Discours de Lydie Polfer lors de la Conférence des Femmes de la Francophonie

Altesse Royale,
Excellences,
Mesdames et Messieurs.

Je vous souhaite une chaleureuse bienvenue à Luxembourg, et j'espère que vous passerez un agréable séjour dans notre cité millénaire.

Vous vous retrouvez aujourd'hui à Luxembourg pour faire étape entre Pékin et New York, c'est-à-dire entre deux grandes conférences que l'ONU consacre aux femmes. Cette étape luxembourgeoise offre à la francophonie la première occasion de se pencher sur ce thème d'importance qui nous concerne tous. J'y vois le signe d'une vigueur retrouvée de la francophonie.

Depuis le Sommet de Hanoi, l'Organisation Internationale de la Francophonie a changé de vitesse, se transformant en une institution internationale à part entière, qui met en œuvre une action politique et diplomatique active. L'identité francophone se fonde sur des valeurs partagées et sur la confiance que leur défense inspire aux Etats membres.

Après les conférences de Monaco et de Moncton, la conférence de Luxembourg est un pas de plus sur la voie d'une francophonie plus politique, plus visible et donc plus présente.

S'appuyant sur notre culture, notre langue et notre éducation communes, cette nouvelle francophonie aborde les problèmes politiques, économiques et sociaux. Elle mérite notre plein appui.

La discussion des droits de la femme prend dans le contexte de la francophonie une signification toute particulière. Elle se place dans la droite lignée des grandes déclarations des droits de l'homme et du citoyen avec leurs revendications de liberté et d'égalité.

Les déclarations de 1789 et 1793 se voulaient universelles et rationnelles. Or, en 1791, une jeune femme, Olympe de Gouges, s'offusqua de l'exclusion des femmes de la Constituante malgré l'affirmation du caractère universel des droits de l'homme et publia un texte révolutionnaire, qui aujourd'hui encore étonne par sa modernité. Sa "Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne" affirme en 17 articles l'égalité en droits de l'homme et de la femme dans une société définie comme la conjonction de l'homme et de la femme. Les femmes partagent avec les hommes, à parts égales, les mêmes droits, les mêmes devoirs, les mêmes responsabilités.

Olympe de Gouges paya de sa vie le courage de ses opinions politiques, elle qui avait affirmé que puisque la femme avait le droit de monter à l'échafaud, elle devait également avoir celui de monter à la tribune de l'Assemblée.

Fidèles à l'esprit d'Olympe de Gouges, les femmes de la francophonie relèvent le défi d'un humanisme rationaliste et volontariste que leur a légué le siècle des lumières. Nous revendiquons une pensée, une tradition politiques. Parties à la conquête de leurs libertés les femmes se sont tôt posé la question du rapport politique, du pouvoir. La trop grande insécurité matérielle et des inégalités criantes posent aujourd'hui avec acuité le problème du pouvoir économique et du développement.

La tâche qui est devant nous reste énorme. D'après le dernier rapport de l'Union interparlementaire, on ne compte que 13% de députés femmes dans 190 pays, et je regrette de ne pouvoir compter dans le monde que 14 collègues femmes parmi les ministres des Affaires étrangères. Sur les 1,3 milliard de personnes vivant dans la pauvreté extrême 70% sont des femmes. Ces quelques chiffres illustrent l'urgence et la gravité de la problématique qui nous occupe ici.

On peut dire que la question de la condition féminine est celle de la condition humaine. A travers les femmes elle touche directement les enfants, qu'elles élèvent, et les hommes, dont elles partagent la vie.La société humaine s'articule et s'invente autour des deux pôles complémentaires que sont le masculin et le féminin. Mais l'équilibre souvent fragile entre ces deux pôles ne saurait se faire au dépens de l'un ou de l'autre. C'est donc ensemble et sans exclusions que nous devons avancer si nous voulons redresser les déséquilibres et les injustices, sans en créer de nouvelles. Au-delà des lois et des institutions, c'est un changement des mentalités qu'il faut initier, un changement qui mettra à la portée de chaque femme, comme de chaque homme, les moyens d'assumer son choix de vie.

S'il est vrai que c'est un travail en commun qui nous attend, il est vrai aussi que les femmes n'ont pas attendu pour partir à la conquête de leur monde, - quitte à le partager par la suite. Souvent elles ont dû assumer seules, parfois en désespoir de cause, les responsabilités qui allaient de pair avec les droits qu'elles ont été amenées à revendiquer.

On a pu dire du 20e siècle qu'il a été celui de la libération progressive d'une moitié de l'humanité. Et bien souvent les militantes, les femmes actives dans le siècle furent francophones. Au risque d'être injuste je n'en citerai que deux pour représenter toutes les autres : La scientifique Marie Curie, dont la vie prouva que les Femmes savantes étaient bien plus qu'une comédie de Molière, et Simone de Beauvoir, la philosophe, maître à penser du féminisme moderne.

La longue liste de femmes actives montre à l'évidence qu'il n'y a pas de domaine où les femmes n'aient pas fait leurs preuves : littérature, poésie, art plastique et peinture, bien sûr, mais aussi science, mathématiques, journalisme, politique, économie. Mais, plus que des noms célèbres, il me tient à cœur de mentionner les millions de femmes sans nom qui par leur vie quotidienne luttent pour leur liberté et leur dignité individuelle autant que pour l'égalité de toutes. Sans elles la cause des femmes n'existerait pas.

Pour l'accomplissement de notre tâche il n'y a pas de modèle unique. Nous devons être à la fois visionnaires et pragmatiques. Les valeurs sont universelles. Mais la manière de les transposer dans la réalité sociale est nécessairement fonction des mentalités et des données historiques et culturelles de chaque pays. A chaque personne et à chaque pays de tenter ses propres expériences, à la lumière de ses particularismes mais aussi des enseignements des autres.

Pour sa part le gouvernement luxembourgeois entend traduire également dans son action extérieure sa politique de promotion positive des femmes. Aussi la coopération au développement luxembourgeoise a-t-elle introduit un chapitre spécifique "femmes et développement" dans sa stratégie de développement.

Dans les pays-cibles de la coopération luxembourgeoise une importance particulière est accordée à la promotion des femmes à travers de nombreux projets bilatéraux, surtout dans les domaines de la santé et de l'éducation. La plupart de nos projets ne s'adressent pas exclusivement aux femmes, mais ils donnent tous une attention particulière à leur promotion avec un volet dédié à la condition féminine.

Nous sommes convaincus qu'une politique de promotion bien réfléchie des femmes est une des clés du développement de nos sociétés. Les investissements dans l'éducation, les moyens accrus consacrés à la politique familiale, les améliorations dans le domaine de la santé, les crédits alloués aux petites entreprises sont autant de moyens pour aider et faire progresser la condition féminine.

A travers les femmes, c'est toute la société qui est visée.

Mesdames, Messieurs,

Nous vous remercions d'avoir choisi le Luxembourg comme pays hôte de cette conférence. C'est avec plaisir et fierté que nous avons accepté la proposition du secrétaire général de tenir à Luxembourg une conférence des femmes francophones. Puisse-t-elle contribuer à développer une stratégie politique qui vise l'amélioration du statut des femmes au sein de la francophonie et dans le monde.

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