Conférence publique au sujet de la Présidence luxembourgeoise: Jean Asselborn au sujet des perspectives de la Présidence

Seul le discours prononcé fait foi

Altesse Royale,
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Général,
Monsieur le Directeur,
Monsieur le Premier Ministre honoraire,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,

Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui. A partir du 1er janvier, le Luxembourg prendra les rênes de l’Europe et présidera le Conseil de l’Union européenne. A la veille de cet événement important pour le pays, je suis très honoré de m’exprimer à cette Conférence pour exposer les priorités et les perspectives qui sont celles de la Présidence luxembourgeoise. C’est un exercice qui ne saurait être considéré ni comme encyclopédique quant aux sujets et contenus, ni comme prétentieux par rapport au travail accompli par les Néerlandais. Sans vouloir trop dire, il faudra dire assez et j’essayerai donc d’être clair tout en évitant que toute la lumière soit faite.

Mesdames, Messieurs, un demi-siècle de construction européenne a donné naissance à une Union profondément originale, fondée sur une volonté partagée des Nations qui la composent. Et aujourd'hui, nous le sentons bien, nous abordons une nouvelle étape de l'histoire de cette construction européenne qui nous a apporté la paix, le succès économique et le progrès social. L’admirable projet de l'élargissement a bien changé l'Union, ses modalités de fonctionnement. Parallèlement, et à mesure que s'étendent les domaines d'intervention de l'Union, les citoyens exigent, à bon droit, qu'elle soit plus démocratique, plus transparente et plus efficace. Cette nouvelle Europe, elle est aussi un défi.

Les autorités luxembourgeoises sont conscientes de la responsabilité qui leur incombe au titre de la présidence et elles abordent cette étape avec l'ambition de faire progresser ou d’aboutir tous les dossiers qui engagent l'avenir. Elles le feront en s'attachant à préserver et enrichir ce qui donne son sens à notre projet: la défense des valeurs fondamentales et le respect des identités nationales et culturelles; la volonté de concilier sans cesse performance économique et progrès social et de répondre aux attentes les plus concrètes des citoyens; l'affirmation de l'Europe comme acteur majeur sur la scène internationale. Voilà dans quel esprit le Luxembourg entend agir, dans le prolongement du travail remarquable accompli par la Présidence néerlandaise et en concertation étroite avec le Royaume Uni qui nous succédera le 1er juillet prochain. La tâche sera lourde, l’agenda ambitieux et notre gouvernement devra faire face à de grands enjeux, tant sur le plan européen que mondial.

A. Sur le plan européen

L’Europe a besoin de plus de croissance, de plus d’emplois et d’esprit d’entreprise. Elle doit mener à bien des réformes qui assurent un dynamisme économique. Une Union plus dynamique et plus compétitive doit aller de pair avec le maintien du modèle social européen. La présidence luxembourgeoise intervient à un moment crucial où l’Union doit prendre des décisions essentielles dans ce domaine. Ces dossiers domineront l’agenda économique et financier de l’Union durant le premier semestre de l’année prochaine.

Agenda socio-économique et financier

La Présidence luxembourgeoise consacrera ses énergies à faire avancer principalement trois dossiers, qui ont été traités en détail ce matin lors de la deuxième session. Pour deux de ces dossiers, le calendrier de la Présidence luxembourgeoise est tributaire de décisions prises antérieurement par le Conseil européen: ainsi la Présidence organisera-t-elle la révision à mi-parcours de la Stratégie de Lisbonne selon le calendrier retenu lors du lancement de la Stratégie au Conseil européen de Lisbonne en l’an 2000; de même, elle mettra tout en œuvre pour trouver un accord politique en matière de perspectives financières, conformément à ce qui est prévu dans le programme stratégique triennal arrêté par le Conseil européen de décembre 2003. Enfin, le troisième dossier à l’ordre du jour dans ce domaine des affaires économiques et financières sera l’adaptation du Pacte de stabilité et de croissance que le Luxembourg comptera réaliser sous sa présidence. 

