Lydie Polfer, ministre des Affaires étrangères: L'action extérieure de l'Union européenne (discours d'ouverture d'un colloque organisé par l'Association des juristes en contentieux communautaire)

En 50 années la construction européenne a accompli des choses remarquables pour les citoyens de notre continent. Elle a permis la modernisation et la croissance de l’économie européenne après les ravages de la guerre. En matière politique, elle a contribué à consolider la démocratie dans des pays qui avaient connu la dictature. Elle a crée un pôle de stabilité, de liberté et surtout de paix, rencontrant ainsi les aspirations premières de toute société organisée, et elle s'apprête à accueillir tout naturellement les pays qui se sont libérés de la tyrannie soviétique.

L’Europe est en marche, aussi au niveau de son renforcement interne. Le marché unique et la monnaie commune ont jeté les bases d’une économie intégrée et performante au-delà des cycles conjoncturels qui doivent évidemment nous préoccuper.

Ainsi, l’Europe élargie, avec près de 500 millions d'habitants représente de loin le premier marché mondial en termes de consommateurs, deux fois plus que les Etats-Unis, 4 fois plus que le Japon et  l’Europe est déjà aujourd’hui le premier exportateur de biens industriels et de services, représentant à elle seule 20% des exportations mondiales,

Alors que l'Union et les Etats membres se dotent des moyens pour affronter les défis d’un monde globalisé, les Européens ont pris graduellement conscience que le succès de l’intégration ne serait pas complet sans les moyens de préserver ces acquis et de rehausser le profil de leur modèle dans le monde, en devenant un acteur politique engagé et crédible sur la scène internationale.

Ce souci explique les progrès  successifs accomplis en quelques années, notamment depuis la désignation du Haut Représentant pour la PESC, dans la mise en place d’une politique étrangère et de sécurité commune, à même de défendre les intérêts et les valeurs de l’Europe.

Afin de pouvoir mesurer toute l'ampleur du chemin parcouru, il convient de revenir un pas en arrière. Certes, les Etats membres s'efforçaient depuis 1970 de se concerter sur les grands problèmes de politique internationale dans le cadre de la Coopération politique européenne, mais l'expression de "politique étrangère commune", n'a fait son apparition que dans le Traité de Maastricht (entré en vigueur le 1 nov 1993), soit plus de 40 ans après le début de la construction européenne, permettant dès ce moment à l'Union de faire entendre sa voie sur la scène internationale et d'exprimer sa vue sur des situations de conflit, le respect des droits de l'homme ou les valeurs qu'elle souhaite défendre au plan international.

L'éclatement de la Yougoslavie dans des conditions tragiques, a mis en évidence la nécessité pour l'Union d'être en mesure de réagir et de prévenir, plutôt que d'être cantonnée au rôle du spectateur obligé de limiter son engagement à des déclarations et de réserver son action concrète à la réparation des conséquences, notamment humanitaires, des conflits.

Révisée par le traité d'Amsterdam, (dont les articles 11 à 28 définissent la portée et les moyens de la politique étrangère et de sécurité commune), l'Union  dispose depuis son entrée en vigueur en mai 1999  des moyens pour se préoccuper de l'ensemble des questions relatives à sa sécurité en plaçant l'accent sur la prévention des conflits. Après le Conseil de Cologne (juin1999) qui a placé les missions de gestion de crise, de maintien ou de rétablissement de la paix au centre de la PESD, les Conseils européens successifs ont progressivement donné corps à cette volonté et doté l'Union d'une force de réaction rapide de 60 000 hommes (Helsinki) afin d'être prête à réagir aux crises qui peuvent survenir, sans préjudice des actions entreprises par l'Otan, donnant ainsi à notre politique extérieure et de sécurité commune une dimension opérationnelle dans un domaine essentiel.

Le Conseil de Nice enfin a mis en place les nouvelles structures politiques et militaires permanentes pour assurer le contrôle politique et la coordination des actions et des opérations, notamment le Comité politique et de sécurité (Cops) et le Comité militaire.

Finalement, en marge du dernier Conseil de Copenhague (en décembre 2002) ont été défini les arrangements qui permettent la participation de pays tiers à la gestion militaire de crises par l'UE et l'accès aux moyens de l'Otan, alors qu'à Feira déjà, l'Union avait décidé de développer les aspects civils de cette gestion en engageant les Etats membres à mettre à disposition de l'Union, dès 2003 , 5000 policiers pour des missions internationales, ainsi que des moyens permettant de renforcer l'état de droit, l'administration civile et la protection civile dans le cadre de missions internationales.

