Allocution de Henri Grethen, au forum "L´entrepreneuriat dans la Grande Région"

Mondorf-les-Bains (L), le 18 mai 2001

Excellences,
Madame le Maire,
Mesdames, Messieurs, Chers voisins,

Permettez-moi tout d'abord de vous saluer au nom du gouvernement et des citoyens du Grand-Duché de Luxembourg.

En tant que co-organisateur de ce Forum, qui fait partie intégrante du programme de la présidence luxembourgeoise de la Grande Région, je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée d'ouvrir ce Forum dont l'objet est la promotion d'une culture entrepreneuriale et d'une politique des PME concertée dans la Grande Région.

Si la création ou la reprise d'une entreprise sont d'abord des initiatives et parfois des aventures personnelles et individuelles, elles sont aussi l'affaire de notre société, voire l'affaire de notre région.

La création ou la reprise sont en effet une des clés de notre croissance, de notre emploi, de notre bien-être en général.

Force est de constater qu'au niveau de l'Union européenne, au niveau de l'OCDE ainsi qu'au niveau des Etats membres tous les acteurs plaident de concert pour une politique en faveur de la création ou de la reprise d'entreprises.

C'est dans cette logique que s'inscrit la journée d'aujourd'hui dont le sujet a été retenu par le 5ème Sommet des Chefs des Exécutifs de la Grande Région à Liège en mai 2000.

Mesdames, Messieurs,

Si l'objectif est clair, les défis restent nombreux. Les motifs pour la création ou la reprise d'entreprises sont aussi nombreux et variés que les acteurs qui constituent l'environnement de l'entrepreneur: acteurs publics, parapublics, privés, associatifs, le grand public et autres.

Mon propos d'aujourd'hui sera d'abord de passer en revue brièvement les grands paramètres économiques de la Grande Région et de résumer les six axes de coopération au sein de la Grande Région.

J'essayerai ensuite de dégager des voies possibles de coopérations en matière de promotion de l'esprit d'entreprise et d'une politique des PME concertée dans la Grande Région.

Mesdames, Messieurs,

La Grande Région Saar-Lor-Lux-Rhénanie Palatinat-Wallonie, Communauté française et Communauté germanophone de Belgique, située entre Rhin et Meuse, couvre une superficie totale de 65.401 km2.

Sa population compte plus de 11 millions d'habitants, soit 3% de la population totale de l'Europe des 15.

Elle contribue à peu près dans la même proportion au PIB communautaire.

Aux confluents des cultures latine et germanique, elle est caractérisée par des flux importants de travailleurs et de consommateurs transfrontaliers.

La dénomination "Grande Région" provoque parfois des réflexions quant au caractère apparemment abstrait de l'association d'entités aussi différentes.

Au cours de l'histoire ces entités ont été tantôt antagonistes, tantôt alliées. Aujourd'hui l'heure est à la coopération. Celle-ci s'articule autour de six axes:

  • La coopération interétatique

Cette coopération vise toutes les activités d'intérêt commun.
Elle fonctionne à partir d'une commission intergouvernementale, d'une commission régionale et de différents groupes de travail.

  • La coopération entre exécutifs politiques: les Sommets de la Grande Région

    L'instrument de cette coopération sont les Sommets réunissant tous les 18 mois les exécutifs des entités membres. Ces réunions sont généralement dédiées à des sujets spécifiques d'actualité.

  • La coopération socio-professionnelle

    L'instrument de cet axe est le comité économique et social de la Grande Région qui a pour objet d'émettre des avis sur des questions économiques et sociales d'intérêt commun.

  • La coopération entre organes délibératifs

    L'instrument de cette coopération est le Conseil parlementaire interrégional qui se compose des présidents et des délégués des organes délibératifs des entités membres de la Grande Région.

  • La coopération dans les initiatives communautaires
    Celle-ci est mise en œuvre en particulier dans le cadre des programmes communautaires Interreg et Eures.

enfin

  • La coopération entre chambres consulaires
    Celle-ci est dédiée aux entreprises établies sur le territoire de la Grande Région.

La Grande Région est une réalité politique s'appuyant sur des structures et des instruments de coopération qui ont été progressivement mis en place.

Mesdames, Messieurs, chers voisins,

Quels pourraient être les objectifs d'une politique concertée en faveur des PME au sein de la Grande Région, objectifs allant au delà des objectifs individuels de chaque entité-membre?

J'en vois au moins deux.

