Allocution du ministre de l'Economie Henri Grethen lors de la conférence sur la RFID (Radio Frequency IDentification)

Mesdames, Messieurs

Au sommet de Lisbonne en 2000, l’Union Européenne s’était fixée comme objectif de devenir en dix ans l’espace économique le plus dynamique et le plus compétitif au monde. Cet objectif certes très ambitieux ne saurait être atteint sans une prise en compte appropriée des réseaux logistiques et des transports. En effet, ces deux vecteurs sont un peu pour l’économie, dit-on, ce que le tissu nerveux et le système sanguin sont pour le corps humain. Voilà pour l’importance du sujet retenu pour la conférence d’aujourd’hui, un sujet d’une grande actualité pour le choix duquel les initiateurs méritent nos félicitations.

Quant au rôle que le Luxembourg peut jouer dans le contexte de la logistique, il est loin d’être négligeable malgré la petite taille de notre pays. En effet, situé au centre de l’Europe des Quinze - ce centre géographique ayant, hélas pour nous, tendance à se déplacer vers l’Est sous l’effet de l’élargissement de l’Union Européenne depuis le premier mai dernier -, le Grand-Duché est bien placé pour se présenter comme «hub» majeur de la distribution à l’échelon du continent.

Ainsi, l’aéroport du Findel, actuellement en phase d’agrandissement, mise sur une consolidation de son rôle de «hub» dans le fret aérien. La profitabilité du Cargo-Center de Luxair ne fait que souligner l’importance des activités liées à la logistique.

Point d’intersection, sinon de passage obligé de corridors de trafic majeurs, le Luxembourg a par ailleurs des atouts non négligeables grâce à sa situation géographique. Enfin, un environnement économique, social et fiscal favorable font de notre pays un terrain de choix pour l’implantation d’entreprises nouvelles où notre préférence va évidemment vers celles permettant les valeurs ajoutées les plus élevées, que ce soit sur le plan de la production, de la transformation ou de la commercialisation.

Si nous voulons réussir sur ce terrain où le potentiel de développement me semble très prometteur, nous devons veiller à disposer des infrastructures de transport appropriées, dont notamment d’excellents raccordements aux réseaux trans-européens.

Les efforts consentis par le Luxembourg au cours des dernières années soulignent la volonté politique pour ce faire: parachèvement du réseau autoroutier, multiplication par quatre des dépenses d’investissement dans le réseau ferroviaire, programme ambitieux de modernisation de l’aéroport,... documentent cet engagement.

Si le développement des infrastructures n’est certes pas conçu dans le seul but d’établir, voire de consolider le secteur logistique national, cette politique contribue néanmoins à créer les préalables indispensables à son déploiement.

Je voudrais pourtant souligner d’emblée qu’il n’entre pas en ligne de compte de sacrifier la qualité de l’habitat autour des plate-formes opérationnelles, en refusant par exemple l’établissement à l’aéroport d’entreprises faisant dépendre leur activité de mouvements aériens en-dehors des heures d’ouverture actuelles.

L’Etat est d’accord pour apporter du sien pour créer un environnement favorable au développement de l’activité logistique en complément à l’activité des différents modes de transport et de certaines de nos grandes entreprises de production ou de transformation.

J’ai déjà mentionné l’effet consenti en matière d’amélioration des infrastructures de transport. Un effort analogue est entrepris pour créer les espaces utiles pour accueillir l’activité de logistique de préférence dans le voisinage direct des axes et plate-formes de transport.

J’en viens maintenant au sujet que vous vous proposez d’approfondir aujourd’hui: l’identification par fréquence radio.

En résumé, je dirai que la technologie RFID offre l’opportunité de faire le pont entre le monde des objets réels - donc des marchandises - et les autoroutes de l’information déjà en place. D’aucuns parlent même de la construction de «l’internet des objets».

Mesdames, Messieurs,

Quelles sont les opportunités que peut receler la technologie RFID pour le domaine de la logistique?

La plupart des experts sont d’accord pour prédire une coexistence pendant plusieurs années encore des étiquettes intelligentes avec le code-barre répandu de manière quasi universelle, avant que ce-dernier ne disparaisse éventuellement complètement. Cette disparition prévisible du code-barre n’est pas pour demain; lorsqu’elle aura lieu, une page que je suis fier d’avoir moi-même contribuée à ouvrir pour le Luxembourg il y a plusieurs années, sera tournée. En effet, au vu de l’évolution récente de l’électronique, l’on peut admettre que l’avenir appartient à l’étiquette intelligente, ses possibilités dépassant de loin celles du code-barre.

Le «Supply chain management», anglicisme pouvant se traduire par «gestion de la chaîne d'approvisionnement», est un champ d’application prédestiné pour les étiquettes intelligentes RFID; elles fournissent le maillon encore manquant dans l’informatisation et l’automatisation des flux de marchandises.