Tous ces arrangements auront permis l'envoi d'une première mission de police en Bosnie-Herzégovine à la fin de l'année dernière et, au printemps prochain, la première opération militaire de gestion de crise de l'UE, consistant en la reprise de la mission Amberfox de l'Otan en ARYMacédoine.

Dans tous ces domaines de coopération, il reste certes des progrès importants à accomplir. Il ne s'agit pas de nier, ni les problèmes, ni les lacunes de la politique étrangère de sécurité commune mais non pas unique.  Une évolution particulièrement prometteuse constitue à mes yeux la disposition concernant  les coopérations renforcées introduite dans le traité de Nice et permettant à un groupe d'au moins 8 pays de mettre en œuvre des actions ou des positions communes à condition que celles-ci ne portent pas sur des questions ayant des implications directes dans les domaines militaire ou de la défense.

Notre démarche implique également que la défense des pays européens pourrait  être réorganisée et mise au service de notre politique commune, le tout, en bonne intelligence et synergie avec la stratégie et les capacités de l'OTAN, qu'il s'agit, ni de dédoubler, ni de rendre désuètes. L'article 17 du traité d'Amsterdam ouvre un vaste chantier d'avenir en fournissant la base pour une telle évolution: "La politique étrangère et de sécurité commune inclut l'ensemble des questions relatives à la sécurité de l'Union, y compris la définition progressive d'une politique de défense commune, ….qui pourrait conduire à une défense commune, si le Conseil européen en décide ainsi."

Cependant, notre action extérieure ne se définira pas en premier lieu par ses composantes militaires. Le projet européen en soi est la plus vaste initiative de paix et de stabilité jamais lancée.

Avec l'élargissement de l'Union, nous nous trouvons devant une véritable échéance historique, alors que nous avons la chance de pouvoir partager avec les pays d’Europe centrale et orientale - et au-delà des frontières directes de l'Union- notre expérience du maintien de la paix et de la stabilité par l’intégration. L'histoire de la construction européenne représente en effet une des plus grandes réussites de tous les temps ; la victoire sur les rivalités séculaires et les guerres fratricides, au profit d’une ère nouvelle faite de coopération et de solidarité.

Cette victoire pour l'Europe, nous devons l'offrir en partage.

La déclaration de Robert Schuman tout comme le préambule du premier traité européen énonçaient déjà cette dimension morale et visionnaire de l’entreprise européenne. La fusion des intérêts économiques devait fonder ‘les premières assises d’une communauté plus large et plus profonde entre des peuples longtemps opposés par des divisions sanglantes, et jeter les bases d’institutions capables d’orienter un destin désormais partagé.’

Cette Europe  que nous aspirons à ériger ne sera pas une Europe-puissance qui chercherait à imposer une quelconque hégémonie. Notre aspiration et notre vision est celle d'une Europe-partenaire, non pas observateur d’un monde en mutation, mais acteur engagé sur la scène internationale.

Après l'expérience de la guerre froide et de la division de notre continent nos citoyens ne veulent pas non plus d’une Europe - ou d'un monde - des fractures ou des séparations. Ils réclament une Europe enfin réunie dans toutes ses composantes, qui a tiré les leçons de son histoire et véhicule ses valeurs. Une majorité d'Européens aspirent à réaliser une Europe fondée sur l'équilibre entre unité et diversité, entre fédéralisme et souveraineté nationale, entre progrès économique et justice sociale. Une Europe finalement qui s'agrandit sans défaire les acquis de 50 ans de solidarité concrète et d'intégrations successives et qui tisse des liens de coopération étroite et mutuellement profitable avec ses partenaires d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine ….

Pour vivre cette ambition, nous disposons d’un large éventail d’instruments très différenciés qui peuvent être mis au service de notre action extérieure. Je pense évidemment aux instruments que sont la politique commerciale commune, la politique de coopération au développement, l’aide humanitaire, domaines qui sont aussi des politiques communautaires dans lesquelles la Commission joue un rôle de première importance, pour lesquels elle dispose d'un droit d'initiative, de budgets conséquents et de moyens d'exécution adaptés. Je pense aussi au dialogue politique et à la politique du voisinage, qui relèvent du Conseil qui décide en principe à l'unanimité.