Les perspectives financières

Depuis leur création en 1988, les perspectives financières ont pleinement rempli les objectifs qui leur avaient été fixés: évolution ordonnée de la dépense communautaire, discipline budgétaire, pacification de la procédure budgétaire annuelle. La reconnaissance de ce succès et le souhait de sa pérennisation ont amené les Etats membres et le Parlement européen à considérer qu'il convenait désormais de formaliser cet instrument en l'inscrivant dans le projet de traité constitutionnel sous le nom de "cadre financier pluriannuel".

C'est en tenant compte de ce contexte que le programme stratégique triennal pour la période 2004-2006 prévoit expressément que les travaux au sein du Conseil viseront à parvenir en juin 2005 à un accord politique sur les prochaines perspectives financières couvrant la période 2007-2013.

Ainsi que l’explicite le programme stratégique, cette échéance n'a pas été choisie au hasard. Elle vise à permettre, d'une part, l'adoption des différents instruments législatifs tributaires du prochain cadre financier pour la fin de l'année 2005 et, d'autre part, la réalisation en 2006 des travaux préparatoires indispensables à la mise en œuvre de la nouvelle génération de programmes communautaires dès 2007. Par ailleurs, la date de juin 2005 permet de garantir le déroulement de la procédure budgétaire 2007 dans la clarté et la sécurité.

Aux yeux de la Présidence luxembourgeoise, les raisons sous-tendant le calendrier des travaux arrêté par le Conseil européen n'ont rien perdu de leur force ni de leur pertinence. Partant, la Présidence entend organiser les travaux au premier semestre 2005 de telle manière que l'objectif stratégique de l'Union de parvenir à un accord politique en juin 2005 soit résolument poursuivi.

En ce qui concerne les perspectives financières, la Présidence luxembourgeoise devra faire face à d’importantes divergences. Il s’agira d’œuvrer en faveur d’une solution de compromis en 2005, faute de quoi toute percée risque d’être compromise. L’Europe veut réaliser des objectifs multiples et diversifiés et pour cela, elle devra se donner les moyens appropriés.

Le Processus de Lisbonne

Permettez-moi de rappeler que la future présidence est très attachée à la redynamisation de ce processus qui prend une de ses principales sources dans le Sommet pour l’Emploi de novembre 1997, qui a eu lieu sous la dernière présidence luxembourgeoise. Le Conseil européen de Lisbonne en 2000 avait lancé cette Stratégie comme modèle de développement fondé sur les trois dimensions que sont l’économie, le social et l’environnement. A Göteborg en 2001, le développement durable a été ajouté à ces objectifs. Au-delà de l’ambition affichée et souvent reprise de "l’Union européenne, économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde en 2010", elle constitue une réponse européenne aux besoins de réforme de nos économies dans un contexte de mutations importantes de l’économie mondiale. Il en va de la création d’emplois de qualité dans un contexte respectueux des spécificités du modèle social européen et de l’environnement. La révision à mi-parcours de la stratégie, dont la date avait déjà été fixée dès ce Conseil de Lisbonne, en l’an 2000, représente aujourd’hui une opportunité pour, premièrement, évaluer les progrès déjà accomplis, deuxièmement, améliorer les efforts à entreprendre en vue de réaliser les objectifs fixés et, finalement, corriger les actions menées jusqu’à  présent.

Plus concrètement, pour contrer les carences au niveau de la mise en œuvre de la Stratégie de Lisbonne, la Présidence luxembourgeoise encouragera la dynamisation des objectifs de Lisbonne dans le cadre de la révision à mi-parcours. Sur base du rapport de synthèse de la Commission, qui sera publié en janvier 2005 seulement, le Sommet de Printemps 2005 mettra l’accent sur des actions nécessaires que les gouvernements devront prendre dans les différents piliers de la stratégie.