Le premier concerne l'amélioration de l'accès des entreprises au marché de la Grande Région pour se développer au delà des frontières politiques. Un accent particulier revient à l'abaissement des barrières administratives et réglementaires.

Le deuxième objectif découle du premier dans la mesure où la Grande Région peut devenir ainsi un espace d'accès, le cas échéant, un marché-test à partir duquel une PME installée dans la Grande Région peut accéder aux marchés nationaux respectifs, un marché de quelques 160 millions de consommateurs.

Atteindre cet objectif pourrait également fournir à la Grande Région un atout pour toute nouvelle entreprise désirant s'y installer.

Pour atteindre ces objectifs, il importe de compléter les politiques en faveur des PME et de l'esprit d'entreprise, de sensibiliser davantage et de façon durable les PME ainsi que les entrepreneurs pour la Grande Région.

Dans ce contexte, notre région est confrontée aux quatre défis suivants:

  • La reprise d'entreprise

Un nombre important d'entreprises de la Grande Région seront confrontées dans les dix ans à venir au problème de la succession.

Afin de maintenir notre richesse d'entreprises viables, des mesures spécifiques, le cas échant au niveau de la Grande Région, ayant comme objet la recherche de repreneurs potentiels pourraient être mis en place.

L'initiative de la bourse d'entreprise, lancée il y a une dizaine d'années par certaines de nos chambres consulaires, a été un instrument très valable à cet effet.

  • L'accès aux fonds propres ou quasi fonds propres

    L'absence de capitaux propres suffisants peut constituer un obstacle majeur pour les créateurs et repreneurs potentiels d'entreprises et dissuader même la personne la plus motivée de devenir chef d'entreprise indépendant.

    Dans l'ensemble on peut se montrer satisfait des instruments mis en place par les autorités de la Grande Région au cours des dernières années.

    Ces instruments, qui sont en train de faire leur preuve, pourraient cependant être adaptés ou complétés en fonction des besoins nouveaux.

    Toutefois, l'accès aux capitaux ne doit pas être un automatisme ouvrant la porte à toutes formes d'aventures ou d'abus.

    Chaque projet doit être économiquement viable et ses promoteurs doivent avoir les qualifications professionnelles nécessaires.

  • L'ouverture des frontières et la gestion des PME

    Il est vrai que la réalisation du Marché Intérieur en 1993 a eu des répercussions positives sur les entreprises en ce qui concerne leurs obligations et les formalités pour prester des services dans les pays limitrophes.

    Il faudra cependant maintenir la dynamique en matière d'ouverture des frontières.

    En y veillant, la gestion des PME sera facilitée; ainsi le coût moyen des charges administratives devrait encore s'améliorer ce qui se répercutera favorablement sur la compétitivité des entreprises de la Grande Région.

  • La gestion

    Autrefois, il suffisait de disposer d'un solide savoir-faire technique pour gérer son entreprise. Aujourd'hui il est indispensable que ces connaissances soient assorties de compétences supplémentaires en gestion d'entreprise. En plus, nous nous trouvons en face d'un nouveau phénomène du fait que les connaissances évoluent plus vite que le renouvellement des générations.

    Par conséquent, un défi essentiel du développement de nos PME réside non seulement dans la formation initiale mais également dans la formation tout au long de la vie du chef d'entreprise et de ses salariés.


Face à ces quatre défis, je voudrais dégager trois pistes de réflexion sur la promotion de l'esprit d'entreprise et une politique des PME concertée au sein de la Grande Région.

  • Comme première piste, je propose l'amélioration des flux d'informations au sein de la Grande Région.

Dans le cadre des travaux préliminaires de ce Forum, nous avons pu constater que dans certaines entités membres de la Grande Région existent de nombreuses initiatives et mesures mais qu'elles sont peu connues, voire même inconnues dans les autres entités.

Cette lacune pourrait être comblée par la mise en place d'un portail électronique commun "Grande Région" reprenant toutes les actions, initiatives, mesures existantes au sein de la Grande Région.

Ainsi, elles pourraient obtenir une visibilité accrue dans les autres entités membres tout comme dans leur région d'origine.

A moyen terme, des effets de synergie pourraient se dégager permettant, sur la base des informations plus largement diffusées, d'ajouter des instruments communs, ayant une plus-value pour les entreprises de toute la Grande Région.

Un tel portail permettrait non-seulement l'amélioration du flux d'informations entre les entreprises et tous les autres acteurs concernés, mais accentuerait aussi davantage la visibilité de la Grande Région vers l'extérieur.

