Lettre ouverte sur la lutte contre la pauvreté cosignée par le Premier ministre Jean-Claude Juncker

Veuillez trouver ci-jointe une lettre ouverte, signée par les Premiers ministres du Luxembourg, des Pays-Bas, de la Norvège, de la Suède ainsi que du Danemark, sur la lutte contre la pauvreté dans le monde.

La lutte contre la pauvreté

La pauvreté est un fléau mondial. La pauvreté est source de souffrances indicibles. La pauvreté freine la croissance économique mondiale et mine la sécurité mondiale. La pauvreté, sous toutes ses formes et dans tous ses aspects, doit être réduite.

L’année 2005 est une étape déterminante dans la lutte mondiale contre la pauvreté et l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). En septembre, nous ferons tous le point, auprès des Nations unies à New York, sur les progrès réalisés sur le plan de la mobilisation des ressources et des changements des politiques. Les dirigeants du monde devront alors tenir leurs promesses. Les dirigeants du G8 devront également tenir parole lors de leur sommet à Gleneagles au mois de juillet. Des ressources supplémentaires sont en effet vitales si nous voulons réaliser les progrès nécessaires d'ici l'an 2015. 

Nous sommes très heureux de constater que la lutte mondiale contre la pauvreté, surtout en Afrique, figure en tête de l'ordre du jour du sommet du G8, et lors de leur réunion à Londres en juin, les ministres des Finances du G8 sont parvenus à un accord sur l’initiative ambitieuse d’annuler les dettes multilatérales. Nous nous réjouissons de la proposition prévoyant que des donateurs, sur la base d’une formule convenue de répartition des fonds, versent à cet effet des contributions supplémentaires à l’Association internationale de développement (IDA) et au Fonds africain de développement (FAD). Il est impératif que l’allègement prévu de la dette aboutisse à des augmentations réelles des ressources, le principe d'additionnalité étant de la plus haute importance à cet égard. Nous sommes tous responsables des progrès réalisés, y compris en termes d’additionnalité réelle des fonds, et nous nous réjouirions d’un accord, au sein du G8, sur la mise en place, à cet effet, d'un mécanisme de surveillance efficace.

Le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède figurent depuis de nombreuses années parmi les principaux pourvoyeurs d’aide au développement. Nos contributions à l’aide publique au développement (APD) ont dépassé l’objectif de 0,7% de notre revenu national brut (RNB), fixé par les Nations unies, et nous sommes fiers de pouvoir nous appeler le G0,7. Cependant, ce n’est pas le moment de nous reposer sur nos lauriers.

Nous devons agir maintenant, et nous devons agir sans hésiter si nous voulons réaliser les progrès nécessaires pour atteindre les OMD. L’Afrique sub-saharienne accuse d’ores et déjà un grand retard. De sérieuses insuffisances existent surtout en ce qui concerne le taux de mortalité des nouveau-nés et des enfants, la mortalité liée à la maternité, l’accès à une eau potable sûre et des installations sanitaires de base. En effet, si nous n’accélérons pas le mouvement, la plupart des OMD ne seront pas atteints d’ici 2015.

Une baisse des volumes de l’aide pendant une grande partie des années 1990 a contribué à cette situation. Bien que nous ayons à présent renversé la tendance, un montant annuel supplémentaire d’au moins 50 à 60 milliards de dollars américains sera nécessaire pour atteindre les OMD. Au cours de la dernière décennie, nous avons appris beaucoup de choses sur la manière d’améliorer l’efficacité de l’aide en concentrant notre soutien sur les pays pauvres disposant de politiques cohérentes et en encourageant l’appropriation par le pays partenaire (country ownership) et une meilleure coordination entre nous, ce qui s’est traduit par des résultats considérables en termes d’efficacité. Et dans la mesure où les pays en voie de développement améliorent leurs politiques, leurs institutions et leur gouvernance, l’aide sera utilisée de manière plus efficace. Ceci signifie que les donateurs seront plus à même de fournir de l’aide, permettant ainsi des améliorations supplémentaires. Cependant, si nous attendons des pays en voie de développement qu’ils assument leur rôle, il faut également que nous assumions le nôtre. Et cela ne vaut pas uniquement pour quelques donateurs de même opinion, mais cela vaut pour tous. Nous avons besoin d’une répartition plus égale des charges et nous demandons que davantage de pays du G8 se joignent à nous pour tenir parole quant à l’objectif convenu de 0,7% du RNB, fixé par les Nations unies.

L’augmentation de l’APD ces dernières années est dans une large mesure le fruit des engagements pris par quelques nations du G8 et l’Union européenne. L'engagement de l’UE et de ses Etats membres d’atteindre 0,56% de leur RNB d'ici 2010 et 0,7% d’ici 2015 est important à cet égard. Cette décision entraînera un flux d’aide supplémentaire de 20 milliards d’euros d’ici 2010, la moitié de cette augmentation profitant à l’Afrique sub-saharienne.

Cependant, malgré les progrès réalisés et malgré l'initiative d’allègement de la dette, il existe un besoin urgent d’aller plus loin - offrir un meilleur accès aux marchés et augmenter le flux de ressources vers les plus pauvres - et de le faire rapidement. C’est là que nous avons besoin du leadership du G8. De nouvelles priorités doivent être définies. Les pays en voie de développement doivent être en mesure d’augmenter leurs recettes d´exportation et il faut discuter des subventions dénaturant le marché, comme celles sur le coton et le sucre.

Nous devons tous redoubler nos efforts pour aider l’Afrique. Actuellement, une grande partie de notre APD n'est en effet pas consacrée aux plus pauvres. Le soutien à l’Afrique et aux plus pauvres doit être basé sur l’additionnalité et la mise à disposition de ressources réelles à ceux qui en ont le plus besoin. Lorsque des pays comme la Tanzanie et le Mozambique sont sur la bonne voie en ce qui concerne les OMD, respectivement en matière d’éducation et de mortalité des nouveau-nés et des enfants, nous devons les aider à achever la tâche. C’est là l’essence même du partenariat mondial pour le développement ; c’est un partenariat où chaque partenaire assume son rôle.

Pour les plus pauvres dans ce monde, le progrès ne se mesurera pas par des paroles, des résolutions et des rapports, mais par une amélioration des conditions de vie. A cet égard, la contribution du G8 est cruciale. Ce ne sont pas seulement les pauvres et les autres donateurs qui attendent des mesures concrètes de ces pays, mais encore la société civile mondiale, qui est un acteur clé dans la mobilisation contre la pauvreté, surtout dans les pays du G8.

Comme l’a dit un jour le secrétaire général, M. Kofi Annan, le dilemme mondial de la misère noire au milieu de la splendeur est le résultat de l’action humaine et ne peut être changé que par l’action humaine. Quand les membres du G8 se réuniront à Gleneagles, nous insisterons pour qu’ils procèdent à des augmentations réelles et substantielles de leurs niveaux d'APD et agissent ainsi comme agents pour le développement dans la lutte contre la pauvreté. Pour faire face au défi des Objectifs du millénaire pour le développement, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède promettent de continuer à assumer leur rôle - et plus encore.

Jan Pieter Balkenende, Premier ministre des Pays-Bas
Kjell Magne Bondevik, Premier ministre de Norvège
Jean-Claude Juncker, Premier ministre du Luxembourg
Göran Persson, Premier ministre de Suède
Anders Fogh Rasmussen, Premier ministre du Danemark

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