Henri Grethen au "Kick-off event : campagne nationale sur l´e-business"

Chambre de Commerce
Jeudi, 18 octobre 2001

Les perspectives de développement du commerce électronique

Mesdames, Messieurs,

Je voudrais tout d’abord remercier les organisateurs qui me font l’honneur d’ouvrir cette campagne nationale de promotion du commerce électronique dans les entreprises.

Il me faut féliciter les "Euro Info Centres" et la Commission européenne pour avoir pris cette initiative de sensibilisation des entreprises.

Il est vrai que les chambres et fédérations professionnelles, plus proches de leurs adhérents, sont bien mieux à même de faire comprendre les avantages et les risques du commerce sur Internet, elles sont mieux placées pour aider les PME à développer une stratégie qui corresponde à leurs objectifs commerciaux, à leurs capacités et à leur environnement.

Le premier objectif dans une campagne d’information et de promotion comme celle d’aujourd’hui est de démystifier le commerce électronique et la prétendue "nouvelle économie", que l’on a un peu vite affublée de vertus magiques.

Les corrections drastiques des valeurs technologiques sur les bourses du monde entier nous ont permis de mettre bon ordre dans l’émergence des nouvelles branches nées dans le sillage des nouvelles technologies de la communication et de l’information. Le krach boursier a permis de séparer le bon grain de l’ivraie et de revenir à l’essentiel : à la technologie et à ses énormes potentialités dans l’économie réelle.

Les études économiques ont montré que s’il y a un effet Internet statistiquement identifiable, il s’est traduit, au cours des dernières années, par un surcroît de croissance qui ne vient pas de la croissance du secteur producteur de nouvelles technologies, mais de l’amélioration de l’efficience du capital productif dans l’ensemble de l’économie. C’est l’incorporation des nouvelles technologies dans le capital des entreprises qui est à l’origine du rebond de la productivité du travail.

On a beaucoup écrit sur l’impact de l’Internet et des nouvelles technologies de l’information et de la communication et le bond de productivité qu’elles permettent de réaliser aux entreprises qui savent domestiquer ce nouveau vecteur de développement. Les NTIC - excusez l’acronyme obligé - offrent de formidables capacités de traitement et d’échange d’information qui permettent de reconfigurer la chaîne de valeur de l’entreprise, du fournisseur au client.

Dans les "Dossiers de l’écho de l’Industrie", la FEDIL conseille aux entreprises, de faire un usage raisonné d’Internet. Je cite :

"A l’heure actuelle où l’Internet révolutionne l’accès à l’information et les modes de communication, il est essentiel pour chaque entreprise d’établir sa stratégie en matière de commerce électronique. Qu’elles soient petites, moyennes ou grandes, les entreprises doivent se poser les bonnes questions afin d’analyser les impacts positifs et négatifs de l’utilisation ou non d’une plate-forme électronique dans toutes leurs activités et plus particulièrement  leurs activités commerciales.

En se lançant dans le commerce électronique, l’entreprise traditionnelle se voit contrainte de modifier profondément ses relations avec ses clients, ses fournisseurs, ses partenaires et ses employés et doit reconfigurer ses processus existants. Il est généralement impossible de reproduire la complexité des processus commerciaux dans une plate-forme électronique." Fin de citation.

On ne saurait mieux dire. Avant tout, les NTIC sont l’affaire des entreprises innovatrices. 

Mesdames, Messieurs,

La politique économique et l’action de l’Etat peuvent faire beaucoup pour favoriser et dynamiser l’environnement digital dans lequel s’inscrivent les entreprises.

Le gouvernement, en lançant le "Plan e-Luxembourg" propose une démarche cohérente et soutenue. Il ne cache d’ailleurs pas ses ambitions, je cite : "il s’agit de lancer, à partir d’aujourd’hui, une véritable offensive dans le domaine des nouvelles technologies. Cette offensive devra assurer à notre pays une position de premier choix parmi les pays de l’Union européenne en route vers la société de l’information. Une très forte mobilisation de la fonction publique elle-même servira de signal pour l’ensemble des forces vives de la nation", fin de citation.

Le plan e-Luxembourg comprend plusieurs paquets de mesures qui intéressent directement les entreprises. J’évoquerai rapidement les projets qui sont de ma compétence, qui ont été confiés au ministère de l’économie.

Il y a, d’une part, la recherche appliquée et l’innovation et, d’autre part, le développement des infrastructures du commerce électronique.