Au cours de cet exercice de révision, la Présidence luxembourgeoise veillera surtout à ce que l’esprit initial de ce modèle de développement fondé sur le triptyque de l’économie, du social et de l’environnement soit maintenu. C’est ainsi que la Présidence luxembourgeoise s’appliquera à renforcer la dimension environnementale du processus de Lisbonne, en dégageant une vision claire en matière de stratégies de lutte contre les changements climatiques et des objectifs de réduction des émissions y associés. L’annonce de l’entrée en vigueur début 2005 du Protocole de Kyoto ayant relancé le processus, il s’agit de préparer la mise en place d’un futur régime (post-2012) global, ambitieux et équitable, avec des engagements en matière d’efforts d’atténuation communs mais différenciés selon les capacités et responsabilités des Parties concernées.

Parmi d’autres domaines qui nous semblent aujourd’hui prioritaires, permettez-moi de mentionner l’achèvement et la bonne gestion du Marché intérieur, la recherche et l’innovation, l’amélioration de l’environnement pour les entreprises, la modernisation du marché du travail, ainsi qu’une stratégie pour le "Life Long Learning" et une meilleure qualification des jeunes quittant l’école.

En ce qui concerne le Marché intérieur, je relève en particulier qu’il incombera à la Présidence luxembourgeoise de continuer les travaux en cours sur la proposition de directive « Services » en s’efforçant d’introduire dans les débats la dose de sérénité nécessaire à tout progrès et d’apporter aux textes les clarifications indispensables pour faire disparaître les incertitudes et angoisses des partenaires sociaux, qu’il s’agisse des organisations syndicales ou patronales. Qu’on ne se serve pas de notre présidence pour organiser le dumping social. Nous n’adhérerons jamais à cette méthode.

Il ne s’agit pas seulement de parvenir à un accord sur des législations importantes comme le brevet communautaire, mais aussi de faire progresser les initiatives de simplification des législations et de réduction des charges administratives tant au niveau national qu’au niveau communautaire. Chaque Etat membre doit en plus redoubler d’efforts en ce qui concerne la transposition des directives et l’application correcte des règles du Marché intérieur.

Au-delà, une meilleure mise en œuvre, au niveau national, des décisions prises dans le cadre du Processus de Lisbonne pourrait être favorisée par le recours à l’adoption de plans d’action nationaux tels que proposés par le rapport Kok, méthode, qui, par l’implication des parlements nationaux, du monde des affaires, de la société civile, des partenaires sociaux et des médias, devrait conduire à un véritable "ownership" national et à une plus grande responsabilisation au niveau de chaque Etat membre.

La réforme du Pacte de Stabilité et de croissance

La Présidence luxembourgeoise va continuer les discussions de réforme du pacte de stabilité sur base des recommandations de la Commission de septembre dernier et du papier stratégique soumis par le Comité économique et financier au dernier Conseil Ecofin du 16 novembre.

L’objectif de la Présidence luxembourgeoise sera de faire adopter des ajustements au pacte actuel, sans remettre en cause les principes fondamentaux - on ne peut pas changer la Constitution sur ce point - de façon à assurer que le Pacte redevienne un instrument efficace dans le cadre de la gouvernance économique de l’Union européenne.   

Elargissement

Le calendrier en matière d’élargissement de l’Union européenne sous Présidence luxembourgeoise dépendra en grande partie des décisions qui seront prises les 16 et 17 décembre prochain à Bruxelles.

