Le ministre du Travail et de l'Emploi François Biltgen au sujet de la délivrance d'une autorisation de travail à une employée de maison de nationalité philippine au domicile privé de la commissaire européenne Viviane Reding à Luxembourg

Depuis un certain temps, certains organes de presse luxembourgeois font état d’une autorisation de travail pour une employée de maison de nationalité philippine que la commissaire européenne Viviane Reding aurait obtenue apparemment indûment par le ministre du Travail et de l’Emploi.

Le ministre du Travail n’y a pas réagi à ce jour et ceci pour différentes raisons.

Tout d’abord aucun des organes de presse qui ont lancé respectivement relancé dans la suite le dossier ne lui ont sollicité une prise de position avant mardi soir, 4 janvier.

Par ailleurs, le ministre n’entends pas réagir en règle générale, si un article le concernant est publié dans un journal satirique dont les lecteurs et a fortiori un homme politique doivent accepter que le reportage bénéficie d’une latitude certaine.

Enfin, pour des raisons évidentes de protection de la vie privée, il n’est pas dans les habitudes du ministre de réagir par rapport à des dossiers concernant des cas individuels.

Il va sans dire que le ministre se tient toujours prêt à répondre à toute demande que la Chambre des députés lui adresserait dans le cadre de sa mission de contrôle du gouvernement. Il reste à soulever que la question parlementaire dont fait état la presse ne lui vient seulement d’être transmise en date de ce jour à 10.52 heures.

Comme le dossier, qui constitue en soi un fait divers luxembourgeois individuel, semble cependant causer des remous dans la presse internationale, le ministre du Travail entend jouer, comme par le passé, la plus grande transparence et fournir les éléments essentiels du dossier.

Tout d’abord, la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l’emploi de la main d’œuvre étrangère a instauré une commission consultative pour assister le ministre. Mais le pouvoir définitif de délivrer des permis de travail reste un pouvoir autonome du ministre du Travail, qui en plus dispose d’une certaine latitude. La loi dispose en effet: "L’octroi et le renouvellement du permis de travail peuvent être refusées au travailleur étranger pour des raisons inhérentes à la situation, à l’évolution ou à l’organisation du marché de l’emploi". Si en règle générale un fonctionnaire du ministère du Travail et de l’Emploi a pris les décisions par voie de délégation de signature pour le ministre, il est normal, selon le droit luxembourgeois, que le ministre peut toujours être sollicité par les requérants, leurs avocats ou encore des tiers se sentant intéressés pour trancher ou revoir personnellement une décision, notamment par voie du recours prévu dans le cadre de la procédure administrative non contentieuse.

La plupart des refus ont reposé soit sur l’absence de déclaration préalable du poste à l’Administration de l’emploi soit sur la présence illégale du ressortissant concerné sur le territoire avant la prise de décision.

En général, le ministre s’est toujours rallié à la proposition de la commission. Il est cependant arrivé que le ministre ait pris en âme et conscience une autre décision que celle proposée respectivement qu’il ait réformé la décision ministérielle initiale. Car même si le ministre du Travail et les services concernés ont toujours essayé de fixer des règles de conduite internes, des différences d’appréciation ont toujours pu naître tant à l’intérieur de la commission qu’avec le ministre, alors que chaque cas a ses propres aspects.

Les demandes de se voir délivrer des permis de travail pour employé(e)s de maison nourri(e)s et logé(e)s, très souvent des ressortissantes philippines, ont effectivement donné lieu à des discussions de principe. Il est vrai que des employé(e)s de maison nourri(e)s et logé(e)s sont extrêmement rares à trouver auprès des services de l’Administration de l’emploi. Mais les services concernés étaient plus que réticents dans ces cas pour avoir observé des cas d’abus manifestes quant aux conditions dans lesquelles les personnes devaient travailler.

Le ministre du Travail, après avoir été nommé en 1999, voulant assouplir pour des cas spécifiques la position de principe tout en fixant des règles, a fait élaborer pour tous les cas de délivrance de permis à titre exceptionnel des conditions strictes d’application et de contrôle (conditions de travail, conditions de rémunération, condition de logement).

Dans le cas repris par la presse, il faut souligner que Madame Reding n’a ni introduit la demande pour le ménage tenu à Luxembourg principalement par son mari, ni surtout est-elle intervenue dans le déroulement de la procédure. Le déroulement du dossier démontre d’ailleurs à suffisance les avatars de telles demandes.

