Discours du ministre de l'Economie Henri Grethen lors de l'inauguration de la centrale TGV à Esch/Alzette

(seul le discours tel que prononcé fait foi)

Altesses Royales,
Madame et Messieurs les Bourgmestres,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Chers Invités,

La centrale électrique que nous avons le plaisir et l’honneur d’inaugurer aujourd’hui a fait couler beaucoup d’encre au point qu’on a tendance à oublier qu’il s’agit ici d’une technologie de pointe à haut rendement et qui représente actuellement la meilleure technologie disponible pour la production d’électricité à un prix économiquement abordable.

Le rôle que la centrale Turbine-Gaz-Vapeur, dite "TGV" joue dans le paysage électrique luxembourgeois ne peut être apprécié à sa juste valeur si on ne connaît pas le parcours de la fée électrique au Luxembourg.

Tout commence avec l’essor fulgurant de notre sidérurgie au début du dernier siècle. Les usines sidérurgiques n’étaient pas seulement les plus grands consommateurs d’électricité, elles étaient également les seuls grands producteurs de cette forme d’énergie et cela grâce aux gaz parvenant des hauts fourneaux.

A l’aube de la première guerre mondiale, la production de ces usines dépassait de loin leur propre consommation et le Gouvernement de l’époque se proposa de prendre cette situation comme point de départ du projet de l’électrification générale de notre pays.

Le surplus de la production d’électricité provenant des usines sidérurgiques devrait être utilisé pour approvisionner les réseaux électriques d’un futur concessionnaire général dont la mission principale serait d’amener l’électricité dans toutes les régions et localités et d’en fournir à toute personne qui en ferait la demande.

Finalement, ce n’est qu’en 1927 et 28 respectivement que ces projets ont pu se réaliser. D’abord par la création de la société coopérative SOTEL qui a eu comme objet non seulement la fourniture en électricité des usines sidérurgiques mais aussi l’approvisionnement du réseau public exploité par la société CEGEDEL créée en 1928.

On notera en passant que ces deux sociétés reprennent la majorité de l’électricité produite par la centrale que nous avons le plaisir d’inaugurer aujourd’hui.

La récession économique des années trente suivie de la deuxième guerre mondiale allaient retarder le développement du secteur électrique luxembourgeois jusqu’au début des années cinquante.

Ce n’est qu’à cette époque que l’Etat a pu entamer la valorisation du potentiel hydroélectrique de notre pays, d’abord par l’aménagement des barrages d’Esch/Sûre et de Rosport et ensuite par la réalisation d’une des plus importantes centrales de pompage à accumulation à Vianden.

Au moment de la mise en service des centrales d’Esch/Sûre et de Rosport, celles-ci suffisaient à faire face à un quart de la puissance électrique totale demandée par le réseau public, le complément étant fourni par SOTEL.

Parallèlement la capacité de production d’électricité des usines sidérurgiques avait sensiblement diminué. Conséquence directe d’une utilisation plus rationnelle des hauts-fourneaux réduisant ainsi le volume de gaz disponible pour la production d’électricité ainsi que d’une consommation accrue d’électricité par ces mêmes usines, engendrée par une automatisation de plus en plus poussée des procédés de fabrication.

Il fallait donc songer à des alternatives. Fort heureusement, la construction de la centrale de Vianden présentait également l’occasion pour le réseau public de se raccorder au réseau électrique allemand et en l’occurrence à celui de RWE.

En 1964 les fournitures de RWE et de nos centrales hydroélectriques ont pris le relais de la fourniture de SOTEL pour le compte du réseau public.

Si au début des années soixante, la consommation du réseau public ne s’élevait qu’à 230 GWh, le développement économique fulgurant du Luxembourg allait porter ce chiffre au sextuple en 1975, tandis que les fournitures en provenance de nos centrales hydroélectriques commençaient à devenir insignifiantes. Sans parc de production autochtone, le Luxembourg était entièrement tributaire de l’étranger.

Le développement pacifique de l’énergie nucléaire battait de son plein et il n’est que logique qu’une centrale nucléaire constitua une option sérieuse – du moins jusqu’au mémorable moratoire voté le 11 décembre 1977 par le parti socialiste, alors au pouvoir.

Quelques années plus tard le projet d’une centrale électrique au charbon à construire aux abords de la Moselle, pour ne pas dire au site même de la défunte centrale nucléaire, n’a pas manqué d’attraits. Or, l’hostilité de l’opinion publique a rapidement conduit à l’abandon de ce projet.

On est au milieu des années quatre-vingt dix. Encouragé par le développement prometteur de la technologie turbine-gaz-vapeur, le Gouvernement lance une étude de faisabilité de la construction d’une centrale TGV au Luxembourg.

