Bilan de la Présidence luxembourgeoise dans le domaine de l'environnement

I.  Union européenne: dossiers législatifs

Le Conseil Environnement du 24 juin 2005 a dégagé des accords politiques sur les propositions législatives relatives:

  • à l’infrastructure d’information spatiale dans la Communauté (INSPIRE), proposition de directive qui consiste à assurer l’accessibilité à des informations spatiales harmonisées interopérables;

L’accord repose sur les principes suivants:

  • assurer au maximum l’accès au public et le partage entre autorités publiques en ce qui concerne des informations spatiales avec un minimum de possibilités pour respectivement les États membres et les autorités publiques de restreindre l’accès ou le partage des données;
  • garantir la consistance et la cohérence de la future législation avec d’autres législations applicables en la matière et tout particulièrement la directive relative à l’accès du public à l’information en matière d’environnement (2003/4/CE).

Le complément qu’INSPIRE est censé apporter consiste à réglementer les points qui ne sont pas couverts par les directives Aarhus (accès à l’information) et PSI (réutilisation des informations du secteur public), et tout particulièrement le partage des données entre autorités publiques et l’interopérabilité des données.

  • à la protection des eaux souterraines, proposition de directive établissant des mesures spécifiques de prévention et de contrôle de la pollution des eaux souterraines et ceci en complément de la directive cadre "eau" (2000/60/CE) qui constitue la législation de base pour la protection de l’environnement aquatique européen. Il s’agit notamment de définir des critères pour l'évaluation du bon état chimique des eaux souterraines et d’établir des mesures de prévention ou de limitation des rejets de polluants dans les eaux souterraines.

A ce titre, il est prévu que des normes de qualité soient  fixées au niveau communautaire pour certains polluants, alors qu’il revient aux Etats membres de définir des valeurs-seuil pour des polluants constituant un risque particulier en fonction des conditions hydrogéologiques propres au niveau national et/ou régional. En ce qui concerne la question sensible de la pollution par des nitrates, il a été retenu de préserver l’acquis de la directive "nitrates" qui couvre les pollutions en provenance de sources agricoles. La Commission européenne a déclaré qu’un renforcement de la mise en œuvre de la directive "nitrates" est nécessaire, et qu’elle étudiera plus en détail si la directive nitrates est suffisante pour atteindre les objectifs environnementaux contenus dans la directive cadre "eau".

Quant à l’exécution au niveau communautaire de la Convention d’Aarhus, et notamment son 3e pilier, la proposition de directive relative à l’accès à la justice en matière d’environnement a été traitée de manière à respecter les sensibilités politiques en la matière. Il y a lieu de souligner qu’au cours des délibérations deux écoles de pensée ont vu le jour, l’une estimant que cette directive n'était pas opportune à ce stade et l’autre, appuyée par la Commission et une minorité de délégations, considérant cette proposition de directive comme valeur ajoutée notamment dans la mesure où elle permettrait une meilleure mise en œuvre de la législation communautaire en matière d'environnement. La très grande majorité des délégations estime qu’une réglementation communautaire spécifique n’est pas indispensable, alors que la matière est déjà régie de manière satisfaisante par la Convention d’Aarhus elle-même.

Dans le cadre des négociations sur les perspectives financières, la proposition pour un nouvel instrument LIFE+ a été examinée avec un soin particulier. La nouvelle approche intégrée préconisée consiste principalement à contribuer à l’élaboration, à la mise en œuvre, à la surveillance, à l’évaluation et à la communication de la politique communautaire en matière d’environnement. Elle comporte 2 volets, à savoir "mise en œuvre et gouvernance" ainsi que "information et communication". Dans ce contexte, LIFE+ est censé compléter et améliorer d’autres instruments de financement communautaires, tels que les fonds structurels et le fonds de développement rural.

Le problème primordial est la disproportionnalité des moyens budgétaires et tout particulièrement des fonds issus du développement rural et des politiques structurelles par rapport aux besoins des impératifs liés à l’environnement ; dans ce contexte, il faut mettre en relief tout particulièrement les activités de gestion du réseau Natura 2000, lequel est essentiel à la réalisation de l’objectif communautaire d’arrêter la perte de biodiversité d’ici à 2010.

Malheureusement, il échoit de constater qu’à l’heure actuelle les discussions sont dans une sorte d’impasse. Ceci est dû d’un côté à l’incertitude des négociations liées aux perspectives financières qui n’ont pas abouti, et d’un autre côté aux positions divergentes ayant trait à la portée et à l’étendue de la couverture du financement du réseau NATURA 2000, tant par le futur instrument LIFE+ que par d’autres instruments existants.

