Le ministre de l'Economie Henri Grethen à l´occasion de la célébration du 75e anniversaire de la société CEGEDEL

Altesses Royales,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mesdames, Messieurs,

A l’occasion d’un 75ième anniversaire d'une société, il est coutume de passer en revue les évènements les plus importants de son histoire. Aujourd’hui cette tâche est assumée par le professeur Gilbert Trausch.

Je ne m’aventurerai dès lors pas dans les méandres de l’histoire et de la culture industrielle. Je me concentrerai plutôt sur les sujets de politique énergétique nationale et notamment sur l'ouverture du marché de l'électricité.

La libéralisation du marché de l’électricité n’a pas fait l’objet d’un grand débat public depuis l’avènement de la directive y relative en décembre 96, probablement parce que l’ouverture des marchés n’a, au début, concerné que deux sociétés électriques – CEGEDEL et SOTEL – et une poignée de leurs clients grands consommateurs industriels.

Comme le Luxembourg est traditionnellement méfiant à l’égard des modèles ultra libéraux qui nous proviennent d’outre-Manche et par la Commission européenne interposée, il a choisi, contrairement à beaucoup d'autres pays, d’ouvrir son marché de l’électricité par étapes.

Le but de cette timidité naturelle était de laisser au secteur concerné, à l’administration et notamment au régulateur, le temps de faire leurs premiers pas sur un marché libéralisé sans pour autant risquer de mettre le marché luxembourgeois en péril dans le cas de difficultés de démarrage.

Le bilan positif qu'on peut dresser aujourd'hui de ces premières expériences donne raison à l'approche prudente préconisée par le Gouvernement.

Je tiens notamment à féliciter les responsables de CEGEDEL pour leur attitude proactive en ce qui concerne l’élaboration des tarifs d’utilisation des réseaux électriques. L'accès non discriminatoire des clients éligibles au réseau constitue en effet la clé de voûte de l'ouverture du marché de l'électricité. L'Institut Luxembourgeois de Régulation (ILR) qui a été également chargé de la surveillance du marché de l'électricité a su acquérir au bout de trois ans à peine, un solide savoir-faire et des connaissances approfondies des marchés électriques pour pouvoir remplir aujourd'hui ses missions en toute souveraineté.

D'aucuns ont jadis critiqué la loi du 24 juillet 2000 relatif à l'organisation du marché de l'électricité parce qu’elle conduirait à une explosion de constructions de lignes directes et qu’elle freinerait le développement des énergies renouvelables et de la cogénération. Trois ans plus tard, force est de constater qu'aucune ligne directe n'a été construite et que grâce au fonds de compensation, institué par cette même loi, les énergies renouvelables et la cogénération ont connu et connaissent encore un essor spectaculaire.

Récemment, le Gouvernement a d'ailleurs adopté un projet de loi dont l'objectif est la transposition de la directive européenne visant la promotion de la production d'électricité par des sources d'énergie renouvelables.

Cette directive prévoit, entre autres, un objectif indicatif de production pour les différents Etats membres. Le Luxembourg devrait ainsi couvrir en l'an 2010 approximativement 5,7% de sa consommation totale d'électricité par une production autochtone issue de sources d'énergie renouvelables.

Nous atteignons aujourd'hui tout juste les 2% et si l'on sait que le potentiel de l'énergie hydraulique est entièrement exploité, que celui de l'énergie éolienne est sensiblement limité par d'autres considérations environnementales, il ne reste que la biomasse et la photovoltaïque pour combler l'écart.

Sachant que les 5,7% correspondent à une production d'environ 400 Giga-Watt-heure et qu'actuellement notre production d'électricité renouvelable atteint tout juste 150 Giga-Watt-heure et que la biomasse et la photovoltaïque ne produisent que 10 Giga-Watt-heure, il faut se rendre à l'évidence que la réalisation de l'objectif préconisé par la Commission européenne ne se fera pas.

Au niveau européen c'est l'énergie éolienne qui connaît le plus grand succès avec un taux d'accroissement de 30 % en moyenne par année. En Allemagne on a dépassé en 2002 le cap de 12.000 Mega-Watt de capacité installée. Or, ces énormes capacités ne sont pas sans créer de nouveaux problèmes liés à l'imprévisibilité de la production d'électricité des éoliennes.

Ainsi, au printemps 2002, le déficit de production d'une grande partie des éoliennes dans le nord de l'Allemagne n'a pas pu être compensé par des centrales thermiques en Allemagne ce qui a entraîné de fortes charges sur l'ensemble du réseau électrique européen et en particulier sur l'interconnexion France – Belgique, au point qu'on a frôlé une coupure d'urgence de cette ligne ce qui aurait pu provoquer un black-out complet des réseaux par un effet de domino.

Cet exemple parmi d'autres nous démontre que les sources d'énergie renouvelables ne pourront pas, à terme, remplacer la production fiable et prévisible des centrales électriques classiques.

Il nous montre en outre qu'une coopération étroite et une coordination rapide entre tous les gestionnaires de réseaux de transport sont nécessaires pour garantir la fiabilité des réseaux et partant l'approvisionnement en continu du consommateur final.