Parallèlement, la sidérurgie envisage d’abandonner la filière "fonte" au profit d’aciéries électriques. Etant donné que cette technologie engendra un accroissement significatif de la consommation d’électricité, l’autorisation d’exploitation de la première aciérie électrique à Esch-Schifflange met ARBED dans l’obligation d’analyser la faisabilité d’une production d’électricité sur le site afin d’éviter dans la mesure du possible l’importation d’électricité et la construction de nouvelles lignes haute tension.

Les deux études étaient concluantes et par la suite le Gouvernement et ARBED, tout en ne souhaitant pas devenir producteurs d’énergie électrique, avaient pris en décembre 1995 la décision de constituer un groupement d’intérêt économique, appelé GIE-TGV, ayant pour objet de promouvoir la construction d’une centrale TGV sur le territoire luxembourgeois.

N’oublions pas non plus que les contrats de fourniture d’électricité tant de CEGEDEL que de SOTEL venaient à échéance pour le 1er janvier 2001. Une production autochtone d’électricité serait certainement à même de bousculer les idées de nos fournisseurs traditionnels en les mettant en concurrence.

La première mission du GIE-TGV consistait à valider la rentabilité d’une centrale TGV implantée au Luxembourg et à désigner un groupement de bureaux d’études international et qualifié, chargé de l’établissement du dossier d’appel d’offres. En date du 1er janvier 1997 ce dernier a été mis à la disposition de dix candidats présélectionnés.

Les candidats devaient offrir obligatoirement une solution de base établie sur une centrale de 200 MW environ et, en variante, ils pouvaient offrir une solution allant jusqu’à 350 MW. Pour chaque variante, les candidats devaient prévoir un soutirage d’énergie thermique garanti jusqu’à 25 MW thermiques afin d’alimenter un réseau de chaleur urbain à réaliser à Esch/Alzette.

Des dix candidats retenus, sept avaient remis une offre pour le 15 avril 1997. Deux candidats ont dû être éliminés pour non-conformité au dossier d’appel d’offres.

A partir du 29 septembre 1997 eurent lieu les premières négociations avec les candidats encore en course.

Au terme de ces négociations, la proposition d’ELECTRABEL s’est révélée être la meilleure et l’affaire lui fût adjugée le 19 janvier 1998. ELECTRABEL a par la suite constitué TWINerg, société anonyme de droit luxembourgeois, qui deviendrait propriétaire et gestionnaire de la nouvelle centrale électrique.

Les offres remises par les candidats ainsi que les négociations subséquentes ont montré qu’une centrale de 350 MW serait plus rentable qu’une centrale de 200 MW.

Or, aux yeux des responsables du Ministère de l’Environnement une centrale d’une telle envergure n’était pas sans créer des problèmes au niveau des statistiques concernant les émissions nationales de CO2 . Il faut en effet savoir que les émissions de CO2 liées à nos importations d’électricité ne sont pas prises en compte par les statistiques internationales.

En d’autres mots, toutes les mesures que le Luxembourg prend en faveur d’une production plus efficace d’électricité, que ce soit par des unités TGV ou par cogénération pénalisent en fait notre bilan d’émissions de CO2, tandis que la production d’électricité par des sources d'énergie renouvelables est uniquement neutre en ce qui concerne ce bilan. Il est vrai, la réalité est parfois absurde.

Toujours est-il que cet état des choses explique pourquoi les responsables du Ministère de l’Environnement ont obligé TWINerg à se déclarer d’accord de soutirer l’énergie thermique pour approvisionner un éventuel réseau de chaleur ainsi qu’à des fins industriels, jusqu’à ce qu’un rendement global de la centrale de 75% soit atteint.

Même si aujourd’hui aucune énergie thermique n’est soutirée, la centrale ne gaspille pourtant pas d’énergie car la centrale est optimisée pour la production d’électricité et ceci au rendement très élevé de 56%.

En effet, au dernier stade du processus TGV, c’est-à-dire à la sortie de la turbine à vapeur la température de la vapeur n’est plus que de 30 degrés Celsius environ, elle n’est donc plus utilisable pour alimenter un réseau de chaleur ou de fournir un quelconque autre travail.

Soyons clairs: Afin de pouvoir approvisionner un réseau de chaleur, il faut soutirer de l’énergie thermique au niveau de la turbine à vapeur, ce qui signifie que cette énergie déviée n’est plus à la disposition pour la production d’électricité. Bref, le rendement de production d’électricité chute tandis que le rendement global de la centrale augmente.

A la limite on pourrait même complètement renoncer à la production d’électricité pour utiliser abusivement la centrale comme une grande chaudière. Ainsi on pourrait même dépasser le rendement global de 75%. Il va de soi qu’une telle approche ne ferait économiquement et écologiquement pas de sens.