Un futur Conseil devrait se mettre d’accord sur les deux principes élémentaires suivants:

  • Face aux moyens financiers, somme toute limités, et à l’ampleur des besoins, l’approche intégrationniste implique une réserve financière adéquate allouée aux programmes et projets environnementaux, et en particulier ceux en rapport avec la protection de la biodiversité, dans le cadre d’instruments restructurés comprenant pour vocation également la protection de l’environnement;

  • Partant du constat que le programme LIFE actuel a fait ses preuves en la matière, le remodelage dudit instrument implique un cadre financier adéquat, garantissant la couverture des programmes et projets environnementaux, et en particulier le suivi et le soutien continu des sites NATURA 2000, au delà des imperfections et lacunes inhérentes aux autres programmes communautaires.

En tout état de cause, les discussions menées sous Présidence Luxembourgeoise auront permis de clarifier les intentions de la Commission et les positions des États membres, et d’avoir un aperçu sur les négociations en cours dans d’autres enceintes du Conseil.

Concernant le registre européen des rejets et transferts de polluants, proposition de règlement consistant à faciliter l’accès du public à l'information en matière d'environnement grâce à la mise en place d'un tel registre cohérent et intégré, la Présidence est parvenu à un accord en 1re lecture avec le PE. Ce registre est l’application en droit communautaire d’un protocole signé dans le cadre de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies (CEE-NU) et remplacera le registre européen des émissions de polluants (EPER).

En outre, la Présidence a pu dégager un accord en 2e lecture sur la proposition de directive concernant la teneur en soufre des combustibles à usage maritime qui vise à réduire les effets des émissions de dioxyde de soufre (SO2 ou SOx) et de particules (PM) des navires – et tout particulièrement le phénomène de l'acidification - sur l'environnement et la santé humaine.

II.  Stratégie de Lisbonne

  1. Verdir le processus de Lisbonne en clarifiant, voire étoffant le contenu de la troisième dimension qu’est l’environnement, et
  2. anoblir le développement durable à travers la Déclaration sur les Principes directeurs du développement durable, adoptée par le Conseil Européen de 2005,

telles étaient les deux aspirations de la Présidence luxembourgeoise en la matière.

La dimension environnementale de Lisbonne, rappelée et renforcée dans les conclusions du Conseil européen de mars 2005, se trouve intégrée dans les grandes orientations de politique économique.

Suite aux décisions prises au Conseil européen de Printemps, il appartient maintenant aux Etats membres de mettre en œuvre leurs plans nationaux respectifs dans le cadre de la Stratégie de Lisbonne.

III.  Changements climatiques

Partant du principe que le réchauffement climatique global doit être limité à 2 degrés Celsius par rapport à l’ère préindustrielle, le Conseil a réussi à adopter au mois de mars des conclusions relatives aux stratégies de réduction des émissions à moyen et long terme. Il a notamment affirmé que les émissions mondiales de gaz à effet de serre devraient diminuer considérablement pour parvenir, d'ici à 2050, à une baisse des niveaux qui soit de l'ordre de 15 % au moins, voire même de 50%, par rapport à ceux de 1990. Pour le groupe de pays économiquement avancés, des fourchettes de réduction plus importantes, de 15 à 30% d’ici 2020, et de 60 à 80% à l’horizon 2050, ont été retenues. L’importance de ces conclusions est d’autant plus grande qu’elles ont été réaffirmées presque intégralement quelques jours plus tard par les Chefs d’État et de Gouvernement. Par ailleurs, le Conseil a souligné l’importance d’étudier avec d’autres Parties des stratégies qui permettent de réaliser les réductions d’émissions nécessaires, ainsi que de se lancer dans un dialogue ouvert sur le régime post 2012 avec toutes les Parties à la Convention cadre.

IV.  REACH

La modernisation de la législation européenne en matière de produits chimiques REACH a compté parmi les priorités de la Présidence luxembourgeoise. Au cours de la Présidence luxembourgeoise, de grands progrès concernant l’analyse détaillée de la proposition REACH ont été accomplis. Pendant les six derniers mois, la Présidence est également restée en contact étroit avec le Parlement européen où la proposition REACH est analysée par 9 Commissions et la première lecture en séance plénière y est attendue pour octobre 2005.

Le workshop REACH qui a eu lieu à Luxembourg, les 10 et 11 mai 2005 était un véritable brassage des principaux acteurs concernés par cette proposition de règlement., Parmi les thèmes abordés lors de cet atelier de travail comptent les études d’impact supplémentaires ainsi qu’une amélioration de la praticabilité des processus clés de la proposition de législation telle que visée par les propositions alternatives présentées par certains États membres. Les discussions stimulantes de cet atelier ont permis à la Présidence de mettre en évidence que les substances produites à bas volume (<1 tonne/an) sont plus sensibles à toute charge financière supplémentaire et que les PMEs sont confrontées à de plus grandes difficultés pour implémenter la nouvelle législation, ce qui est dû à leurs ressources limitées.

