Discours du ministre de la Culture, de l´Enseignement supérieur et de la Recherche à la Conférence Générale de l´UNESCO à Paris

Monsieur le Président de la Conférence générale,

Madame la Présidente du Conseil exécutif,

Monsieur le Directeur général

Eminences,

Honorables délégués,

Mesdames et Messieurs,

Comme les orateurs qui m’ont précédée, je voudrais vous féliciter, Monsieur le Président, de votre brillante élection à la tête de la 32e session de la Conférence générale de l’Unesco. Je suis convaincue que vous saurez diriger les travaux de cette conférence avec le bon dosage d’autorité, de diplomatie et de sagesse que requiert votre haute fonction.

Cette Conférence générale sera aussi celle d’un retour à l’universel puisque les Etats-Unis d’Amérique vont redevenir membre de notre organisation. C’est une évolution encourageante qui permettra, j’en suis confiante, de renforcer le multilatérisme et élargira les bases sur lesquelles nous nous efforçons tous de construire la confiance mutuelle. Le Luxembourg se félicite de ce retour et adresse ses meilleurs vœux au nouveau membre. Que les Etats-Unis soient assurés de notre coopération.

Nous réjouissons aussi que notre organisation puisse compter désormais sur la participation de Timor Leste, un Etat nouveau dont la contribution nous apportera beaucoup et que nous félicitons pour son engagement et sa persévérance.

Monsieur le Directeur général,

Je m’empresse dee vous réitérer ma pleine confiance dans votre gestion sage et efficace  de l’Organisation caractérisée par une grande vision de l’avenir et une perception aiguë des grands problèmes du XXIe siècle.

Je me rappelle aussi avec le plus grand plaisir votre visite au Luxembourg, cette année, du 15 au 17 mai. Ce fut une étape essentielle pour le Luxembourg et une marque d’intérêt qui a grandement honoré notre pays et renforcé les relations, déjà excellentes, entre l’Unesco et le Luxembourg. Votre visite constituait un cadre opportun pour formaliser, préparer ou envisager un certain nombre de projets comme par exemple :

  • La signature d’un accord de coopération avec le Mali  concernant la préservation des manuscrits de Tombouctou ;

  • Un soutien financier du Luxembourg au projet de « formation aux droits humains, à la citoyenneté et à la démocratie locale » au Sénégal, au Mali et au Burkina Faso ;

  • L’inauguration imminente du « petit pont » de Mostar, restauré grâce à notre projet de coopération initié par notre Commission nationale et réalisé avec le concours de notre Service des Sites et Monuments nationaux ;

  • La création, proposée par la Commission nationale luxembourgeoise, d’une chaire Unesco « Droits de l’homme et éducation à la paix » dans le cadre de la nouvelle Université de Luxembourg ;

  • L’inscription de l’exposition « Family of man », du photographe d’origine luxembourgeoise Edward Steichen, au registre de la Mémoire du monde qui a fait l’objet entre-temps d’une recommandation du jury. Je vous remercie dès à présent, Monsieur le Directeur général, de votre accord pour que cette inscription devienne  formelle et définitive au cours de cette conférence générale ;

  • Enfin l’exposition lors de cette Conférence générale d’un circuit culturel pour les handicapés de la vue.

Je suis également persuadée, Monsieur le Directeur général, que vous saurez réaffirmer et corroborer la mission intellectuelle et éthique de UNESCO, principale enceinte  internationale pour relever les grands défis du monde actuel dans les domaines de l’éducation, des sciences, de la culture et de la communication.

Notre organisation doit être celle où se rencontrent les porte-parole de la bonne volonté, les porte-parole de l’engagement international pour la propagation des droits de la personne humaine et du refus de la violence. Il appartient à la communauté des nations de faire en sorte qu’aucun mouvement partisan ne s’accapare de l’usage de la violence à des fins de terrorisme. Dans ce contexte, l’action de l’UNESCO doit mettre l’accent sur l’éducation à la fraternité.

Dans cette optique, j’ai tout particulièrement à cœur la question de l’élaboration d’un instrument juridique international concernant la diversité culturelle, sans vouloir entrer dans les détails et les difficultés de sa réalisation.