Grâce à la RFID, des économies sensibles sur les coûts de stockage de produits intermédiaires ou finis et surtout de la manutention seront possibles. Les experts voient en la RFID une source pour de nombreux modèles d’affaires innovateurs. Rien qu’aux Etats-Unis d’Amérique, plus de cinq cents brevets ont entre-temps été délivrés pour l’utilisation de «smart tags» RFID. La RFID peut ainsi stimuler simultanément la recherche-développement et l’esprit d’entreprise. Les prévisions de croissance du marché des fournisseurs d’applications pour la technologie RFID sont considérables. Des emplois de qualité pour du personnel qualifié pourront de cette manière être envisagés.

Au Luxembourg - et je m’excuse de mes informations encore lacunaires sur l’état du dossier - je sais que du moins Cargolux s’est engagé de façon prudente dans cette voie, la standardisation des flux d’informations en relation avec l’utilisation des «tags» RFID promet la concrétisation de «l’Internet des objets».

La réussite de la combinaison de systèmes internes de gestion des stocks avec des applications permettant l’échange automatique de données par internet avec d’autres entreprises constitue l’enjeu actuel pour la RFID. Déjà rien que dans les centres de distribution et les entrepôts, les avantages s’annoncent innombrables. Qu’il s’agisse de la lutte contre le vol et la contre-façon, de la réduction des temps de passage ou de la meilleure utilisation des capacités de stockage, la RFID propose la solution. Sans oublier que, moyennant le système informatique approprié, l’inventaire d’un site de stockage est à jour à tout instant. De nombreuses entreprises utilisent déjà en «vase clos» les possibilités offertes par les «smart tags» RFID afin d’améliorer leurs flux logistiques en interne. Bien que ceci soit fort louable, les avantages de cette innovation s’arrêtent aujourd’hui très souvent encore aux portes de l’entreprise en question.

Au-delà de tous les avantages et bienfaits que les promoteurs de la RFID font miroiter autour de l’introduction de l’étiquette intelligente, la prudence est cependant de mise ici comme ailleurs lorsqu’il s’agit d’investir dans une nouvelle technologie.

Un problème qui a priori s’avère loin d’être négligeable a trait à la protection des données à caractère personnel et à la protection de la vie privée. En effet la combinaison des données de cartes bancaires utilisées lors du paiement au supermarché de produits marqués par un code RFID unique permettra théoriquement d’établir des profils détaillés du comportement d’achat du consommateur. La perspective potentiellement inquiétante est que les étiquettes RFID des produits achetés restent - à moins d’être volontairement neutralisées - en principe fonctionnelles et actives après le départ du magasin. Les lois récentes sur la protection des données valent évidemment aussi pour les entreprises et sont censées protéger le consommateur. Le défi consistera dès lors à tirer tout le bien des «smart tags» tout en surveillant la portée de leur usage pour éviter des applications non voulues du genre «1984».

Mesdames, Messieurs,

Le Luxembourg a tout avantage à se positionner aux avant-postes quant à l’utilisation et la promotion auprès des entreprises des derniers développements de la technologie RFID. La convergence de la logistique avec l’informatique, mariant ainsi les chaînes logistiques aux réseaux virtuels, peut en effet favoriser l’émergence de nouvelles activités à valeur ajoutée élevée requérant des spécialistes hautement qualifiés pour la gestion de la logistique et des processus aussi bien à l’intérieur de l’entreprise qu’avec le reste du monde. Ensemble avec la Chambre de Commerce et Luxembourg Senior Consultants, le Centre Henri Tudor se propose dans ce contexte d’offrir son soutien aux entreprises à travers la constitution d’un réseau de compétences. Je ne puis que vous féliciter de cette initiative qui, sous réserve des limites que je viens d’esquisser, aura tout mon soutien.

A l’heure où la logistique devient une discipline académique à part entière, des facultés spécialisées étant créées un peu partout chez nos voisins, le Luxembourg ne peut pas rester en retrait.

Dans cet ordre d’idées, les perspectives de la création d’une Académie Virtuelle de Logistique et de Transports, analysée dans la récente étude réalisée par les Luxembourg Senior Consultants, pour le compte du Gouvernement méritent un examen circonstanciée. Cette Académie pourra identifier les besoins en formation des entreprises en rapport avec les nouveaux métiers de la logistique et pourra dispenser les connaissances en recourant aux concepts modernes du e-Learning.

En aspirant à développer un pôle de compétence technologique, notre pays gagnera en compétitivité et attractivité avec des répercussions positives au-delà du domaine de la logistique.

Je vous remercie de votre attention.

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