Le débat d'orientation au Conseil "Compétitivité" en date du 6 juin 2005 a porté sur toute une série de questions à savoir: le rôle à jouer par l'Agence dans le cadre de l'évaluation des dossiers et des substances - particulièrement en ce qui concerne la coopération entre l'Agence et les États membres - ainsi que les conclusions à tirer du travail sur les analyses d'impact de REACH. En ce qui concerne l'évaluation des dossiers, le débat au sein du Conseil a confirmé l'attitude largement positive à l'égard du rôle renforcé de l'Agence tout en rappelant l'importance de garder les capacités nationales en vue de répondre aux défis et de maintenir la capacité en matière d'évaluation des substances susceptibles de présenter un risque pour la santé et/ou l'environnement. En faisant référence aux résultats de l'atelier de travail sur REACH, organisé par la Présidence luxembourgeoise, le Conseil considère en outre que les études d'impact réalisées jusqu'à présent ont pu dégager suffisamment de connaissances pour permettre aux négociations de continuer sur base de la proposition de la Commission en vue d'un système praticable.

Le débat d’orientation au Conseil "Environnement" s’est concentré sur quatre questions principales liées au régime de l’autorisation, un des piliers de REACH. Les ministres y ont souligné l’importance d’appliquer des critères scientifiques et techniques lors de la prise en compte de substances préoccupantes à effets graves et irréversibles et avaient montré une attitude largement positive face à l’établissement d’une liste de substances candidates pour le régime des autorisations. Le débat a par ailleurs confirmé qu’il s’agissait d’encourager davantage la considération de technologies ou de substances alternatives techniquement et économiquement viables avant la prise de décision. Tout en reconnaissant les mérites d’une stimulation du développement de solutions alternatives, le débat a souligné l’importance de tenir compte des contraintes spécifiques en matière de cycles de production lors de l’application de conditions aux autorisations, sans pour autant exclure que ces autorisations soient soumises à des conditions strictes, y compris des limites dans le temps, des périodes de révision et des conditions de suivi (monitoring).

Le but de la Présidence luxembourgeoise était celui de préparer le terrain afin que les Présidences futures, en l’occurrence le Royaume-Uni et l’Autriche, soient en mesure de pouvoir trouver un accord politique au sein du Conseil après la 1e lecture du Parlement européen.

V.  Volet international

Parmi les échéances sur l’échiquier international, il y a lieu de relever en particulier:

  1. la 13e Session de la Commission des Nations unies du Développement Durable (CDD)
  2. le Conseil d'Administration du Programme des Nations unies sur l'Environnement (PNUE)
  3. la 2e Réunion des Parties à la Convention d’Aarhus
  4. la 1re Conférence des Parties à la Convention sur les Polluants Organiques Persistants (Convention de Stockholm)
  5. la 2e réunion des parties au protocole de Carthagène sur la biosécurité

Relevons en particulier dans ce contexte:

  • la 13e session de la Commission de Développement Durable des Nations unies qui a eu lieu à New York du 11 au 22 avril 2005. La CDD assure le suivi de la mise en œuvre des engagements que nous avons pris à Rio en 1992 et à Johannesburg en 2002. La CDD13 a clôturé le premier cycle thématique biannuel selon les nouvelles méthodes de travail telles que retenues par la CDD11.

Ce premier cycle a été consacré à l’eau, l’assainissement et les établissements humains. Si en 2004, lors de la CDD12, il a été procédé à l’examen des obstacles existants dans ces trois domaines, la session en 2005 a été consacrée à l’identification des recommandations politiques et à la prise de décision sur ces recommandations.

Malgré des négociations plus difficiles et complexes que prévues, l’Union Européenne a réussi à intégrer les points jugés prioritaires dans le texte de la résolution, à savoir:

a.) l’importance des questions transversales (cross-cutting issues), essentielles pour dépasser les obstacles communs aux trois thèmes, 

b.) et la nécessité d’une contribution de la CDD pour le Sommet de Suivi du Millénaire de septembre 2005 soulignant l’importance de l’intégration des questions environnementales et développement.

Bien que l’Union européenne puisse considérer le résultat final de la CDD13 comme positif, ce premier cycle de la CDD "réformée" doit certainement être vu comme un test. Un déroulement plus structuré et mieux défini permettrait d’éviter des répétitions et des négociations plus constructives.

