Le ministre du Travail et de l´Emploi, François Biltgen lors de la 92e session de la Conférence internationale du travail à Genève

Monsieur le Président,

Permettez-moi de vous présenter les félicitations les plus chaleureuses de mon Gouvernement. Je ne doute nullement que votre expérience et votre savoir faire seront les garants de la réussite des travaux exceptionnellement importants de la CIT 2004.

Ces travaux devront constituer un pas déterminant pour le futur des travaux de notre Organisation. Ils orienteront sans doute aussi les efforts futurs communs tendant vers une globalisation intégrée et équitable.

Monsieur le Président,

Monsieur le Directeur général

Che(è)r(e)s Collègues,

Mesdames et Messieurs,

Les débats sur les conclusions de la Commission mondiale pour la dimension sociale de la globalisation montrent qu’il y a désormais une prise de conscience de l’ensemble des parties prenantes et un revirement sensible de l’attitude des uns et des autres.

Je ne peux que dire mon admiration devant la détermination des Présidents HALONEN et MKAPA et devant l’attitude constructive de l’ensemble des membres de la Commission. A nous de relever le défi et d’être à la hauteur.

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Je voudrais aujourd’hui réfléchir à un possible – et nécessaire – suivi, à la mise en œuvre concrète donc, des conclusions de la Commission mondiale et du plan d’action propre à l’OIT tel que développé par Monsieur le Directeur général dans son rapport sur le rôle de l’OIT et précisé dans son remarquable discours d’hier. Mes remerciements particuliers donc à Monsieur Somavia.

Je voudrais apporter le soutien de mon Gouvernement à la mise en œuvre des Recommandations de la Commission mondiale, de même qu’aux efforts de Monsieur SOMAVIA en vue de réorienter le travail de notre Organisation.

Quant au rôle futur de l’OIT dans le présent contexte, pour commencer par là, parmi les 3 messages et les 4 défis lancés par le Directeur général, deux en particulier retiennent mon attention :

- faire du travail décent un objectif mondial, et

– faire de l’OIT, avec sa structure tripartite unique, un protagoniste mondial, tout en tendant, plus largement, vers une « communauté mondiale émergente » (citation du Rapport de la Commission). Mon Gouvernement est prêt à y coopérer.

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L’attitude à développer pour donner vie aux Recommandations de la Commission et de notre Directeur général tourne à mon sens autour de cinq mots-clé.

1. Il faut d’abord consolider le consensus sur une vision politique  précise, celle aspirant à une mondialisation intégrée, sans exclus.

Cette approche se basera d’une part sur les potentialités  économiques des marchés, mais, d’autre part, sur un encadrement destiné à garantir l’équité et la durabilité des conséquences positives de la globalisation. Il faudra à cet effet à la communauté mondiale

-premièrement, des règles équitables en matière de commerce, d’investissement, de finance, de migrations,

-deuxièmement, la poursuite de la promotion de normes sociales fondamentales,

-le tout, troisièmement, basé sur des efforts pour débloquer les ressources financières nécessaires pour renforcer les capacités et atteindre les Objectifs de développement pour le Millénaire.

2. Cette vision doit se concrétiser à travers une Stratégie qui doit être solidaire et cohérente.

Si je dis « Stratégie », je dis démarche politique volontariste, et j’entends par là que la « Politique » doit prendre ses responsabilités et agir, et ce à tous les niveaux: le marché ne créera pas de lui même, automatiquement, l’équité sociale qui devrait être possible, sinon normale, au vu des potentialités énormes inhérentes à la globalisation.

Cette Stratégie doit refléter les éléments interdépendants mais aussi mutuellement renforçants que sont:

-la croissance économique due à un bon fonctionnement du marché et à des investissements efficaces,

-la création d’emplois procurant un travail décent à ceux qui veulent en trouver,

-la cohésion sociale à tous les niveaux, du local au global, commençant par l’éradication de la pauvreté,

-le développement durable dans tous ses aspects et à tous les niveaux,

-et le respect des identités culturelles dans un monde néanmoins étroitement interdépendant.

L’Union européenne a fait de bonnes expériences en mettant en place des stratégies cohérentes en la matière, et ce depuis le Sommet spécial en faveur de l’emploi de Luxembourg de 1997, puis par la Stratégie plus globale de Lisbonne.

- La Stratégie doit être cohérente,  et elle doit l’être à tous les niveaux.

Il faut donc d’abord la cohérence au niveau de chaque Gouvernement.

La cohérence des organisations internationales est en fait d’abord le résultat de celle, interne, des Gouvernements qui les constituent.

Il en résulte que la cohérence, au deuxième niveau, celui de système multilatéral, est d’abord fonction des attitudes des Gouvernements membres. Les organisations du système multilatéral n’articulent en fait que la somme des points de vue de leurs mandants.

- La Stratégie doit être solidaire en prenant en compte le but final de toute activité économique, à savoir le bien-être du plus grand nombre. Les Objectifs de Développement pour le Millénaire doivent être réalisés. Mon pays entend approcher prochainement 1% du PIB consacrés à la politique du développement. Nous en sommes fiers et heureux.

3. L’implémentation de la Stratégie demande une responsabilisation de tous les acteurs, qui doivent être obligés à rendre publiquement compte de leurs actions au niveau national comme dans les enceintes internationales.  Le cas échéant des fora ad hoc devraient être institués en plus des mécanismes de contrôle institutionnels traditionnels, notamment parlementaires.

4. La mise en œuvre de la Stratégie ne réussira que si elle s’inscrit dans un cadre garantissant une meilleure gouvernance de la globalisation. Une gouvernance institutionnalisée comportant un suivi, public, dans les différents domaines politiques touchés par la globalisation n’est en fait que la conséquence logique tant de la responsabilisation des parties prenantes que de la nécessaire coordination des politiques.

La gouvernance n’est nullement une sorte de « dirigisme » mal compris. C’est la possibilité que nous nous donnons de contrôler si nous atteignons, tous ensemble, les objectifs communs que nous nous fixerons. Personne ne peut plus se confiner dans son petit coin et faire «  sa part de politique ». Nous nous inscrirons dans un tout cohérent. L’institutionnalisation de ce suivi nous semble la meilleure façon d’en venir à des résultats concrets et vérifiables. Les organisations internationales notamment doivent se défaire de leur  repli traditionnel sur elles-mêmes : les institutions de Bretton Woods, l’OCDE et l’UE notamment ont montré une attitude très constructive lors des travaux de la Commission mondiale. Reste à d’autres organisations d’emboîter le pas.

5. Pour terminer, les conclusions de la Commission mondiale et le plan d’action de Monsieur Somavia pour ce qui concerne le rôle spécifique de l’OIT, doivent être suivis, maintenant, de réalisations concrètes rapidement à mettre en place. Mon Gouvernement soutiendra dès lors très fortement l’institution d’un Forum régulier sur les politiques de mondialisation sous l’égide de l’ONU, Forum proposé à juste titre par la Commission mondiale.

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Mesdames et Messieurs,

L’évolution future dépendra largement des commentaires et suggestions qui  seront adressées par notre conférence au Directeur général de notre organisation, qui sera un relais indispensable en vue de leur concrétisation à un niveau multilatéral au-delà des limites  de l’OIT. Tous les acteurs de la globalisation s’attendent à un signal fort à l’heure actuelle. En tant qu’OIT, ne les décevons pas.

Merci de votre attention.

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