Le ministre de l'Economie Henri Grethen lors de l'ouverture de la conférence annuelle 2003 de Patinnova-Epidos

Mesdames, Messieurs,

C'est avec joie et fierté qu'en ma qualité de Ministre de l'Economie j'ai eu le plaisir et le privilège d’inaugurer à l’instant officiellement la Conférence PATINNOVA-EPIDOS 2003. Son Altesse Royale le Grand-Duc Henri a bien voulu rehausser de Sa présence cette visite inaugurale et ceci prouve, si besoin en était, l’estime que les plus Hautes Autorités du pays portent à cette conférence qui se tient pour la première fois au Luxembourg.

Si ce colloque a pour but de promouvoir le brevet dans le concept d'une économie basée sur la connaissance ainsi que le rôle des droits intellectuels dans le cadre de la recherche et de l'innovation, je ne vous ferai pas l’affront, Mesdames et Messieurs, de vous expliciter en détails la notion même de la propriété intellectuelle.

Permettez-moi de revenir sur les actions menées dernièrement à l’initiative de la Direction de la Propriété Intellectuelle du Ministère de l’Economie en la matière.

En effet, plusieurs programmes ont abouti récemment à des résultats concrets: il s’agit notamment des projets connus sous les acronymes DIPS (Distance learning approach for Intellectual Property rights in management Strategies) et LIIP (Linking Innovation and Industrial Property). Ces projets ont été menés avec le soutien de la Commission européenne.

Les objectifs du projet DIPS consistent à développer un contenu de formation à la propriété intellectuelle et de l’adapter à un produit de formation à distance, concept connu sous la dénomination de e-learning.

Pour ce qui concerne le projet LIIP, les objectifs consistent à développer des produits de sensibilisation à la propriété intellectuelle spécialement adaptés aux PME/PMI et à en assurer la diffusion. Ainsi, un guide de bonnes pratiques et un CD-ROM seront diffusés à grande échelle prochainement.

Je m’en voudrais de ne pas souligner également la fructueuse coopération avec l’Office européen des brevets qui verra encore prochainement la mise en place d’un programme de coopération bilatérale. Ce projet consiste à identifier et à comprendre l’évolution des entreprises en matière d’utilisation de l’information technologique et de protection de l’innovation technologique. Il aboutira par la publication d’un ouvrage scientifique d’envergure. A noter que c’est grâce au soutien de l’Office européen des brevets que le Centre de Veille Technologique a non seulement pu voir le jour en 1994 mais est surtout parvenu à devenir le partenaire incontournable des acteurs de l’innovation en matière d’information brevets et de veille technologique au Luxembourg.

Je vous invite par ailleurs, Mesdames, Messieurs, à visiter le stand du Ministère de l’Economie où ces programmes vous seront présentés plus en détails et où il vous sera possible de consulter le programme de gestion des brevets appelé SOPRANO®.

Ce logiciel, développé dans le cadre du programme gouvernemental e-Letzebuerg, permettra dans un premier temps la consultation du registre officiel des brevets d’invention via Internet. Un lien direct sera assuré vers la base de données esp@cenet® des documents brevets en fac-similé mise à jour sur Internet et qui recense, à ce jour, plus de soixante mille documents brevets luxembourgeois qui sont ainsi consultables et imprimables gratuitement.

A terme, le logiciel SOPRANO® permettra aux déposants de recourir à la voie électronique pour effectuer leurs dépôts de brevets.

Toujours dans un but de sensibilisation, le Ministère de l’Economie vient de publier un guide qui se veut être une introduction aux brevets ainsi qu’une aide pratique à leur obtention intitulé "Guide du déposant". Par ailleurs, le portail d’information brevet.lu a été mis en ligne récemment dans le but d’accroître la sensibilisation et l'information en matière de brevets et d’information brevets des acteurs économiques luxembourgeois. Les possibilités offertes par ce portail sont bien entendu présentées sur le stand du Ministère de l’Economie tout au long de la conférence PATINNOVA-EPIDOS.