Regardons d’abord du côté de la demande.

L’accès des ménages à l’Internet donne une idée pertinente de la diffusion des nouvelles technologies et de leur utilisation par le consommateur : 42% des ménages étaient connectés sur le Net en avril-mai 2001. En élargissant la définition à ceux qui ont navigué sur le net au moins une fois pendant les trois mois précédent l’enquête, on arrive à 49% des ménages ! Le Luxembourg est sur le bon chemin pour rejoindre le peloton de tête des pays les plus branchés.

Les enquêtes permettent de préciser l’usage de l’Internet : 41% des ménages recherchent des informations et 37% se contentent de communiquer par e-mail.

Le commerce électronique est encore dans les chrysalides. 

Voyons maintenant du côté de l’offre.

La pénétration des entreprises luxembourgeoises sur la Toile progresse rapidement.

Selon une enquête des Eurochambres auprès d’un échantillon représentatif de 600 entreprises actives au Luxembourg, 40% des entreprises se déclarent concernées par le commerce électronique. Les entreprises de services sont en tête, en avance sur les entreprises industrielles. Fin octobre 2000, 10% environ des entreprises déclarent réaliser une partie de leur chiffre d’affaires via des transactions en ligne et 16% des entreprises sont en train d’élaborer une telle stratégie.

Un autre indicateur parlant est le volume de l’annuaire des sites web de l’Entreprise des P&T. Cette publication, qui ne contenait que quelques feuillets il y a deux ans, devient de plus en plus volumineuse.

Récemment, le ministère a confié une étude à Mindforest, un consultant spécialisé, portant sur la qualité des sites répertoriés au Luxembourg : sur les 3.271 entreprises analysées jusqu’à présent, surtout dans l’industrie et la construction, il appert que 14% des entreprises ont un site internet.

L’analyse va permettre de dire quelle est la nature des sites : leur conformité avec la loi sur le commerce électronique, leur fonction, leur accessibilité, leur lisibilité....

Une autre enquête réalisée par le Centre de Recherche public Gabriel Lippmann auprès des entreprises inscrites à la Chambre de commerce a montré quelques résultats troublants :

  • il ressort de l’enquête qu’à peine 17% des entreprises savent ce qu’est une certification numérique, alors qu’il s’agit du pilier central de la signature électronique, 

  • selon l’enquête, 4,4% seulement des entreprises pensent que l’Internet est sûr et 35% pensent que la sécurité pourrait être améliorée.

Conclusion: la majorité des entreprises ignore tout de la signature électronique et n’est pas convaincue de la sécurité sur les réseaux ouverts. C’est bien là que le bât blesse. C’est le défi à relever.

Mesdames, Messieurs,

Il y a deux axes sur lesquels travaille mon département : parfaire le cadre juridique, la loi et les règlements d’une part, et faciliter la mise en place d’une infrastructure à clé publique, appelée plus communément PKI.

Permettez-moi de dire un mot à propos de notre loi sur le commerce électronique.

La loi sur le commerce électronique est entrée en vigueur le 14 août 2000. Comme vous le savez, c’est une loi-cadre qui comprend des dispositions sur la signature électronique - la preuve, la certification et l'accréditation - ainsi que sur les contrats conclus par voie électronique, la responsabilité des fournisseurs d'accès, les paiements électroniques et les communications commerciales.

Elle contient aussi certaines dispositions sur le traitement des données à caractère personnel.

Enfin, le cadre juridique comprend des dispositions en faveur de la protection des consommateurs, y compris – et je le souligne - en matière de services financiers négociés à distance. Malheureusement, la directive sur les services financiers négociés à distance n’a pas encore été adoptée définitivement par le Conseil et le Parlement européen.

Je vous ferai remarquer que le Luxembourg a toujours défendu le principe du pays d’origine dans les instances communautaires. Ce principe fondamental doit permettre d’exporter plus facilement la palette des services de la place financière dans un marché européen unifié.

J’ai également déposé un projet de loi, le 8 mars 2001, sur la protection des consommateurs dans les ventes à distance afin d’étendre la protection bienveillante du législateur sur les transactions autres qu’électroniques, conformément à la directive communautaire.

Le principe du pays d’origine est soutenue très fortement par le Luxembourg qui a protesté vivement contre la fragmentation du marché communautaire, contraire à la philosophie du marché intérieur.

