilité d’une structure d’accueil pour enfants ou encore de la négociation de la gestion des sphères publiques, domestiques et privées entre partenaires.

(communiqué par le ministère de la Promotion féminine)

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