L'échange des meilleures pratiques, au niveau des entités membres, pourrait aussi se faire par un tel portail. Parallèlement, les différentes démarches administratives pourraient être effectuées en ligne.

Les chambres et organisations professionnelles pourraient nouer des liens entre ce portail et leurs services respectifs traitant ainsi tous les aspects en matière d'entreprise.

  • Ma deuxième piste de réflexion concerne la promotion de l'esprit d'entreprise et de l'esprit d'entreprendre.

Il pourrait s'avérer utile de conjuguer nos efforts en cette matière afin d'obtenir un impact supplémentaire auprès des populations cibles.
En effet, la promotion de l'esprit d'entreprise ne se résume pas à la réalisation de quelques actions éphémères, mais il s'agit bel et bien d'un parcours de longue haleine.

Dans ce contexte, la sensibilisation au goût d'entreprendre des jeunes et notamment des écoliers, des élèves et des étudiants est à considérer comme prioritaire.

Je m'explique.

Il ne s'agit certainement pas, dans ce contexte, d'inculquer aux jeunes tout le savoir-faire nécessaire pour créer ou reprendre une entreprise.

Il s'agit plutôt de les inciter à la prise en charge de soi, à la gestion d'un projet et de leur transmettre le goût du défi.

Ainsi, les jeunes se mettraient à la mise en œuvre de leurs propres idées ou projets tout en évaluant eux-mêmes les opportunités et les risques de ceux-ci.

La comparaison des statistiques de nos pays - des statistiques des entités membres sur ce sujet font malheureusement défaut - avec celles des autres Etats membres de l'Union européenne et le nombre important d'entreprises sans succession illustrent que la Grande Région est à la traîne en matière de promotion de l'esprit d'entreprise.

Il faudra à cet égard aussi améliorer la visibilité des instruments existants en matière de création et de reprise d'entreprises et ceci surtout auprès des "strates" de population sensibles à ce sujet.

S'y ajoute les instruments publics qui sont:

      • la mise en place d'infrastructures d'accueil pour des activités nouvelles et des entreprises en phase de démarrage;

      • la formation professionnelle continue;

      • l'intégration des nouvelles technologies de l'information et de la communication au sein des PME.

Ceci m'amène à penser qu'il importe non seulement d'agir auprès des personnes susceptibles de créer ou de reprendre une entreprise. La finalité de la promotion de l'esprit d'entreprise vise aussi à transformer l'état d'esprit du grand public à l'égard de l'initiative et du risque.

Il va de soi que ce changement de notre état d'esprit ne se fera pas par un coup de baguette magique, mais nécessitera, outre une modification de la mentalité de l'environnement économique, un déploiement important de ressources de la part de tous les acteurs concernés de la Grande Région.

  • Comme troisième piste de réflexion, je propose le thème de l'accroissement de la compétitivité des PME.

Tous les acteurs concernés - publics, parapublics, associatifs, etc. - devraient agir ensemble afin d'améliorer la compétitivité des PME au niveau de la Grande Région sans pour autant entraver les mesures d'amélioration de l'environnement des PME déjà entamées dans chaque entité membre.

Dans ce contexte et à titre d'exemple, une valeur ajoutée certaine pourrait se dégager de la mise en œuvre d'une plate-forme commune aidant les PME à trouver et à employer une main-d'œuvre qualifiée.

Via Internet on pourrait, d'une part, permettre à toutes les entreprises de la Grande Région de faire connaître via Internet leurs offres d'emplois. D'autre part, on permettrait, par la mise en place d'une telle plate-forme, aux jeunes diplômés ainsi qu'aux personnes recherchant un emploi de faire connaître le profil de leur emploi recherché.

Je m'interroge par ailleurs sur la possibilité de simplifier les procédures administratives en supprimant les doubles emplois et en rendant possible l'inscription, l'application et le traitement en ligne d'une majorité des procédures exigées.

Mesdames, Messieurs,

Il va de soi que je n'ai pu qu'esquisser quelques pistes de réflexion.

J'espère que tout au long de cette journée, les experts académiques et les hommes de terrain sauront engager ensemble avec vous des réflexions beaucoup plus détaillées.

Je formule l'espoir que les conclusions de ce Forum guideront le 6e Sommet des Chefs des Exécutifs et tous les acteurs économiques de la Grande Région y compris les PME pour en découvrir la véritable plus value.

Peut-être s'en dégagera-t-il un véritable esprit de Mondorf, un nouvel élan pour la promotion de l'esprit d'entreprise et une politique concertée des PME!

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