D’abord, la Présidence sera normalement amenée à finaliser la rédaction du traité d’adhésion avec la Bulgarie et la Roumanie. En ce qui concerne la Bulgarie, je suis très optimiste, en ce qui concerne la Roumanie, les événements des derniers jours peuvent remettre en cause le processus. Je ne le souhaite pas à la Roumanie. C’est une décision de faire adhérer ce tandem à l’Union européenne sous notre présidence, j’espère que ce sera possible. Lundi prochain, je serai à Sofia et après à Bucarest. J’aurai une occasion de parler avec les responsables politiques de ces pays. Pour l’instant, en ce qui concerne la Bulgarie, tous les chapitres ont été clos et en ce qui concerne la Roumanie, il y en a encore trois qui doivent être analysés. Hier, j’étais au Parlement européen, et j’ai discuté avec tous les chefs de groupes parlementaires au Parlement européen. Pour le Parlement européen, ceci est un point à clarifier, je le dis ici en toute sincérité.

Au terme de la procédure institutionnelle qui comprend la saisine du Parlement Européen, l’organisation d’une cérémonie de signature officielle - au plus tôt vers la fin avril, en raison de la procédure institutionnelle précitée - viendra clore le long travail des négociations d’adhésion. L’adhésion effective de ces deux pays candidats n’étant prévu que pour le 1er janvier 2007, le monitorage de la transposition de l’acquis sera toutefois poursuivi avec détermination.

Ensuite, la future présidence luxembourgeoise entamera les négociations avec la Croatie si les décisions prises en décembre sont en ligne avec les conclusions du Conseil européen de juin 2004, qui fixent l’ouverture des négociations au début de l’année 2005. Une question d’importance fondamentale est évidemment ici la collaboration avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Les travaux sous la Présidence luxembourgeoise seront normalement dominés par l’élaboration d’un cadre de négociation, qui déterminera les critères pour la conduite des négociations techniques proprement dites. Le lancement de celles-ci pourra intervenir dès l’approbation du cadre de négociation par le CAGRE; la convocation d’une Conférence Intergouvernementale donnera le coup d’envoi officiel au processus de screening de l’acquis par la Commission, préalable à l’ouverture des discussions techniques chapitre par chapitre.

Enfin, s’agissant de la Turquie, sous la réserve d’une décision positive du Conseil européen en décembre, qui fixera, alors prévisiblement, une date pour l’ouverture des négociations dans le deuxième semestre, il appartiendra à la Présidence luxembourgeoise de veiller, à l’instar de ce qui sera fait pour la Croatie, à la fixation d’un cadre détaillé de négociation.  Il s’agira notamment de traduire en termes concrets le concept des trois piliers de négociation préconisés par la Commission et de fixer les priorités d’une feuille de route de travail.  A son tour, ce cadre devra être entériné par le CAGRE et accepté comme base de travail lors de la convocation de la Conférence Intergouvernementale.

Sur la Turquie, permettez-moi encore deux mots: Nous avions, ici au Grand-Duché, un débat critique à la Chambre des députés sur ce sujet. Une large majorité, 55 députés sur 60, se sont prononcés en faveur de l’ouverture des négociations avec la Turquie. Personnellement, je préfère une Turquie qui veut rejoindre l’Union européenne que l’inverse. Sous la pression, Mesdames et Messieurs, d’une adhésion de la Turquie, soixante-cinq millions de personnes ont profité d’une amélioration sensible, considérable en ce qui concerne les droits de l’homme. La peine de mort a été abolie. La torture n’est plus tolérée. Les droits culturels et les droits de la femme se sont considérablement améliorés. Donc, il s’agit ici d’un début de négociations dans un processus ouvert dans le temps et aussi en ce qui concerne le résultat. Je crois que ce serait une bonne chose pour l’Europe, une bonne chose pour la Turquie en matière de cohabitation fructueuse du monde de notre civilisation avec la civilisation plus à l’est de l’Europe. Quand je dis ceci sur la Turquie, je me rends compte de ce qui pourrait se passer si on perdait en cours de route la Roumanie. Je suis très prudent dans mes propos en ce qui concerne la Roumanie. Je sais ce qui pourrait se passer pour ce pays et il faudra attendre les résultats du Conseil européen de décembre qui sera très important.

