Rapport 2004 sur la compétitivité de l´économie luxembourgeoise

Dans la série des cahiers économiques du STATEC vient de paraître le rapport 2004 sur l’économie luxembourgeoise, qui a été élaboré dans le cadre d’une coopération entre le STATEC et l’Université du Luxembourg (CREA – Cellule de recherche en économie appliquée).

Depuis 2001, l’économie luxembourgeoise connaît un rythme de croissance très en retrait par rapport à celui des années 90. Dans ce contexte, la question de la compétitivité se pose avec plus d’acuité encore que par le passé. Compte tenu des mutations en cours, il est aujourd’hui largement admis qu’une panoplie d’indicateurs est nécessaire pour cerner la compétitivité – qui est elle-même une notion fort complexe. L’analyse de la compétitivité d’une économie a pour objet d’évaluer la capacité de celle-ci à générer de façon durable un revenu ainsi qu’un niveau d’emploi et de cohésion sociale relativement élevés, dans un contexte de concurrence internationale.

La première partie (récurrente) distingue des indicateurs conjoncturels et structurels. La balance courante est généralement considérée comme un indicateur de performance extérieure d’une

économie. Pour le Luxembourg, les échanges extérieurs se soldent régulièrement par un excédent qui reste relativement élevé (à 8 % du PIB en 2003 et 2004). Le fait de couvrir les besoins en biens, services et facteurs de production étrangers par des ventes à l’étranger est indéniablement un signe de compétitivité.

L’essentiel de la partie récurrente est consacré à l’indicateur synthétique, ainsi qu’à une analyse de ses différentes composantes. L’intérêt de cet indicateur synthétique est de combiner des facteurs internes et externes de la situation compétitive de l’économie luxembourgeoise. L’indicateur synthétique de compétitivité, calculé pour l’industrie et les services marchands (hors services financiers et activités immobilières), a l’avantage de pouvoir être analysé sous deux optiques:

  • il se définit tout d’abord comme le rapport entre un élément externe (prix étrangers exprimés en euros) et un élément interne (coût salarial unitaire domestique), ce qui permet de rendre compte d’un éventuel changement dans les conditions de compétitivité de l’économie exportatrice luxembourgeoise
  • d’un autre côté, l’indicateur de compétitivité est le produit d’un indicateur de marge (sur coût salarial unitaire) et d’un indicateur de compétitivité-prix (taux de change effectif réel), ce qui permet d’apprécier le comportement des exportateurs (en terme de fixation de leur prix, price taker "versus" price-setter) face à des chocs de compétitivité.

La compétitivité de l’économie s’est appréciée sensiblement entre 1990 et 1998 pour se maintenir à un niveau élevé jusqu’en 2000. Dès 2001, la situation s’est détériorée jusqu’en 2003 pour se redresser en 2004. Cependant une analyse plus détaillée de la situation permet de constater que la baisse de l’indicateur de compétitivité en 2003 n’est pas liée aux mêmes origines que les années précédentes.

Entre 2000 et 2002, la baisse de l’indicateur de compétitivité semble surtout avoir une origine interne, à savoir la hausse du coût salarial (plus prononcée pour les services marchands). L’indicateur de marge est en baisse pendant cette période, mais se stabilise en 2003. En même temps, les causes de détérioration de la situation compétitive changent et se retrouvent principalement du côté de la composante externe de l’indicateur de compétitivité. Les prix concurrents étrangers ont connu en 2003 une baisse sensible en grande partie due à l’appréciation de l’euro face à sa principale devise concurrente qui est le dollar américain. La baisse de la compétitivité-prix qui s’en suit pour les exportateurs nationaux touche de manière identique les deux secteurs sujets à l’analyse.

En 2004, toutes les variables semblent néanmoins indiquer une amélioration de la situation compétitive de l’économie luxembourgeoise. Les prix concurrents étrangers sont de nouveau en hausse et le rythme de croissance du coût salarial national est en perte de vitesse par rapport aux années précédentes. Cette évolution favorable est plus prononcée dans l’industrie que dans les services marchands. En effet, l’indicateur de marge dans les branches industrielles est en hausse, alors qu’il marque le pas dans les branches marchandes. Cette appréciation dans l’industrie s’explique par une croissance de la productivité apparente du travail supérieure à celle des salaires

Les investissements directs étrangers (IDE): cadre conceptuel et application au Luxembourg

De tout temps, le développement de l’économie luxembourgeoise a été tributaire de l’apport en capitaux étrangers. Le processus de globalisation a donné une nouvelle dimension aux flux internationaux de capitaux qui affectent à plus d’un titre l’économie mondiale et le Luxembourg. Les analyses économiques sur ces questions se basent en grande partie sur des données statistiques concernant les IDE. Définie au milieu du XXème siècle dans un contexte encore très régulé au plan international, cette notion est largement affectée par une mutation très rapide et profonde des mouvements de capitaux et par l’internationalisation, voire la multinationalisation des entreprises.