Enfin, il est utile de préciser que la recherche documentaire est une des étapes importantes mais facultatives vers la délivrance d’un brevet luxembourgeois. Effectué par l’Office européen des brevets, cet examen quant au fond se révèle être très précieux pour le titulaire. Le rapport de recherche lui permet en effet d’évaluer ses chances d’obtention dudit brevet avant de prendre une décision pour étendre éventuellement sa protection à d’autres pays.

Un projet d’arrêté grand-ducal prévoit de ramener le montant de la taxe de recherche à 250,00 euros, ce qui réduira de manière drastique les coûts de procédures pour l’obtention d’un brevet national.

Enfin, un séminaire d’une journée axé principalement sur la protection de la propriété intellectuelle au Luxembourg et destiné aux entrepreneurs du Luxembourg et de la Grande Région est organisé en marge de PATINNOVA-EPIDOS 2003. Ce séminaire centré sur la valeur et l’importance stratégique du patrimoine immatériel pour l’entreprise et sur les différents aspects du cadre juridique en vigueur au Luxembourg réunira près de 130 participants ce mercredi 12 novembre. A noter que les exposés seront illustrés de manière concrète à partir de l’expérience de deux entreprises luxembourgeoises.

Mesdames, Messieurs, j’en arrive maintenant au volet législatif de mon intervention.

Les sujets sur lesquels la conférence PATINNOVA-EPIDOS 2003 s'est promis de s'étendre sont multiples. Comment par exemple faut-il répondre aux exigences engendrées par les technologies logiciels ou encore les biotechnologies. En outre une attention toute particulière doit être apportée à la défense et à l'exercice transfrontalier des droits de la propriété intellectuelle. Il va sans dire que les temps des repliements frileux sur soi appartiennent bel et bien au passé. Il y a également lieu de mentionner les derniers développements dans le domaine du numérique, les droits d'auteur, les marques, les dessins ou modèles et last but not least l’évolution dans le domaine du brevet communautaire.

Vous voyez par là que les défis à relever ne sont pas des moindres et j'aimerais vous parler de ce qui se fait dans quelques uns de ces domaines.

Je laisserai le soin aux représentants de la Commission européenne de revenir plus en détails sur les sujets communautaires.

Vous n'êtes pas sans savoir qu'en février 2002 une proposition de directive a été présentée visant à l'harmonisation des dispositions nationales dans le champ bien spécifique de la brevetabilité des logiciels. S'il est vrai qu'à l'heure actuelle ces inventions peuvent déjà être brevetées sous couvert de certaines conditions, l'interprétation de ces critères varie selon les Etats membres, ce qui, et je ne vous l'apprends pas, crée une insécurité juridique voire un vide. La proposition de directive quant à elle se base sur la jurisprudence de l'Office Européen des Brevets en introduisant le critère de "contribution technique" pour déterminer les inventions qui peuvent être protégées.

Par ailleurs j'aimerais vous informer sur les derniers développements en matière d’inventions biotechnologies. Le 10 juillet 2003 huit Etats membres ont été renvoyés devant la Cour de Justice des Communautés Européennes pour non-transposition de la directive 98/44 sur la protection juridique des inventions biotechnologiques. Les discussions parlementaires en France, en Allemagne et aux Pays-Bas ainsi qu'au Luxembourg sont dans un stade avancé. Le but est de rechercher un compromis sur la transposition de l'article 5.2 de la directive, article qui porte sur la brevetabilité des éléments isolés du corps humain. J’espère que la Commission spéciale « Ethique » de la Chambre des Députés reprendra les discussions sur ce sujet prochainement.

Afin de rester dans le domaine des brevets et avant de passer aux autres aspects de la propriété intellectuelle, il me tient à cœur de mentionner que le Conseil de l’Union Européenne a adopté le 3 mars 2003 une approche politique commune des grands principes du futur brevet communautaire. On s'est notamment occupé du régime des traductions des brevets, de la participation des offices nationaux à la procédure de recherches d'antériorités et de la distribution du produit des taxes annuelles de maintien en vigueur entre l'Office Européen des Brevets et les Etats membres ainsi que du régime juridictionnel. Ce dernier prévoit l'établissement au plus tard pour le 1er janvier 2010, d'un "Tribunal du brevet communautaire", adjoint au Tribunal de 1ère instance des Communautés européennes à Luxembourg, ayant dans ses attributions la compétence exclusive pour les actions en contrefaçon et en nullité des brevets communautaires.