Traité Constitutionnel

Dans le cadre de la mise en œuvre du Traité Constitutionnel, il reviendra à la Présidence luxembourgeoise de continuer les travaux préparatoires entamés sous présidence néerlandaise. Il incombera également à la Présidence de veiller au suivi de la procédure de ratification du Traité constitutionnel dans les Etats membres. Les referenda, d’après ce que nous savons maintenant, auront lieu en Espagne au mois de février, au Portugal, la question reste ouverte suite aux récents développements politiques, aux Pays-Bas, entre mars et mai, au Luxembourg, le 10 juillet, et en France - après le vote positif des socialistes - au mois de juillet.

Chers amis, Mesdames, Messieurs, Altesse Royale, la démocratie participative, pour moi est toujours positive, mais ne peut signifier immobilisme politique. Dans notre Présidence, nous aurons une avalanche de referendum et d’élections nationales, mais quand même nous devrons faire avancer les choses et ne pas rester bloqués par ces événements.

Je vous ai maintenant parlé des grandes lignes de l’Agenda interne de l’Union européenne. Mais, simultanément, l’Union devra également assurer sa présence et développer son action sur le plan international.

B. Relations extérieures de l’Union européenne

L’importance de cette dimension de la présidence s’est accrue considérablement, tout comme l’importance de l’Union sur la scène mondiale, et les responsabilités qui en découlent.

Les objectifs de l’Union sont bien connus: un monde plus stable, plus prospère, plus respectueux des droits de l’homme. Ils inspirent toute l’action extérieure de l’Union qui dispose d’un ensemble d’instruments au service de leur réalisation.

La politique étrangère et de sécurité commune et la coopération avec les pays tiers

Dans ce contexte, la présidence aura pour responsabilité de poursuivre la mise en œuvre de la stratégie européenne de sécurité, adoptée il y a un an et qui constitue la trame dans laquelle s’inscrit l’action extérieure de l’Union. De cette stratégie découle un certains nombre de choix fondamentaux qu’il appartiendra à la présidence de concrétiser.

Une des orientations essentielles de cette stratégie est la priorité accordée au multilatéralisme. L’Union européenne voit dans ce système le moyen privilégié d’atteindre les objectifs ambitieux qui sont les siens. C’est pourquoi elle continuera à soutenir l’action des Nations Unies dans les divers conflits auquel notre monde doit faire face.

Cette priorité accordée au système multilatéral se traduit également dans le domaine économique par l’importance que l’Union attache à l’Organisation mondiale du Commerce. La présidence aura à cœur de favoriser la conclusion la plus rapide possible des travaux du Doha Round dont il faut souligner l’importance pour le développement de l’économie mondiale et l’intégration des pays en développement dans le commerce mondial

C’est également dans un cadre multilatéral que l’Union européenne entend faire face à d’autres défis tels que la prolifération des armes de destruction massive. Rappelons dans ce contexte que le premier semestre 2005 doit voir la réforme du traité de non prolifération, entreprise dont les évènements actuels démontre amplement le caractère prioritaire.

La lutte contre le terrorisme suppose également de s’appuyer notamment sur le système multilatéral.

Au-delà de ce parti pris en faveur du multilatéralisme, l’Union poursuit également la réalisation de ses objectifs par un dialogue et une coopération intensives avec de nombreux partenaires.

Pour un certain nombre d’entre eux, la présidence luxembourgeoise verra sans doute des échéances importantes. Ainsi, les réunions au Sommet prévues avec des pays tels que les Etats-Unis ou la Russie seront l’occasion de marquer des étapes potentiellement décisives dans les relations avec ces pays. Le Premier Ministre se rendra le 14 décembre en Russie et moi-même je me rendrai le 20 décembre aux Etats-Unis pour préparer notre présidence avec ces acteurs importants.

La relation transatlantique, dont le caractère irremplaçable est souligné par la stratégie de sécurité, sera placée sous le signe de la réalisation des objectifs ambitieux fixés lors du dernier Sommet entre l’Union européenne et les Etats-Unis. Ils concernent des domaines allant de l’élimination des entraves aux relations économiques à la lutte contre le terrorisme.