L’objectif de cette contribution est de présenter divers aspects de cette mutation et de ses implications sur les statistiques en général, ainsi que pour le cas particulier du Luxembourg. Il s’en dégage que les flux d’IDE via des sociétés holdings et SOPARFI ont pris une ampleur substantielle au plan mondial et qu’une part importante se déroule en mouvements entrants et sortants au Luxembourg. En raison de ces flux en transit, le Luxembourg a été en 2002 et 2003 le numéro un mondial (en termes absolus) pour les flux d’IDE. Cet aspect cache en partie le fait que les IDE dans les autres branches d’activités sont également significatifs. En effet, par rapport à sa population, le Luxembourg est un des premiers pays d’accueil d’entreprises étrangères.

Les données statistiques actuellement disponibles (1995 à aujourd’hui) sont reprises dans cette contribution sous forme d’un aperçu descriptif. Il s’en dégage que le rôle des IDE au Luxembourg est notable tant dans l’industrie que dans les services où l’expansion est néanmoins plus rapide. Au total, les quelque 770 entreprises (objet d’IDE) analysées occupent environ 70 000 salariés.

Une investigation détaillée des données stocks (hors SPE) de 1995 à 2002 des branches d’activité "autres que banques et assurances" a par ailleurs permis de dégager que l’essentiel des IDE est

greenfield, alors qu’au plan mondial les F&A sont prédominantes.

Cette étude plutôt descriptive a permis de mettre en évidence maints aspects structurels des IDE au Luxembourg. Des recherches complémentaires seront nécessaires pour fournir des précisions quant aux déterminants des IDE au Luxembourg, ainsi que leur impact sur l’économie en général et sur d’autres domaines en particulier. La troisième contribution à ce rapport fournit des éléments théoriques spécifiques à prendre en considération dans ce contexte.

Déterminants de la localisation des IDE: le cas des petites économies intégrées

Face à la complexité croissante des stratégies d’intégration et de localisation, cette contribution vise à analyser les principaux déterminants des investissements directs étrangers (IDE) vers les petites économies très intégrées, notamment dans l’espace européen. Nous tentons de montrer en particulier comment la petite taille, qualité a priori handicapante pour un pays, peut jouer sur les autres facteurs d’attrait et donc être surmontée.

Parmi l’abondante littérature, aussi bien théorique qu’empirique, consacrée aux déterminants des flux d’investissements directs étrangers, trois groupes d’analyses récentes émergent et peuvent apporter chacun des enseignements sur le rôle de la taille de l’espace d’accueil dans l’attrait des investissements.

Premièrement, dans les théories de la firme multinationale, héritières des théories traditionnelles du commerce international, la petite taille de l’économie "hôte" apparaît comme un handicap, en particulier lorsque les implantations suivent une stratégie dite "horizontale" afin de couvrir des marchés les plus grands possibles compte tenu des coûts de transports. La taille intervient assez peu dans les stratégies de localisation "verticales". Par contre, l’accès au marché et par-là l’intégration régionale sont des éléments qui rendent plus complexe la modélisation de la stratégie des firmes multinationales. Dans certains cas, l’amélioration de l’accessibilité du marché peut inciter les firmes à investir davantage dans le bloc régional.

Deuxièmement, les enseignements de l’économie de la localisation (économie géographique) permettent de prendre en compte les diverses formes d’externalités dans le processus d’agglomération

et d’attrait d’IDE sur un site. L’analyse des effets d’agglomération, issue de la Nouvelle économie géographique, précise comment la concentration spatiale de certaines firmes peut engendrer des effets favorables sur d’autres firmes, et donc sur les décisions de localisation, notamment par les externalités dites "non pécuniaires". L’enjeu est ici d’analyser si les effets externes peuvent compenser la petite taille du marché pour ce qui est du choix de localisation des firmes multinationales dans le contexte d’un abaissement des coûts de transport.

Troisièmement, l’analyse de la concurrence institutionnelle entre les sites établit dans quelle mesure les petits Etats sont portés à utiliser des instruments fiscaux et réglementaires favorables aux IDE afin de compenser le champ étroit de leur marché domestique. La question de l’influence de la fiscalité sur les IDE peut trouver des réponses dans les nombreux travaux empiriques qui parviennent à montrer une certaine sensibilité de ces investissements à la pression fiscale sur les bénéfices des entreprises. Cependant, nous insistons sur la nature endogène de la fiscalité qui ressort de plus en plus des dernières modélisations de la concurrence fiscale. Les marges de manœuvre en matière de fiscalité sont susceptibles de différer d’une juridiction à une autre en fonction de la formation de rentes spécifiques à la localisation. Les économies d’accueil peuvent, tout en restant attractives grâce à leur grand marché ou leur possibilité de créer des effets d’agglomération, lever un impôt supérieur aux autres économies.

(communiqué par le STATEC)

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