Intervention du ministre Claude Wiseler lors du Xe Sommet de la francophonie au Burkina Faso

Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général,
Excellences,

Comme les orateurs qui m’ont précédé, je voudrais  remercier les autorités du Burkina Faso de l’accueil chaleureux qu’ils ont réservé à notre délégation. Et qui nous a d’autant plus touchés que nos deux pays entretiennent d’excellentes relations, de coopération et d’amitié, qui ne cessent de s’intensifier.

J’ai été mandaté par notre Premier Ministre, Monsieur Jean-Claude Juncker, de transmettre à cette éminente assemblée ses regrets sincères de n’avoir pu assister personnellement au Sommet de Ouagadougou. Ceci en raison des contraintes de calendrier qui lui sont imposées par la préparation de la Présidence luxembourgeoise à l’Union Européenne, à partir de janvier 2005. Monsieur Juncker m’a chargé de vous dire toute l’importance qu’il accorde au thème et aux travaux de ce Xe Sommet de la Francophonie, auquel il souhaite un plein succès. Il  tient également à réexprimer son estime et son amitié personnelle à notre Secrétaire général, M.Abdou Diouf, en visite à Luxembourg au début de l’année.

Permettez-moi, Monsieur le secrétaire général, de m’associer à ce message de sympathie en vous adressant mes félicitations pour l’excellent travail que vous avez accompli depuis votre nomination à Beyrouth. Pour votre inlassable présence sur la scène politique. Pour vos réactions promptes et pertinentes aux événements, parfois douloureux, survenus dans les pays de notre famille francophone. Et surtout pour votre volonté d’inscrire l’action de la Francophonie dans la longue durée, par le biais du cadre stratégique décennal.

Ce cadre, qui circonscrit judicieusement les défis et les enjeux pour la Francophonie à l’horizon 2014, me semble indispensable pour donner plus de cohérence et surtout plus de continuité à notre réflexion et à notre action.

Il éclaire ainsi l’opportunité du thème central de notre Conférence: "La Francophonie, un espace solidaire pour un développement durable", en même temps que le lien entre Beyrouth et Ouagadougou.

Car le dialogue des cultures, point focal du sommet de Beyrouth, renforce le sentiment de solidarité et de fraternité entre les peuples et les nations, entre les pays développés et les pays moins développés. Il contribue donc à créer cet "espace solidaire" (j’aurais plutôt tendance à dire: espace de solidarité) sans lequel il n’y a pas de développement durable. Cette solidarité implique un partage plus équitable des richesses et des ressources de la planète. Un partage plus équitable également du savoir et de l’accès au savoir.

Dans cette perspective, la coopération est aujourd’hui une priorité absolue, mais qui doit se traduire dans les faits, c’est-à-dire par l’éradication progressive de la pauvreté conformément à l’agenda de Johannesburg. Le Luxembourg a fait de gros efforts en matière de coopération. Avec 318 dollars par habitant en 2003, il se situe dans le peloton de tête des contributeurs. En 2005, malgré un fléchissement passager de notre économie, nous consacrerons 0,85% de notre PIB à la coopération avec l’ambition d’atteindre le plus tôt possible le cap de 1%.

Avant même de l’année 2005, proclamée par les Nations Unies "Année de la micro-finance" la coopération luxembourgeoise a pris des initiatives dans ce domaine: au cours d’une table ronde (à préciser) elle a identifié trois axes d’intervention prioritaires

  • la création d’un espace de concertation européen
  • la sensibilisation de la place financière en vue de pouvoir mieux accueillir les acteurs potentiels, comme les fonds d’investissement en micro-finance
  • la finance rurale

Tout cela dans le souci de donner à la micro-finance la place qu’elle mérite dans le cadre d’une politique de développement cohérente.

Car la coopération n’est pas seulement une question de financement, mais doit relever d’une vision d’ensemble, politique, économique et culturelle, soutenue par d’inlassables efforts pédagogiques pour accréditer cette vision auprès des populations.

Le dialogue des cultures contribue également à "renforcer les défenses de la paix dans l’esprit des hommes" pour citer une formule bien connue du Préambule de l’acte constitutif de l’Unesco. Nous savons que la guerre constitue le principal obstacle à toute sorte de développement, sans parler des gaspillages en ressources, des destructions du patrimoine naturel et culturel, et surtout des souffrances humaines qu’elle génère. Sans les dividendes de la paix il n’y aura pas de véritable progrès ni de développement durable.

Le dialogue des cultures prépare donc le terrain pour cette "alliance mondiale pour le développement durable" que le président Chirac a appelée de ses vœux à Johannesbourg. Une telle alliance devrait trouver son fondement dans une nouvelle définition des rapports, intimement liés d’ailleurs, entre l’Homme et la Nature, mais aussi entre l’Homme et l’Homme: ces derniers devant être des liens, non de pouvoir et de domination, mais de dialogue, d’écoute et de tolérance.

Le développement durable recèle donc clairement une dimension éthique. Ethique à la fois individuelle, collective et planétaire.

Tant que la politique internationale restera enfermée dans sa dynamique dominante, qui est celle de l’économie et de la compétition, on ne pourra mobiliser le grand élan de solidarité nécessaire pour construire un nouveau modèle de développement, respectueux de la diversité culturelle, de l’environnement naturel, du droit des générations futures. (Et sans lequel il sera peut-être un jour trop tard pour dévier la course vers l’abîme du bateau ivre qu’est en passe de devenir notre planète bleue.)

Mais le développement durable n’est pas uniquement l’affaire des décideurs, politiques ou économiques. Chaque homme a une responsabilité individuelle pour lutter contre le gaspillage énergétique, pour préserver la biodiversité, pour protéger la qualité du sol, de l’air et de l’eau.

Le développement durable possède donc aussi une dimension éducative, car il implique l’apprentissage d’une nouvelle manière de penser et d’agir. Une nouvelle manière aussi d’être au monde, d’être en harmonie et non en conflit avec soi-même et les autres, avec l’environnement et la nature.

Dans cette perspective, il faudra accorder une attention toute particulière à l’éducation à la paix, à l’éducation aux valeurs. Valeurs revendiquées par la Francophonie, mais qui sont en fait des valeurs universelles: valeurs de la paix, de la démocratie, des droits de l’homme. Il s’agit, pour l’éducateur, de faire naître dans l’esprit de chaque enfant le sens de la responsabilité, le respect d’autrui, la culture du partage: partage des biens matériels et des biens immatériels.

Et n’oublions pas que nous avons un trésor commun à partager: celui de la langue française. Car nous avons parfois tendance à négliger la défense de ce patrimoine commun dans un monde menacé par ce que j’appellerais le darwinisme linguistique.

Il est vrai que le français n’est guère menacé d’extinction, comme certains le redoutent et d’autres se plaisent à le prophétiser. Mais la vigilance s’impose et les pays francophones doivent impérativement adopter une politique volontariste pour défendre leur legs commun, notamment dans les organisations internationales et sur l’Internet, ou plutôt: sur la Toile.

Car c’est grâce au miracle de la langue française que nous pouvons nous comprendre. C’est grâce au miracle de la langue française que nous sommes ici pour faire entendre notre voix: la voix francophone pour un monde plus solidaire, plus équitable et plus humain.

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