Actuellement, le Conseil discute de la transposition du compromis politique dans le projet de règlement sur le brevet communautaire et de la proposition de révision de la Convention sur le brevet européen. Cette Convention doit être révisée aux fins d'attribuer à l'Office Européen des Brevets entre autres la compétence de délivrer les brevets communautaires. Il faut par ailleurs trouver un compromis quant au délai imposé au titulaire pour déposer les traductions des revendications (3 mois ou 2 ans) ainsi que pour à certains aspects liés aux licences obligatoires.

Un autre volet de la propriété intellectuelle est constitué par le volet les droits d'auteur et les droits voisins et je profite de l'occasion de vous annoncer que la loi luxembourgeoise du 18 avril 2001 en cette matière sera prochainement modifiée afin de transposer la directive 2001/29/CE sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information. Un projet de loi a été déposé à la Chambre des Députés le 14 mai dernier et sera débattu pour la première à la Commission de l’Economie, de l’Energie, des Postes et des Transports de la Chambre des Députés après-demain. Une des principales modifications projetées concerne l'introduction d'une protection juridique des mesures techniques efficaces et de l'information sur le régime des droits. Seront notamment protégés contre le contournement les dispositifs de cryptage, de verrouillage ou de contrôle de copie. Le régime des exceptions aux droits exclusifs sera également adapté aux prescriptions de la directive.

A la fin, Mesdames, Messieurs, permettez-moi de dire quelques mots sur le domaine des marques, dessins ou modèles.

Par les deux lois du mois d’août 2003 et du 12 août 2003, les derniers Protocoles portant modification de la Loi uniforme Benelux sur les marques et portant modification de la loi uniforme Benelux en matière de dessins ou modèles ont été approuvés.

La modification la plus importante quant aux marques concerne l'introduction d'une procédure d'opposition au Bureau Benelux des Marques ce qui permet au titulaire de droits antérieurs de s'opposer, dès le stade de la phase administrative, à l'enregistrement de nouvelles marques qui entrent en conflit avec ses droits.

Des modifications essentielles ont également été réalisées dans le domaine des Dessins ou Modèles. Le Protocole adopté vise principalement à transposer la directive communautaire 98/71/CE du 13 octobre 1998 qui harmonise les législations nationales en cette matière. Cette directive, négociée parallèlement à un règlement communautaire instaurant un titre unitaire - le dessin ou modèle communautaire - entend faciliter la vie des créateurs européens aux fins de protéger au mieux leurs travaux au delà des frontières nationales et en unifiant les conditions d'obtention et de durée à travers l'Union européenne. Les critères de protection retenus sont la "nouveauté" et le "caractère individuel". La durée maximale de protection a été portée à 25 ans alors que jusqu'à présent on ne pouvait dépasser les 15 ans.

Au vu de ce qui précède, les questions qu’il faut se poser sont comment la propriété intellectuelle peut-elle se mettre au service de la recherche et de l'innovation, comment peut-elle venir en aide à la création d'entreprises innovantes? Y a-t-il lieu de penser à la création de nouveaux outils d'accès à la connaissance et ne faudrait-il pas dans ce paysage changeant penser à introduire des réformes juridiques permettant d'influer favorablement sur l'innovation en Europe. Malgré les efforts déjà réalisés, il ne nous faut pas s'arrêter en si bonne route et le chemin qui s'ouvre devant nous est encore long. Face à ce défi, il nous faut également repenser l'utilisation stratégique des brevets et c'est à quoi PATINNOVA-EPIDOS 2003 va s'atteler à trouver un début de réponse.

Je vous remercie de votre attention.

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