Les nouvelles méthodes de ce cycle ont néanmoins permis un travail de réflexion pragmatique et ont résulté en une résolution assez opérationnelle qui liste des options politiques et mesures concrètes à prendre par les États dans les trois secteurs concernés.

  • la 2e Réunion des Parties à la Convention d’Aarhus qui a été couronnée de succès. Il y a lieu de relever la décision concernant les organismes génétiquement modifiés, et surtout l’amendement à la Convention d’Aarhus prévoyant un élargissement de la participation du public au processus décisionnel pour ce qui est des décisions relatives à la dissémination et à la mise sur le marché d’organismes génétiquement modifiés ("OGM").

VI.  Autres dossiers

Organismes Génétiquement Modifiés

Le souci d’une application conséquente du principe de précaution et du principe de subsidiarité  a guidé l’examen des dossiers de demande d’autorisation de mise sur le marché et de mise en culture d’organismes génétiquement modifiés ainsi que des décisions politiques afférentes. Cette approche fut couronnée de succès lors du dernier Conseil Environnement du 24 juin 2005. En effet, les huit propositions visant à obtenir la levée des mesures d'interdiction prises par cinq États membres à l'encontre de plusieurs variétés de plantes transgéniques ont été rejetées par une très grande majorité des États membres. Concernant le Luxembourg, il s’agit du maïs Bt176.

Conclusions du Conseil

Les conclusions concernant le mercure visent à appuyer la Commission dans la mise en œuvre de sa stratégie, fondée sur une approche cycle de vie, tenant compte de la production et de l’utilisation du mercure, ainsi que du traitement des déchets afférents. Ladite stratégie comporte des mesures visant à protéger la santé humaine et l'environnement des rejets de mercure et constitue également un document de référence dans le cadre de la participation de la Communauté au débat international sur le mercure, intervenant au niveau du conseil d'administration du PNUE. Il a été convenu d’éliminer progressivement, dans les meilleurs délais, et pour 2011 au plus tard, les exportations de mercure en provenance de la Communauté, tout en envisageant l’opportunité d’un instrument international juridiquement contraignant en la matière.

Le Conseil Environnement du 24 juin 2005 a également adopté des conclusions sur le démantèlement des navires. Il s’agit d’un sujet très important, à composantes à la fois économique, écologique et humaine. La Présidence luxembourgeoise a réussi à dégager un compromis sur le projet de conclusions basées sur une initiative du Danemark. Ces conclusions visent à éviter le dumping social et environnemental liés au transfert systématique des navires destinés au démantèlement  dans des pays ne disposant pas d’infrastructures appropriées.

En effet, les risques liés à un démantèlement pratiqué de manière non contrôlée sont bien connus: création de déchets dangereux, de polluants organiques persistants comme les PCB, de métaux lourds comme le mercure et le plomb, et encore et surtout les impacts négatifs en matière d’environnement et de santé pour les communautés locales. L’UE espère, avec ces conclusions, lancer un signal fort en vue de la prochaine réunion de l’Organisation Maritime Internationale, afin de garantir une gestion écologiquement durable des navires destinés au démantèlement sans mettre en danger la santé humaine.

PNUE

Dans ce contexte, il y a lieu de soulever que dans la mouvance des négociations menées à l’occasion du dernier conseil d’administration du PNUE, le Conseil européen des 16 et 17 juin derniers a salué le projet de création d’une organisation spécifique œuvrant en faveur de l’environnement.

"Le développement durable, y compris les questions et les préoccupations environnementales, doit être intégré davantage dans les programmes et les stratégies de développement nationaux et internationaux. Le Conseil européen soutient l'appel urgent du Secrétaire général pour une structure de gouvernance environnementale internationale plus intégrée, basée sur les institutions existantes. Dans ce sens, et compte tenu des défis environnementaux qui se posent en matière de développement, l'UE propose que la Réunion de haut niveau de septembre 2005 commence un processus, dans le cadre de la réforme de l'ONU, qui mènera à des négociations sur l'établissement d'une agence de l'ONU pour l'environnement, construite à partir du PNUE, avec un mandat actualisé et renforcé, basé sur des contributions financières stables, adéquates et prévisibles, et opérant sur un pied d'égalité avec les autres agences spécialisées de l'ONU. Cette agence, basée à Nairobi, permettrait de développer la dimension environnementale du développement durable d'un manière intégrée et cohérente, et coopérerait de manière étroite avec les agences multilatérales, chacune utilisant de manière optimale ses avantages comparatifs."

(communiqué par le ministère de l'Environnement)

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