Allocution de Henri Grethen à l'occasion de l´Assemblée générale de la FEDIL

Monsieur le Président,

Dans votre introduction vous avez parfaitement résumé le caractère exceptionnel de l’évolution de la conjoncture en l’an 2000.

Je ne vais donc pas revenir sur ces chiffres mais plutôt m’attarder sur les défis qui se posent à l’action politique future.

Bien entendu faut-il rester vigilant sur l’évolution de l’inflation. La principale raison de son accélération en 2000, qui est d’ailleurs également responsable de son tassement au début de 2001, étant l’évolution des prix pétroliers, nous devrons maintenir, voire augmenter nos efforts en matière d’économie et d’utilisation rationnelle de l’énergie.

D’après les prévisions concordantes de l’OCDE et de la Commission européenne, la croissance de l’économie américaine devrait régresser à moins de 2% en 2001 (contre quelque 5% en 2000). Ce ralentissement induirait une baisse de la croissance européenne de 0,3% en 2001. Ainsi l’économie européenne devrait croître de quelque 2,7% en 2001, contre 3,3% encore en 2000.

Comme par le passé, l’économie luxembourgeoise devrait être moins affectée par les turbulences internationales et notamment le ralentissement de l’économie américaine.

C’est ainsi que le STATEC prévoit pour 2001 une baisse du taux de croissance du PIB réel à quelque 5,1% par rapport aux exceptionnels 8,5% de l’an 2000.

Une analyse de l’OCDE sur l’évolution du PIB réel entre 1990 et 1999 montre que ce scénario est réaliste, dans la mesure où le dynamique développement des secteurs en forte expansion – tels que les services financiers, les transports et les communications – a toujours atténué sur la période considérée les effets du cycle de l’activité internationale sur l’économie nationale.

Or, si rassurant que puisse être ce constat, je soutiens l’appel à la vigilance lancé par le CES dans son avis annuel que, du moins quelques uns, des avantages comparatifs (situation géographique, multilinguisme, externalités positives, réglementation, fiscalité, etc..) ont, notamment sous l’effet des harmonisations européennes, un caractère pour le moins évolutif, sinon éphémère.

S’y ajoute le phénomène de concentration dans le sillage de la globalisation, que vous avez également relevé, Monsieur le Président, et au sujet duquel je voudrais simplement relever le fait qu’il se produit justement dans des secteurs d'intérêt stratégique pour notre pays.

C'est un phénomène qui contribue également à limiter nos futures marges de manœuvre, mais qu'il s'agit tout de même d'accompagner de façon active.

Quelles conclusions faut-il en tirer pour l’action politique future?

Là encore je rejoins le CES en constatant que “les maîtres mots de la politique économique demeurent l’amélioration de la compétence, de la diversification continue de l’économie et le maintien de la compétitivité des facteurs de production”.

J’y ajouterai peut-être l’esprit d’innovation, et l'observation des bonnes pratiques - et des moins bonnes - de nos voisins pour dénicher peut-être l’un ou l’autre nouvel ingrédient d’une politique économique efficace.

Telle est mon approche que je voudrais maintenant vous exposer en détaillant l’une ou l’autre initiative nouvelle.

Mesdames, Messieurs,

Lors de mon intervention l’an passé devant cette enceinte j’ai fait l’annonce d’un certain nombre de projets que le gouvernement avait entamés ou était sur le point de lancer.

J’aimerais donc aujourd’hui vous faire l’état du progrès de ces dossiers dans la mesure où ils concernent directement vos membres.

En premier lieu, je voudrais rappeler qu’à la demande de la Commission européenne, le gouvernement avait limité au 31 décembre 1999 l’application du régime d’aide régionale prévu à l’article 5 de la loi-cadre du 27 juillet 1993.

La loi du 22 décembre 2000 ayant pour objet le développement économique de certaines régions du pays a introduit un dispositif légal séparé qui vient remplacer le prédit article 5.

Ce nouveau régime est applicable à partir du 22 janvier 2001 ce qui revient à dire que les demandes d’intervention publiques introduites au titre du régime d’aide régional au courant de l’exercice 2000 seront prises en considération dans le cadre de l’application du nouvel instrument légal du 22 décembre 2000.

Nos propositions en termes de la population de référence et des communes éligibles ont finalement été acceptées par la Commission sans modifications notables.

Il est vrai que le territoire d'application du nouveau régime se trouve fortement réduit à 20 communes.