Certes, une installation de cogénération présente un rendement global supérieur à 80%. Or, une cogénération est optimisée pour répondre aux besoins de chaleur, l’électricité n’y est qu’un produit de "déchet". Une cogénération d’une puissance électrique de 350 MW équivaudrait à une demande thermique de quelques 1400 MW ce qui suffirait probablement pour chauffer tous les ménages établis sur notre territoire.

N’oublions pas non plus que le prix de la production d’électricité issue d’une installation de cogénération est en moyenne 3 fois supérieur au prix de vente de TWINerg.

Ce qui ne veut pas dire que le Gouvernement se désiste de toute responsabilité en matière de cogénération, bien au contraire. Le Gouvernement poursuit depuis 1994 une politique très active de promotion de la cogénération et qui a porté ses fruits. Suffit-il de vous dire qu’en 2001, le volume d’électricité produite par cogénération a atteint 230 GWh soit l’équivalent de la consommation totale d’électricité du réseau public au milieu des années soixante.

Afin d’éviter tout malentendu, il faut également souligner que TWINerg n’a ni l’obligation de construire un quelconque réseau de chaleur ni de faire de la prospection auprès de clients potentiels ou futurs. TWINerg a uniquement l’obligation de mettre à disposition de l’énergie thermique s’il y a une demande d’un ou de plusieurs clients et cela jusqu’à ce que le fameux rendement global de 75% soit atteint.

Comme la centrale est située à proximité des friches industrielles d’ARBED, dont notamment la partie de Belval-Ouest sera prochainement développée par AGORA, une analyse approfondie des possibilités d’alimentation de ces nouveaux projets par un réseau de chaleur s’impose. Cette analyse devra également prendre en compte toutes les autres opportunités qui se présentent à proximité de la centrale.

L’Etat, les Communes concernées et Agora ont par conséquent décidé de constituer un groupement d’intérêt économique, dénommé GIE-Sudcal, a qui incombe la charge de cette analyse. Le GIE-Sudcal est opérationnel et les conclusions des études afférentes seront disponibles pour la fin de l’année.

Le Ministère de l'Economie est en tout cas prêt à cofinancer un éventuel réseau de chaleur et d’utiliser au maximum la marge de manœuvre laissée par la Commission européenne dans le cadre des aides d’Etat pour la protection de l’environnement.

Il n’en reste pas moins qu’un éventuel réseau de chaleur doit présenter une certaine viabilité économique et que le prix de vente de la chaleur devra être compétitif par rapport aux formes d’énergie concurrentes.

En ce qui concerne le choix du site, il y a lieu de rappeler que le site retenu est proche d’un important centre de consommation d’électricité, que toutes les infrastructures nécessaires, à savoir lignes électriques, gazoducs, canalisation et routes ont été présentes.

Dans ce contexte il y a lieu de noter également que la technologie TGV a permis d’éviter la construction d’une tour de refroidissement éliminant ainsi tout panache de vapeur.

La construction très compacte de la centrale a en outre permis d’observer des niveaux d’émissions acoustiques extrêmement strictes. En effet, le bruit de fond de l’autoroute qui longe le site, dépasse facilement celui de la centrale.

La centrale de TWINerg n’a pas seulement permis de diversifier notre approvisionnement en énergie électrique à des conditions plus compétitives.

Si l’on sait que l’opération en base  de cette centrale accroîtra la consommation de gaz naturel de notre pays de quelques 80%, on comprend aisément le grand intérêt que les potentiels fournisseurs de gaz naturel ont porté à cette centrale.

Ainsi SOTEG, principal importateur luxembourgeois de gaz naturel, devait offrir à l’exploitant de la centrale TGV un approvisionnement régulier et fiable à des prix de marché hautement concurrentiels.

A cette fin les pourparlers de SOTEG avec les principaux importateurs et producteurs européens de gaz naturel ont abouti d’un côté à la conclusion de contrats de fourniture avec le premier gazier allemand RUHRGAS et de l’autre côté à la construction d’un nouveau gazoduc reliant le réseau de gaz naturel luxembourgeois au réseau allemand à Mittelbrunn, point d’intersection de deux des plus importants gazoducs européens, contribuant de cette façon à augmenter considérablement la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel du Grand-Duché.

TWINerg a également créé 18 emplois durables et non subsidiés, car saviez-vous que la centrale de TWINerg a été construite et sera exploitée sans aucune intervention financière de l’Etat ?

En résumé, je crois pouvoir affirmer que la centrale TGV de TWINerg constitue à tous les égards un atout majeur pour notre économie mais aussi pour l’environnement dans la mesure où cette centrale remplace en quantités industrielles de l’électricité importée issue de centrales au charbon et de centrales nucléaires.

Je ne voudrais pas terminer mon discours sans avoir vivement félicité tous les acteurs et responsables qui ont contribué à la réussite de ce projet très important pour le secteur électrique luxembourgeois.

Je vous remercie de votre attention.

Dernière mise à jour