Une première demande fut introduite par le conjoint de Madame Reding le 18 décembre 2003. Elle concernait une employée de maison de nationalité philippine qui avait bénéficié auparavant d’une autorisation de travail en Belgique et que le requérant voulait transférer à Luxembourg. Après examen du dossier, l’avis de la commission consultative en matière de permis de travail fut négatif. La commission proposait simplement un refus pour les raisons suivantes: "priorité à l’embauche de ressortissants communautaires, des demandeurs d’emploi appropriés étaient disponibles sur place, le poste de travail n’avait pas été déclaré vacant". Aucune autre information relatée par la presse ne figure dans l’avis.

Sur appel téléphonique du requérant, le ministre lui signifia oralement qu’il n’allait pas prendre une décision contraire à celle proposée, que la salariée devait quitter le territoire luxembourgeois et rentrer aux Philippines et qu’avant tout autre progrès en la matière, le requérant devait saisir l’Administration de l’emploi d’une déclaration de place vacante. Le ministre communiqua cette position par voie d’email au fonctionnaire en charge du dossier. Le dossier fut finalement retiré vers la mi-février 2004.

Une nouvelle demande fut cependant introduite le 29 juin 2004 faisant état qu’aucune personne n’avait pu être assignée par l’Administration de l’emploi, ce qui a été vérifié par les services du ministère. Comme la salariée visée par la demande était la même que celle visée initialement, le ministre, voulant être sûr que la personne était effectivement rentrée aux Philippines fit savoir par écrit au requérant qu’il devait fournir la preuve (inscription afférente au passeport) que la salariée ne séjournait pas illégalement au Luxembourg. Cette preuve ayant été fournie par la remise d’une copie intégrale du passeport de l’intéressée, le ministre, constatant que les règles qu’il avait lui-même fixées avaient été finalement remplies, adressait effectivement au requérant un accord de principe en vue de délivrer un permis de travail mais seulement sous les conditions suivantes,

  • "conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée ne comportant plus de clause d’essai;
  • déclaration auprès des organismes de sécurité sociale à raison de 40 heures par semaine (minimum);
  • rémunération conforme à la législation luxembourgeoise concernant le salaire social minimum (8,1096 € par heure de travail à l’indice 620,75 de l'échelle mobile des salaires);
  • le logement mis à la disposition de votre employée doit être conforme au règlement grand-ducal du 25 février 1979 déterminant les critères de location, de salubrité ou d’hygiène auxquels doivent répondre les logements destinés à la location (voir copie en annexe);
  • le montant retenu sur le salaire pour le logement et la nourriture ne doit pas dépasser 148,14 € par mois (règlement grand-ducal du 24 décembre 1997 portant fixation de la valeur moyenne des rémunérations en nature en matière d'impôt sur les salaires);
  • le salaire net est à verser mensuellement sur un compte bancaire ouvert au nom de l'intéressée auprès d’une banque établie au Grand-Duché de Luxembourg;
  • les copies des virements effectués sont à tenir à la disposition de mes services ou à envoyer à mes services sur simple demande;
  • dépôt d'une garantie bancaire non limitée dans le temps d’un montant de 1500 € pour garantir les éventuels frais de rapatriement.

Par ailleurs je tiens encore à vous rendre attentif au fait que je me réserve le droit de procéder à tout moment à un contrôle des conditions de travail et de rémunération de l’intéressée."

Un permis de travail fut délivré par la suite.

En résumé, le ministre du Travail souligne qu’il n’a jamais été démarché par Mme Reding et qu’il a pris sa décision conformément à la loi et à ses propres errements.

Le ministre du Travail n’est d’ailleurs plus compétent en la matière depuis le 1er septembre 2004, alors que le nouveau gouvernement, sur proposition e.a. du titulaire du ministère, a décidé, pour des raisons de cohérence accrue, de regrouper toutes les compétences relatives à l’immigration, auparavant occupées par trois ministères, soient regroupées au sein du nouveau département "Immigration" du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration.

Le ministre se tient bien entendu prêt à délivrer ou faire délivrer à la Chambre des députés dans le cadre de ses compétences toute information relative au dossier sous rubrique ainsi qu’à la gestion des permis de travail de 1999 à 2004.

(communiqué par le ministère du Travail et de l'Emploi)

Dernière mise à jour