Permettez-moi également de rappeler l’innovation majeure de cette nouvelle loi qui consiste à ériger au rang des dépenses éligibles à une aide régionale, outre les investissements en capital fixe, également les coûts salariaux sur 24 mois résultant de la création d’emplois liée à un investissement productif.

En second lieu, j’avais annoncé que la promotion de l’esprit d’entreprise, l’encouragement de la recherche-développement et de l’innovation ainsi que la diffusion des technologies nouvelles joueraient dorénavant, davantage encore que dans le passé, un rôle primordial dans la politique économique du gouvernement.

Je peux vous rapporter que l’année 2000 a été riche en événements et manifestations qui sont à placer en rapport direct avec ce pilier en phase de devenir le nouveau centre de gravité de l’action politique du ministre de l’Economie.

Au niveau de la promotion de l’esprit d’entreprise, mon ministère s’est associé à diverses initiatives du gouvernement dans le contexte notamment de la sensibilisation des jeunes - comme “la caravane de l’an 2000” - ou celle visant la mise en place d’une formation de 3e cycle dans le domaine de l’entrepreneuriat.

Sur ce plan j’aimerais également remercier la FEDIL d’avoir pris l’initiative dans cette matière qui, par sa nature même, doit en premier lieu motiver le secteur privé. C’est pourquoi j'ai décidé de dégager des moyens financiers importants pour accompagner financièrement la Business Initiative a.s.b.l. et son concours de business plans "1, 2, 3, GO" qui bénéficie effectivement d’un grand succès bien au-delà de nos frontières.

Je me réjouis tout particulièrement de la collaboration avec LUXINNOVATION, non seulement en raison du succès remarquable du premier "Salon de l’innovation et de la création d’entreprise" de novembre dernier que "Business Initiative" avait choisi comme cadre de lancement officiel de son concours, mais surtout en raison de leur encadrement conjoint des nouveaux entrepreneurs qui constitue l’originalité de cette initiative.

Le mouvement est en marche, les structures d’accompagnement se mettent progressivement en place. Dans le cadre de l’actualisation du plan de développement en faveur des PME, le gouvernement a d’ailleurs réitéré son engagement en faveur de la simplification des procédures administratives en matière d’autorisations.

La Société luxembourgeoise de Capital de Développement pour les Petites et Moyennes Entreprises (CD-PME) - qui est une initiative commune de la SNCI et des principales banques de la place luxembourgeoise - et d'autres sociétés et fonds de capital à risque établis dans notre pays s’engagent fortement dans le financement des plans d’entreprise.

En tant que premier centre d’accueil pour “start-up” innovantes, le technoport “Schlassgoart” se réjouit également d’un franc succès, à tel point que les surfaces aménageables et encore disponibles vont progressivement s’épuiser.

Il m’est donc une préoccupation de trouver dans l’immédiat, en concertation avec les milieux directement intéressés, des solutions de relais, même provisoires, dans la mesure où les infrastructures élargies que j’envisage de faire réaliser sur les anciens sites sidérurgiques désaffectés d’Esch-Belval dans le contexte de la future “cité des sciences” ne seront disponibles dans leur configuration définitive que dans le moyen terme.

En matière d’encouragement des projets de R&D et d’innovation de nos entreprises, j’avais déjà noté l’année passée qu’il serait certainement difficile d’égaler, du moins en chiffres absolus, les 462  millions de francs d’engagements nouveaux de l’année 1999 qui résultaient essentiellement d’un projet de grande envergure.

Avec quelque 250 millions de francs d’engagements nouveaux, l’année 2000 s’est quand même révélée être un “grand cru” si l’on procède à une analyse plus détaillée des 13 nouveaux projets, comparés au 14 de l’année précédente.

Je me réjouis surtout du fait que plus de la moitié des nouveaux projets ont été introduits par des PME, dont quatre sont seulement en phase de démarrer leurs activités.

Parmi celles-ci dominent par ailleurs les nouvelles technologies de l’information et des communications (TIC) auxquelles j'accorde une attention particulière.

A souligner également la présence parmi ces PME de 3 entreprises d’origine artisanale engagées soit seules, soit en tant que partenaires dans les projets R&D retenus.

Véritablement exceptionnel a été le nombre de 3 nouveaux projets EUREKA. Ce résultat, ayant porté à 16 le nombre de nos participations depuis la création de cette initiative de coopération technologique internationale en 1985, est donc également supérieur à la moyenne annuelle.