Le Haut Représentant pour la Politique étrangère et de Sécurité commune assiste le Conseil dans cette tâche en contribuant notamment à la formulation, à l'élaboration et à la mise en oeuvre des décisions politiques. Il peut également conduire, au nom du Conseil et à la demande de la Présidence, le dialogue politique avec des tiers. Parmi les instruments à disposition de la PESC je voudrais relever plus particulièrement les stratégies communes (actuellement au nombre de trois, à l'égard de la Russie, de l'Ukraine et de la Région méditerranéenne et imposant des obligations à tous les partenaires), les positions communes pour des questions particulières et qui exigent que les Etats membres accordent leurs approches nationales conformément à la position arrêtée en commun, ou encore les actions communes pour des situations exigeant une action opérationnelle de la part des Etats membres.

Ces différents outils nous permettent de moduler notre approche, selon le type de défi auquel nous devons répondre, et de nuancer nos initiatives afin de garantir leur efficacité. Mais, vous en conviendrez: le nombre élevé d'intervenants et d'instruments ne facilite pas forcément, ni la prise de décision,  ni une communication aisée de notre approche.

Il n'est dès lors pas surprenant que les travaux de la Convention accordent une large place à la définition de l'action extérieure et qu'une majorité de Conventionnels se prononce pour un renforcement de cette action. Ils rejoignent ainsi le sentiment général de bien des citoyens qui souhaitent que l'Union puisse également traduire son poids économique en influence politique et morale.

Le groupe de travail de la Convention qui s'est penché sur les améliorations à apporter, préconise, tout comme les gouvernements du Benelux, comme un premier moyen la fusion des postes du Haut Représentant et du Commissaire aux relations extérieures afin de dégager des synergies plus grandes et d'assurer pleinement la cohérence et l'efficacité de l'action extérieure.

La crédibilité de notre politique extérieure dépend justement de l'efficacité et de l’adéquation des instruments par rapport aux objectifs que nous nous fixons. Nous avons trop souffert du décalage entre les paroles et les actes, notamment pendant les conflits de Croatie ou de Bosnie, mais aussi au Proche-Orient ou en Afrique. Les crises des Balkans, tout comme la montée en puissance du terrorisme international,   nous ont appris combien l’instabilité - où qu’elle règne en Europe où à ses frontières - est dangereuse pour nous tous.

Evidemment, le renforcement du rôle du Haut Représentant reste vain si les Etats membres n'arrivent pas à mieux faire converger leurs positions. A quoi peut en effet servir un représentant unique s'il n'a pas de message commun à délivrer? Je salue donc tout particulièrement les propositions qui visent la généralisation du vote à majorité qualifiée et limitent le recours au veto.

Je dois concéder que notre division ouverte sur la question irakienne - et étalée au grand jour - ne nous rend pas la tâche plus aisée.

Indépendamment des divergences actuelles, ou,  plus encore à cause de celles-ci, l'Union doit renforcer le fonctionnement et les instruments de sa politique extérieure commune. Dans l'histoire de la construction européenne ce ne serait après tout pas la première fois qu'une crise contribue à l'élaboration de solutions meilleures.

Les exigences du traité d'Amsterdam en la matière sont très claires (Art 19): "Les Etats membres coordonnent leur action au sein des organisations internationales et lors des conférences internationales. Ils défendent dans ces enceintes les positions communes". Et "Les Etats membres qui sont aussi membres du Conseil de Sécurité des N-U se concerteront et tiendront les autres Etats membres pleinement informés. Les Etats membres qui sont membres permanents du CS veilleront dans l'exercice de leurs fonctions à défendre les positions et les intérêts de l'Union…"

La lecture nous laisse rêveurs….

Ajoutons, pour être complet qu'un autre moyen, avancé par certains, pour mieux faire converger les positions des uns et des autres pourrait être la mise en oeuvre d'un service diplomatique européen dont il conviendra cependant de peaufiner les détails. Cette diplomatie européenne pourrait se construire à partir d'une administration au sein de laquelle se retrouveraient tant des fonctionnaires des institutions communautaires que des fonctionnaires nationaux. Un tel service pourrait notamment prendre appui sur l'actuelle unité de planification et d'alerte rapide du Conseil et les délégations de la Commission.

L'importance de solutions qui permettront une meilleure coordination est d'autant plus grande que l’élargissement accroîtra l’hétérogénéité des cultures et des approches et qu'il n’aura pas que des conséquences internes. La donne géopolitique a changé et évoluera encore. Le mur qui divisait notre continent s’est heureusement effondré. Mais, à notre grand regret, les affaires du monde ne se sont pas radicalement simplifiées pour autant.

Reste la question: Que peut peser une Europe qui ne serait pas en mesure de traduire dans les faits les solidarités et les valeurs essentielles qui nous définissent, au cœur du processus de mondialisation et face aux défis actuels que sont la persistance de la pauvreté, le terrorisme, la compréhension insuffisante entre les civilisations qui nous divisent autant qu'elles devraient nous unir.