Encore faudra-t-il bien réfléchir sur les objectifs majeurs de ce qui devrait prendre la forme d’une convention internationale, à l’horizon 2005, qui formerait le cadre d’une approche culturelle au niveau mondial, respectueuse des politiques nationales en la matière, tout en poursuivant quelques objectifs communs. Parmi ces objectifs, je verrais, sans idée de hiérarchie :

  • La sauvegarde de la diversité culturelle, qui constitue une fin en soi, car il y va d’un patrimoine irremplaçable dont chaque partie perdue appauvrira irrémédiablement l’humanité ;

  • La promotion des cultures vivantes et de la capacité créatrice, comme antidotes aux risques d’une uniformisation culturelle et linguistique ;

  • La reconnaissance de la spécificité des biens culturels qui ne peuvent être simplement assimilés aux catégories économiques régies par les lois du marché ;

  • La prise en compte accrue de la dimension culturelle dans le domaine de la coopération et du développement.

Enfin, il ne faut pas oublier que la sauvegarde et la promotion de la diversité culturelle pourront constituer un puissant facteur de compréhension internationale et de paix.

Dans ce contexte, je me réjouis également de l’état avancé de l’élaboration d’un nouvel instrument normatif pour la sauvegarde du patrimoine immatériel. Nous espérons que l’adoption de la résolution afférente, soumise à la Conférence générale, mènera en temps utile à une convention internationale. Le Luxembourg vise, pour 2007, le label de l’UNESCO pour une manifestation traditionnelle, très ancienne, la procession dansante d’Echternach, intimement liée à l’histoire et à son identité culturelle de notre pays et de notre région.

Je ne voudrais pas non plus passer sous silence le rôle éminent que l’UNESCO aura à jouer au futur sommet sur la société de l’information, et qui n’est pas sans rapport avec ce que je viens de relever. L’émergence d’une société de l’information est devenue une dimension majeure de la mondialisation. Les progrès rapides des moyens de communication modernes ouvrent des possibilités d’échanges quasiment infinies. Mais si la technologie se mondialise, les contenus devront refléter toutes les réalités du monde. Aussi l’UNESCO aura-t-elle à veiller à ce que la diversité culturelle et linguistique devienne un des éléments fondateurs de la société de l’information.

L’UNESCO devra également avoir à cœur de retenir la bonne terminologie et de se méfier de quelques équations et assimilations fallacieuses. Ainsi, l’information n’est pas un but en soi. Trop d’information tue l’information. Et surtout, l’information n’est pas identique au savoir, et encore moins à la connaissance, qui est le savoir maîtrisé, intégré dans une vision d’ensemble, scientifique ou philosophique, et qui a pour but le bien-être de l’homme, lié à l’avenir de notre planète.

Les problèmes de la société de l’information ne devront pas nous faire oublier la nécessité de poursuivre sans relâche la lutte contre l’analphabétisme, ni le rôle éminent des femmes dans ce combat. Car l’analphabétisme est la première cause de toute fracture numérique et le principal obstacle à un accès équitable à l’information et au savoir.

Sous l’impulsion de l’UNESCO, le futur sommet sur ce que je préférerais appeler la société du savoir ou de la connaissance, devra ouvrir un large débat de société autour de quelques axes de réflexion fondamentales, l’éducation et l’Université au XXIe siècle, la relation entre la science et la politique, les problèmes éthiques concernant les nouvelles techniques de l’information.

Ce qui m’amène, pour conclure, à souligner le rôle de plus en plus important de l’Unesco dans les grands dossiers éthiques de notre époque, notamment ceux touchant à la bioéthique.

Je mentionnerai les visions de Monsieur Matsuura qu’il a exprimé récemment, rejoignant tout à fait l’esprit de la mission fondatrice de l’Unesco, qu’il définit comme  «  le lieu, par excellence, où des cultures, des conceptions du monde, des convictions religieuses peuvent se rencontrer pour tenter de trouver un terrain d’entente, un cadre de référence éthique, sur lequel tout le monde puisse s’accorder. ». Mission essentiellement pacifiste, et combien actuelle, dont l’objectif ultime est « d’ériger les défenses de la paix dans l’esprit des hommes ».

Je vous remercie de votre attention.

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