Tant d’attachement à des projets individuels peut étonner à première vue.

J’aimerais quand-même relever que, l’année 2000 prise en considération, le ministère de l’Economie a encadré depuis 1982 près de 200 projets de R&D et de création de compétences et d’infrastructures de recherche nouvelles.

Les investissements ainsi encouragés par les pouvoirs publics à hauteur de 3,6 milliards de francs représentent une enveloppe de dépenses totale de quelque 18,5 milliards de francs.

Mais le bilan 2000 fait avant tout conclure aux premiers résultats encourageants des efforts ciblés du gouvernement en faveur de l’esprit d’entreprise et d’innovation, du développement technologique endogène et des activités de l’économie numérique basée sur les TIC.

Dans le contexte de l’attention particulière que je porte au développement technologique endogène, j’avais annoncé de vouloir tester la disposition de nos entreprises à collaborer plus étroitement et de façon plus systématique au niveau national, à l’instar des plus expérimentées qui envisagent déjà des collaborations au plan communautaire et international.

Chose annoncée, chose faite! Mes services ont organisé l’an passé une série de 4 workshops thématiques avec l’appui logistique de LUXINNOVATION et le soutien du groupe de travail R&D de la FEDIL. Une quarantaine de cadres et de dirigeants d’entreprise ont débattu plus de 50 thématiques technologiques concrètes jugées d'intérêt stratégique pour leurs entreprises respectives.

Mais nous ne voulons pas en rester à ces manifestations.

D’abord cet échange a alimenté les discussions au niveau des centres de recherche publics sur les orientations du Fonds National de la Recherche publique. Trois propositions de programmes mobilisateurs résultent directement ou indirectement de ces concertations.

En second lieu nous avons conclu, ensemble avec votre groupe de travail R&D, à l’intérêt de lancer un programme pilote d’incitation à la création de “grappes technologiques”. Je vais sous peu présenter plus en détail le contenu de cette nouvelle initiative.

Permettez-moi de rappeler à cette tribune l’originalité de cette approche nouvelle de la coopération technologique qui consiste à se focaliser sur des technologies génériques d’intérêt partagé.

Cette approche, qui est d’ailleurs explorée dans beaucoup de pays de la zone OCDE, permet des actions concertées en vue de dépasser les clivages de plus en plus artificiels que constituent les secteurs ou branches d’activités.

On constate, notamment sous l’impulsion d’une diffusion généralisée des TIC, un essaimage croisé de plus en plus intense entre activités très diverses à première vue.

Pour la phase pilote j’ai retenu quatre plate-formes thématiques, à savoir les matériaux composites, les technologies de traitement et de revêtement de surfaces techniques, la mise en commun et le partage d’infrastructures et d’équipements de recherche et de laboratoire et les TIC. La dernière thématique nécessite encore d’être précisée dans des consultations et workshops que nous prévoyons pendant cette phase pilote.

La diffusion des TIC est d’ailleurs devenue une préoccupation essentielle du gouvernement qui a décidé, sur base des conclusions du Sommet de Lisbonne, de lancer un programme national e-Luxembourg en complément à son pendant européen.

Seront entamés dans ce contexte et sous ma responsabilité cinq projets à vocation économique, dont deux auront pour objectif de promouvoir le commerce électronique et de compléter et faire évoluer le cadre légal et réglementaire dont la base a été constituée par la loi du 14 août 2000.

La conception de e-Luxembourg du point de vue économique repose avant tout sur la notion “d’économie de la connaissance” qui englobe non seulement le développement des TIC et du commerce électronique, mais aussi et surtout la promotion de l’innovation, du transfert de technologie et de l’entrepreneuriat au sens large.

C’est dans ce sens que le volet économique de e-Luxembourg comportera également trois projets qu’il faut concevoir comme constituant un tout, à savoir celui des téléprocédures en matière de brevets et de droit d'auteur et ceux de la création d’un observatoire des technologies et de l’innovation et d’un portail Internet “innovation”.

L’observatoire se conçoit comme un centre d’étude, de veille, de documentation et d’information relatif à l’évolution des technologies et des comportements, des politiques et encadrements réglementaires, financiers et fiscaux en matière d’innovation et devra permettre l’étalonnage des performances dans la comparaison internationale.