Aujourd’hui, nous sommes à l’aube d’une accélération substantielle de l’ouverture du marché de l'électricité dans la mesure où tous les clients professionnels deviendront éligibles à partir du 1er juillet 2004. Ce qui signifie que plus de 35.000 consommateurs auront, dans un an à peine, le choix du fournisseur de leur électricité.

La gestion de ce processus tant au niveau des sociétés d’électricité qu’au niveau du régulateur, voire de l’administration, n'est pas sans poser de nouveaux défis à tous les concernés.

De toutes les entreprises de distribution d'électricité, CEGEDEL est probablement la mieux outillée pour relever tous ces défis. Tel n'est probablement pas le cas pour les petites distributions communales et privées: certaines ont déjà raté le départ, d'autres manquent tout simplement des ressources, tant humaines que matérielles, nécessaires pour faire face à des centaines de clients professionnels demandant de négocier de meilleurs tarifs de fourniture d'électricité.

Aussi voudrais je  encore une fois lancer un appel pressant à tous les responsables communaux concernés et à tous les dirigeants des petites distributions privées de saisir l'offre de collaboration faite dans ce contexte par CEGEDEL.

Le défi posé par la libéralisation ne s'arrête pas aux sociétés électriques. Il se pose également au législateur qui doit créer un cadre légal stable et prévisible, ce qui est particulièrement important pour CEGEDEL étant donné que le fondement de son commerce est constitué par la loi du 4 janvier 1928 concernant l'établissement et l'exploitation des réseaux de distribution d'énergie électrique dans le Grand-Duché de Luxembourg. Cette législation, à maints égards, n’est plus adaptée à la nouvelle donne. Il s'ensuit logiquement qu'il faudra envisager de moderniser la convention de concession de novembre 1927.

Dans ce contexte, il serait également utile que les autres distributions communales ou privées puissent se voir octroyer une concession ou une licence d'exploitation qui définirait clairement leurs droits et obligations dans le cadre d'un marché électrique libéralisé.

La nouvelle proposition de directive, qui se trouve actuellement en deuxième lecture auprès du Parlement européen, met en effet l'accent sur les obligations de service public qui se voient renforcées et multipliées. Le but en est de renforcer la position du consommateur et d'améliorer le service au client. Il appartiendra au régulateur de surveiller le respect de ces obligations.

Il s'agit d'un domaine particulièrement sous-développé de la législation luxembourgeoise, ce qui ne veut pas dire que le service au client ne figure pas à l'ordre du jour de nos électriciens, bien au contraire. Mais il faut avouer que le Luxembourg n'impose pas de normes en ce qui concerne, par exemple, le délai maximum pour la réalisation d'un raccordement électrique, ou le délai maximum d'attente tolérable pour la réparation d'une panne ou encore le délai maximum accordé pour répondre à une question ou une demande posée par le consommateur.

Pour vous donner une idée: en France la norme pour le délai de réponse à un courrier de la part d'un client est de 6 jours ouvrables…

Il est vrai qu'il est encore difficile de vérifier à quel point de tels normes sont effectivement respectées. Mais il est incontestable qu'elles prennent une importance croissante dans les rapports d'étalons – les fameux bench marks – de la Commission européenne. Inutile de souligner que l'absence de normes de service public constaté dans tel ou tel Etat membre ne sert guère à renforcer son image de marque ni à attirer de nouveaux investisseurs.

Finalement, pour qu'un marché intérieur de l'électricité puisse se créer, il faut que les différents marchés nationaux soient liquides et que le client puisse avoir accès à des offres compétitives, ce qui n'est que partiellement le cas aujourd'hui.

En théorie, le régime de l'accès réglementé au réseau ne nécessite plus la connexion physique à plusieurs fournisseurs potentiels d'énergie électrique. Or, en réalité on constate que l'absence d'une alternative de connexion par une ligne électrique à un fournisseur concurrent, peut engendrer des difficultés pour un client final d'accéder à des prix d'électricité plus compétitifs.

Ce problème peut être attaqué par deux côtés simultanément: d'abord par l'amélioration du cadre législatif européen réglant le transit transfrontalier de l'électricité et ensuite par l'étude et, le cas échéant, la réalisation de nouvelles lignes d'interconnexion avec des fournisseurs potentiels d'électricité bon marché.

Il faut en conclure que nous ne manquerons pas de travail, ni au niveau des acteurs du secteur électrique ni au niveau du législateur et de l' administration.

Au cours de sa longue histoire, CEGEDEL a su se forger une solide réputation de fiabilité et de sérieux. En tant qu'actionnaire de référence, l'Etat a certainement contribué à cette image de stabilité et ce ne sera pas demain que l'Etat changera de politique.

Je suis convaincu que CEGEDEL, avec son personnel motivé et engagé, est tout à fait capable de s'adapter à un environnement économique encore plus compétitif et plus exigeant et que CEGEDEL réussira également à l'avenir d'être synonyme de qualité et de sûreté de notre approvisionnement en énergie électrique.

Je vous remercie de votre attention.

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