Depuis lors, nous n’avons point chômé et le plan Luxembourg, dans lequel j’ai pris une part active, vient à point nommé pour parfaire les infrastructures dont a besoin l’économie luxembourgeoise – les entreprises et les consommateurs.

Un règlement grand-ducal du 1er juin de cette année définit les conditions pratiques de la signature électronique et fournit la base habilitante pour la publication de la kyrielle de normes dont nous avons besoin pour faire fonctionner la signature électronique dans la pratique.

Il est en effet primordial de désigner les normes techniques que doivent appliquer les prestataires de services de certification. Mais ces normes, qui sont européennes sinon mondiales, ne sont pas encore publiées ou ne le sont que très partiellement.

Mesdames, Messieurs,

La sécurité est la capacité de résister à un niveau de confiance donné aux événements accidentels ou aux actions malveillantes.

Il y a plusieurs risques qui peuvent entraver les échanges commerciaux sur la Toile.

Tout d’abord, les communications peuvent être interceptées et des données peuvent être copiées ou modifiées.

Ensuite, il peut y avoir une intrusion par des logiciels malveillants, comme des virus qui peuvent désactiver un ordinateur, effacer ou modifier les données. Tout le monde a encore en tête le virus ravageur appelé "I love you" ou "Melissa".

Une troisième faiblesse des transactions sur le net sont les déclarations mensongères. Il est en effet toujours possible de se faire passer pour quelqu’un d’autre, d’usurper une identité d’un concurrent ou d’une autre personne privée. Pour remédier à ce problème, il est indispensable de mettre en place une infrastructure à clé publique, plus connue sous l’acronyme PKI : "public key infrastructure".

Enfin, les catastrophes naturelles ou les attaques terroristes ne sont pas exclues. Inimaginable, il y a encore quelques mois, nous avons assisté à un événement tragique le 11 septembre 2001 avec l’attaque sur le World Trade Center.

De plus, les réseaux sont toujours vulnérables suite à une erreur humaine ou à une défaillance de matériel ou de logiciel.

Pour parer à ces menaces, il faut une stratégie, un plan global de sécurité des réseaux impliquant tous les acteurs potentiels, les opérateurs, les entreprises et leurs employés ainsi que les administrations.

Les entreprises doivent être à la pointe de ce combat contre l’insécurité des réseaux numériques.

C’est ce que demande la Commission européenne dans une très récente communication sur la sécurité des réseaux.

Un tel plan ne peut être décrété du haut du 12e étage du Forum Royal. Il doit s’appuyer sur des actions de sensibilisation, de soutien technologique, de développement rapide de la normalisation, de la promotion de la certification et de la reconnaissance mutuelle des certificats en Europe et dans le monde.

Pour prendre en charge les problèmes de sécurité, j’ai pris deux mesures importantes :

Premièrement, j’ai mis en place, dans le cadre du plan e-Luxembourg, une plate-forme "sécurité des réseaux et PKI" qui a pour objectif de réunir tous les experts en informatique afin d’élaborer ou de sélectionner les normes de sécurité les plus fiables pour le commerce électronique et de mettre en place les politiques et les procédures pour une sécurisation des réseaux aussi bien privés que publics. J’attends les résultats d’une étude et des recommandations pour le début du mois de novembre.

Deuxièmement, j’ai nommé les membres du comité pour le commerce électronique qui doit faire des recommandations pour l’analyse et l’évaluation de la loi et de la réglementation.

En effet, la loi sur le commerce électronique, ainsi que je l’avais promis à maintes reprises, sera régulièrement évaluée quant à son efficacité dans le dialogue avec toutes les parties intéressées.

Avec la Chambre de commerce et la Chambre des métiers, j’ai mis en œuvre un autre projet qui doit, lui aussi renforcer la confiance des consommateurs : il s’agit de la création d’un label de qualité des sites internet. Les études en vue de la création du label ont été lancées et j’attends les résultats pour la fin de l’année.

Certains aspects que j’ai évoqués ici seront développés dans la présentation qui va suivre.

Pour ma part, je ne peux pas terminer mon introduction sans répéter l’importance de cette campagne d’information qui doit être continue et soutenue.

Mais il me faut insister sur l’essentiel : les perspectives du commerce électronique dépendent surtout et avant tout de l’éventail de l’offre, de la qualité et de la diversité des produits et services offerts, de l’efficacité du réseau de distribution et, bien sûr des prix qui sont offerts sur le Net.

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