Demain, avec des frontières communes avec le monde russe, et plus tard avec le monde arabo-musulman, voire l’Asie Centrale, il sera difficile aux Européens de se désintéresser de nombre de questions de sécurité qui touchent directement à la stabilité des régions voisines de l’Europe élargie. Demain, l’Europe devra s’acquitter d’une responsabilité stratégique à la mesure de sa nouvelle puissance et des intérêts de sécurité de plus en plus larges des Etats membres.

Mais il n'y a pas que la géopolitique qui exige des changements dans l'attitude et l'approche de l'Union en matière de relations extérieures. Face aux révolutions qui s’opèrent sous nos yeux, nous devons faire de l’Europe un acteur majeur du changement maîtrisé et par conséquent de la stabilité globale.

Terrorisme, prolifération d’armes, intégrisme et extrémisme ne connaissent pas de frontières et se jouent de la souveraineté des Etats. Ils sont difficiles à combattre par les seuls moyens militaires parce que la menace qu’ils représentent reste diffuse et difficile à cerner et parce qu’elle peut facilement se déplacer d'un pays vers un autre.

Parallèlement nous devons relever les défis liés à la mondialisation.

A la fois formidable chance d’enrichissement et d’ouverture, la mondialisation recèle aussi des risques d’exclusion, d'aliénation, de dégradation de l’environnement ou encore d’appauvrissement culturel.

Fidèle à ses traditions pluralistes et sociales, l’Europe se doit d’être le catalyseur d’une mondialisation maîtrisée. Elle doit prouver que notre modèle social est capable de protéger les citoyens - en Europe et ailleurs - sans remettre en cause la force motrice des marchés.

Pour y arriver, prenons conscience que notre Europe est plus qu’un simple bloc commercial. Notre sensibilité pour la dégradation de l’environnement et notre engagement pour un développement durable font parti inhérente des réflexes d’un nombre croissant d’Européens, conscients qu’ils doivent s’accommoder de ressources naturelles limitées. En même temps le réflexe solidaire de l’Europe nous amène à venir en aide aux plus pauvres à travers une coopération déjà ancienne, mais persévérante qui, depuis les conventions de Yaoundé, de Lomé et désormais de Cotonou, nous lie à nos partenaires d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et témoigne de notre volonté de rechercher, ensemble avec eux, un développement plus juste et par conséquent plus harmonieux.

Le rôle que l’Europe a joué dans les difficiles discussions sur l’accord de Kyoto ou encore lors des discussions à Doha qui ont résulté en un meilleur accès des pays en voie de développement aux marchés mondiaux et à l'introduction de normes sociales et environnementales dans les accords négociés dans le cadre de l'Organisation Mondiale du Commerce, tout comme les résultats obtenus lors du Sommet de Johannesburg sur le développement durable - sont autant de preuves, que l'Europe est à même d'agir avec engagement et compréhension sur la scène internationale pour les intérêts de tous les concernés.

Nous savons que sécurité et stabilité ne peuvent pas être définies uniquement en termes militaires, mais que les questions sécuritaires doivent être appréhendées dans un contexte plus vaste. Les programmes d’assistance technique, de partenariat, de coopération au développement que ce soit dans les Balkans, en Afghanistan, en Afrique ou ailleurs, contribuent à créer un plus de stabilité et à renforcer la paix pour tous les citoyens de ce monde.

Dans ce contexte, je voudrais noter que nous sommes de loin le premier bailleur de fonds dans les Balkans, avec plus de 7 milliards d’€ au cours de la dernière décennie, dont plus d’un demi-milliard l’année dernière pour la seule RFY et destiné majoritairement (à 60%) à réparer les dommages de guerre.

Savez-vous par ailleurs que 90% des militaires déployés en Afghanistan dans le cadre de l’Isaf ont un passeport européen.

Face aux problèmes du sous-développement, de la fracture de plus en plus insupportable entre sociétés riches et sous-développées, de l’accès aux bienfaits de la société du savoir et de la connaissance, l’Europe élargie, premier bloc économique au monde dispose des outils pouvant infléchir, à terme, mais durablement, l’orientation des affaires de notre planète.

Savez-vous qu'actuellement, l'Union et ses pays membres fournissent 60% des moyens de la coopération internationale au développement, et sont de loin le premier fournisseur d’aide humanitaire et d’urgence, signant responsable pour plus de 55% de l’assistance mondiale dans ce domaine.