Le portail Internet sur l'Innovation se consacrera à la diffusion des travaux de l’observatoire, les cas de bonne pratique, répertoriera les compétences technologiques essentielles de nos entreprises et fera figure de bourse et de vitrine technologique sur l’extérieur.

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Vous constatez que le ministre de l’Economie et ses collaborateurs n’ont pas chômé depuis notre dernière rencontre à l’occasion de votre assemblée annuelle.

Bien entendu toutes ces initiatives dont je vous ai fait rapport nécessitent des moyens appropriés, financiers mais surtout humains pour pouvoir les réaliser.

Dans ce contexte je voudrais insister sur le fait que je n’ai pas l’intention de créer de nouvelles structures mais de renforcer celles que je considère être les mieux outillées de par leurs missions et compétences existantes pour réaliser les nouvelles tâches qui leur seront assignées, tout en exploitant avec des partenaires des effets de synergie et des économies d’échelle.

C’est ainsi que j’ai proposé aux membres privés du Groupement d’Intérêt économique LUXINNOVATION de confier les tâches d’animation du programme pilote des grappes technologiques, de l’observatoire et du portail Internet “innovation” à cette agence commune de l’innovation.

En raison du même souci d’efficacité, les instruments et méthodes de la veille technologique, qui ont été développés à l’initiative du ministère de l’Economie par le Centre de Veille technologique localisé au CRP-HT, seront dorénavant directement promus et mis en pratique auprès des entreprises intéressées par LUXINNOVATION, le CRP se concentrant davantage sur sa compétence essentielle de recherche et de développement du métier de veille.

Cet approfondissement de la tâche de conseiller neutre des entreprises dans leurs démarches d’innovation va requérir un triplement des effectifs de LUXINNOVATION d’ici l’horizon 2004 à 2005.

J’ai toujours considéré que le cofinancement privé de LUXINNOVATION a constitué un gage essentiel pour la qualité de son service.

Je suis toutefois conscient que les besoins financiers supplémentaires nécessaires à son élargissement requièrent de l’Etat de prendre ses responsabilités. Toujours est-il que le nouveau modèle financier en discussion avec l’ensemble des partenaires témoigne de cette prise de responsabilité tout en assurant que les membres privés restent fortement engagés dans nos efforts communs au profit de la compétitivité de nos entreprises et de notre économie.

Ce message s’adresse tout particulièrement à la FEDIL dont les adhérents continuent à représenter l’essentiel des bénéficiaires des services de notre agence commune de l’innovation.

Mesdames, Messieurs,

Avec cet exposé sur mes initiatives présentes et futures en matière de politique économique je pense répondre à l’essentiel du moins des préoccupations que votre Président vient de formuler dans son discours.

En ma qualité de ministre qui porte aussi la responsabilité de la politique de l’énergie, je suis également favorable au renouvellement de l’accord volontaire en faveur de l’amélioration de l’efficacité énergétique, en saluant d’ailleurs les efforts de l’industrie en faveur du développement durable.

La maîtrise de l’évolution du coût salarial est d'abord une préoccupation à responsabilité partagée entre les partenaires sociaux.

Dans son discours sur la situation économique, financière et sociale du pays, le Premier ministre n’a pas laissé subsister d’équivoque sur la position du gouvernement en matière d’indexation. Je me réserve quelques réflexions à ce propos pour mon intervention d'après-demain, à l’occasion de la cérémonie d’ouverture de la Foire internationale.

En ce qui concerne les deux derniers aspects de votre discours, Monsieur le président, à savoir la réforme des pensions et le rôle de l’Etat actionnaire, je considère que les débats sont bien engagés au niveau de la table ronde sur les pensions d’une part et de l’avis du CES sur le rôle de l’Etat, d’autre part. Je considère que la FEDIL est bien placée aux deux niveaux pour contribuer activement à ces débats.

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

On accorde au médecin et sociologue français Gustave Le Bon la réflexion que "les volontés précaires se traduisent par des discours, les volontés fortes par des actes".

Le bilan que je viens de dresser et les perspectives que j’ai évoquées permettront, je l’espère, de vous convaincre que le ministre de l’Economie ne fait pas que des mots.

J’aimerais compléter les réflexions de Le Bon en ajoutant que pour passer de la volonté à l’acte il faut également le soutien, en l’occurrence celui de votre organisation.

Dans ce sens, je vous remercie de votre attention.

Dernière mise à jour