Discours de la ministre Hennicot-Schoepges lors de l'inauguration de la de la chaire de Langue et culture luxembourgeoises à l'Université de Namur

Excellences,
Mesdames,
Messieurs,

Permettez-moi d’exprimer ma joie de pouvoir assister à l’inauguration de la chaire de "langue et de culture luxembourgeoises" à l’université de Namur. J’y vois le signe d’une ouverture de votre université et d’une façon plus générale de la Wallonie pour la langue nationale de mon pays et de sa culture, langue qui d’ailleurs déborde la frontière luxembourgeoise et est pratiquée dans la province du Luxembourg par un certain nombre d’habitants.

Depuis de très longues années, la Belgique et le Luxembourg ont été reliés par des liens d’amitié qui s’exprimaient surtout aux niveaux politique et économique. Cette initiative de l’université de Namur vient renforcer les liens culturels et les relations au niveau universitaire existant entre nos deux pays. Je sais qu’il existe déjà des liens entre le département de technologie de l’enseignement de votre université et  l’Institut Supérieur d’études et de recherches pédagogiques de Luxembourg, au niveau de la recherche et de la formation des formateurs. J’espère que des liens avec les autres institutions d’enseignement supérieur se développeront à l’avenir. J’ai d’ailleurs soumis au Parlement luxembourgeois un projet créant l’ Université de Luxembourg qui essaye d’intégrer, dans un cadre cohérent, l’ensemble des institutions d’enseignement supérieur existant au Luxembourg, c’est-à-dire le Centre universitaire, l’Institut supérieur d’études et de recherches pédagogiques, l’Institut supérieur de technologie et l’Institut d’études éducatives et sociales.

Après l’université de Trèves, et bien sûr celle de Luxembourg, vous êtes la troisième université à offrir un cours consacré à la langue et à la culture luxembourgeoises. D’autres universités ont créé des instituts de langue et de culture luxembourgeoises comme par exemple l’université de Sheffield en Grande-Bretagne et l’université linguistique de Moscou, sans qu’une chaire y soit cependant reliée.

Si j’ai bien compris, la chaire qui sera inaugurée aujourd’hui a deux caractéristiques. Elle sera interfacultaire; le cours proposé sera donc accessible à l’ensemble des étudiants de toutes les facultés. D’un autre côté, elle combinera les volets théoriques et pratiques puisqu’elle permettra autant de décrire la langue luxembourgeoise de manière scientifique que d’y donner une introduction pratique. De plus, comme on le suggère  dans le texte de l’invitation, ce cours est important sur le plan de l’emploi, vu qu’il familiarisera certains étudiants avec notre langue et notre culture et augmentera leur chance de trouver un emploi au Grand-Duché, s’ils le désirent.

Quoique au niveau international le Luxembourg soit considéré comme faisant partie des pays francophones, vous n’ignorez pas que le luxembourgeois est notre langue maternelle. Elle était longtemps déconsidérée, même au Grand-Duché, et au siècle passé on parlait souvent de patois pour désigner notre langue ou on l’appelait parfois "Lëtzebuerger Däitsch", c’est-à-dire "allemand luxembourgeois"; on se faisait fort de pratiquer le français auquel on attachait une valeur culturelle particulière. Ces temps sont heureusement révolus et personne chez nous n’a l’impression de pratiquer un dialecte ou un patois lorsqu’il s’exprime dans sa langue maternelle. La loi de 1984 sur le régime des langues décrète à l’article premier "que la langue nationale des Luxembourgeois est le luxembourgeois". Les autres articles de cette loi spécifient quels sont les champs d’application du français et de l’allemand.

Que le luxembourgeois ait dépassé le stade de dialecte ne tient pas seulement à cette loi, il me semble; il faut constater que cette langue a conquis progressivement presque tous les domaines réservés aux langues standard: on le pratique au Parlement, au Palais de justice, à l’Église. Une abondante littérature en langue luxembourgeoise s’est développée à partir du  19ième siècle. Alors qu’au début, c’étaient la poésie lyrique et le théâtre qui prédominaient, peu à peu presque tous les domaines de la littérature, roman, nouvelle, polar, littérature enfantine ont été conquis par le luxembourgeois. La langue elle-même traverse une phase de créativité intense pour s’adapter aux domaines les plus variés.

La plupart des linguistes sont aujourd’hui d’accord pour lui attribuer le statut d’une véritable langue qui mérite qu’on l’étudie pour elle-même sans la placer dans le cadre des dialectes allemands et particulièrement des dialectes franciques. Ou, pour le dire avec une boutade: "Une langue, c'est un dialecte qui a réussi!". C'est pourquoi j'ai entrepris les mesures nécessaires pour que le luxembourgeois soit reconnu auprès de la Commission européenne à Bruxelles comme notre langue nationale.

En tant que langue nationale le luxembourgeois doit évidemment disposer des mêmes instruments que toute langue standard. Comme il s’agit, toutes proportions gardées, d’une langue récente sur l’échiquier des langues européennes, il est normal que cette infrastructure ne soit pas encore complète. Ceci explique que des équipes de chercheurs sont en train de travailler là-dessus. On vient de développer un correcteur orthographique de la langue luxembourgeoise qu’on pourra sous peu télécharger. Un dictionnaire moderne de la langue luxembourgeoise est en cours d’élaboration et Mme Claudine Moulin, à laquelle vous avez confié cette chaire, dirige l’équipe travaillant sur le nouveau dictionnaire. D’autres projets sont en route ou sont prévus, une histoire de la langue luxembourgeoise, l’élaboration d’une grammaire prenant en compte l’état actuel de la langue luxembourgeoise.

En tant que Ministre de la Culture du Grand-Duché de Luxembourg je suis particulièrement heureuse que la chaire inaugurée aujourd’hui comporte également un volet culturel. Est-il prétentieux de parler d’une culture luxembourgeoise ? Je pense que non. Si on définit la culture avec Larousse comme "ensemble des usages, des coutumes, des manifestations artistiques religieuses, intellectuelles qui définissent et distinguent un groupe, une société", il est évident que le Grand-Duché possède une culture dont on peut d’ailleurs mettre en évidence certaines caractéristiques

  • Elle a une grande capacité d’assimilation, elle intègre des éléments germaniques et romans, au niveau culturel autant qu’au niveau linguistique,

  • elle tend à devenir de plus en plus (multiculturel)cosmopolite du fait de l’influence croissante des concitoyens étrangers qui constituent actuellement plus du tiers de la population du pays,

  • elle est dynamique et cherche à aspirer au niveau culturel de ses grands voisins, France, Belgique, Allemagne pour devenir peu à peu un interlocuteur égal;

  • elle est tolérante et cherche à respecter les expressions culturelles multiples de nos concitoyens étrangers.

Je ne vais pas vous ennuyer par une énumération des activités culturelles dans des domaines aussi variés que le théâtre, la musique, les arts, la littérature.

Permettez-moi à la fin de réitérer mes remerciements à l’Université de Namur pour l’introduction de cette chaire. Chaque fois que notre langue est reconnue au niveau universitaire, nous en ressentons de la fierté et de la reconnaissance. Elle nous tient à cœur, elle est un facteur essentiel de notre identité.

Je vous remercie de votre attention.

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