Modèle de coopération économique, l’Europe doit aussi être un modèle du respect de la diversité et de la solidarité. Solidarité parce qu’aujourd’hui plus d’un tiers de l’humanité vit dans la pauvreté la plus extrême. Une situation qui ira en s’aggravant si les pays riches n’assument pas entièrement leur responsabilité et oeuvrent pour un partenariat nouveau. Cinq pays européens (NL, DK, S, N et L) montrent par ailleurs le chemin et dédient actuellement déjà plus de 0,7% de leur PIB à l'effort de coopération, remplissant de la sorte le contrat moral agréé par l'Assemblée générale des Nations Unies. Même si nous ne pouvons établir un lien direct entre terrorisme et misère, nous sommes tout de même conscients pour voir un lien entre le terrorisme et le fanatisme qui prospère grâce à l’ignorance, les frustrations et la misère.

Enfin, la politique de voisinage que l’Europe s’est engagée à mener tant dans le cadre de sa politique euro-méditerranéenne, par les Accords d'association notamment et son projet d'établissement d'une zone de libre échange euro-méditerranéenne d'ici 2010 que dans ses relations avec la Russie et les pays des Balkans, documente notre volonté de construire une vaste zone de stabilité politique et économique partagée. Toutefois, la collaboration entre l’Europe et ses partenaires ne saurait être exclusivement politique et économique. En même temps, nous devons nous lancer dans un programme de dialogue culturel, dépassant le strict cadre européen et destiné à écarter toutes les hypothèses d’affrontement entre les civilisations.

Ce rôle grandissant de l’Europe devrait conduire tout naturellement à un partenariat plus équilibré avec l’Amérique et à une nouvelle répartition des tâches. Dans ce contexte, l’ambition de l’Europe ne peut pas être d’affaiblir, ni son principal allié, ni l’alliance euro-atlantique que nous considérons comme essentielle. En un mot: Il ne sera pas question de" moins d’Amérique" mais de "plus d’Europe".

Et la Convention dans tout cela?

L'Union européenne et ses Etats membres ont élaboré et affiné au fil des années un équilibre entre les voies supranationales et inter-gouvernementales pour dessiner les contours de leur coopération. Aujourd'hui notre devoir est de repenser cet équilibre et de l'inscrire dans les textes de base afin de permettre à l'Union élargie de progresser pour les décennies à venir. Ce nouvel équilibre implique également un rééquilibrage entre importance économique et influence politique, donc une réflexion approfondie sur la place qui doit être celle de l'Europe dans le monde.

Voilà en raccourci le programme de travail de la Convention.

A mes yeux l'action de l'Union doit se concevoir autour de deux axes.

Le premier doit consolider les fondements de la construction européenne et intégrer tout ce qui relève de l'intégration économique, de la monnaie unique, du marché intérieur et des politiques qui l’accompagnent. Ce domaine représente sans aucun doute la plus remarquable des réussites de l’Union. En moins d’un demi-siècle, nous sommes parvenus à faire d'un espace fortement divisé un vaste territoire intégré où circulent sans entrave biens, services, capitaux et personnes.

Pour ce domaine, les mêmes règles doivent s’appliquer à tous  et les décisions se prendre en principe à la majorité qualifiée, des dérogations devant conserver un caractère exceptionnel.

Pour ce qui est du deuxième axe, la PESC et la PESD, j'estime que les améliorations que j'ai esquissées - notamment la fusion des rôles et des moyens du HR et du Commissaire aux relations extérieures – combiné à une meilleure application des textes agréés, permettront de garantir une meilleure efficacité et d'asseoir une véritable influence pour notre Union sur les affaires du monde.

Je  reste par ailleurs un partisan de la proposition d'appliquer à l'avenir également le concept de coopération renforcée au niveau de l'action extérieure de l'Union. Quand les pays du Benelux se sont battus au cours de négociations menant au Traité de Nice pour inclure ce concept parmi les instruments à disposition d'une Union élargie, nous ne visions pas  que l'action extérieure, mais c'est dans ce domaine que les coopérations renforcées peuvent développer toutes leurs potentialités, notamment dans une Europe élargie.

Il reste évidemment souhaitable que l'ensemble des Etats membres puissent participer à des actions concrètes dans le cadre de la politique extérieure. Mais, il me semble inévitable que nous serons confrontés à des situations où certains Etats membres ne voudront ou ne pourront pas participer à une action commune. Grâce à l'instrument des coopérations renforcées, la majorité pourra réaliser son ambition, sans pour autant exclure définitivement ses partenaires. Ou, formulé de manière inclusive, les plus motivés pourront entraîner à terme les hésitants et les plus impliqués convaincre ceux qui seraient indifférents.

Je vous remercie de votre attention.

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