Au vu des évènements actuels, je n’ai guère besoin de souligner l’importance qu’il convient d’accorder aux relations de l’Union européenne avec la Russie, nouveau voisin de l’Europe élargie, dont les choix politiques internes et externes ont un impact majeur sur notre sécurité et notre prospérité.

L’importance et la visibilité de ces deux Sommets ne doit cependant pas faire oublier que  le calendrier - chargé - de la présidence luxembourgeoise comporte un certain nombre d’autres rendez-vous sur lesquels je voudrais mettre l’accent. Ainsi, Luxembourg verra la tenue de la 7ème réunion ministérielle du processus de Barcelone, dit Euromed. Il s’agit là d’une des rares enceintes où se côtoient Israëliens et Palestiniens avec d’autres voisins de la région.. L’ampleur des défis auxquels est confrontée cette région voisine de l’Union et leur impact sur la sécurité et la prospérité de celle-ci expliquent toute l’attention qu’il convient d’accorder à la préparation de cette échéance. A La Haye, j’ai pu constater l’esprit positif et la volonté de revenir terre-à-terre pour s’occuper des vrais problèmes pour faire fonctionner les institutions, les points névralgiques de cette région.

Une autre réunion ministérielle d’une envergure  toute particulière sera celle qui se tiendra à Luxembourg entre l’UE et ses partenaires d’Amérique latine avec lesquels les relations s’intensifient continuellement.

Au-delà de ces réunions spécifiques, découlant d’engagements préexistants de l’Union européenne, l’action de la présidence est surtout dictée par l’évolution des nombreux défis extérieurs auxquels l’Union est confrontée, évolution qui implique des échéances plus ou moins prévisibles. Il serait vain de vouloir passer en revue ici l’ensemble des problèmes auxquels il faudra faire face. Je me contenterai donc d’évoquer les principaux.

En bonne place parmi ceux-ci figure bien entendu le Moyen-Orient. Les élections dans les Territoires palestiniens - et beaucoup d’élections sont programmées - et le retrait israélien de la bande de Gaza peuvent marquer le début d’un processus positif qui permettrait de sortir de la spirale - apparemment sans fin - de la violence. La réalisation de ce potentiel suppose un engagement constant non seulement des parties en présence mais également de l’ensemble des membres de la communauté internationale, au premier rang desquels les membres du quartette. Ma première visite que je ferai après le 1er janvier m’emmènera en Israël, en Cisjordanie et en Jordanie pour bien montrer l’importance qu’accorde notre présidence à cette région du monde.

L’Irak restera évidemment lui aussi au centre des préoccupations. La présidence cherchera à poursuivre le processus d’approfondissement des relations entre l’UE et ce pays, initié par la présidence actuelle. Les élections législatives prévues pour janvier 2005 marqueront - je l’espère - un pas décisif vers une normalisation à laquelle l’UE entend contribuer activement. Difficile, apparemment de maintenir la date du 31 janvier 2005. Probable donc, mais pas certain.

Il importera également d’être attentifs à la situation en Iran, qui met en cause des objectifs fondamentaux de la politique extérieure de l’Union, à savoir la protection des droits de l’homme et la lutte contre la prolifération nucléaire. Vous savez que l’Union européenne, notamment trois grands pays, ont pris l’initiative, avec l’apport du Haut Représentant Javier Solana, d’éviter un clash au Conseil de sécurité. Je crois que là, l’Union européenne a montré qu’elle a une influence capitale dans cette région du monde et qu’elle fait un excellent travail sur ce point.

L’année 2005 verra également de grandes échéances en ex-Yougoslavie. La Communauté internationale sera en particulier appelée à faire le bilan de la situation au Kosovo. Nous avons rencontré, il y a quelques semaines, M. Sören-Peterssen, chef de la MINUK à Pristina. Les standards au Kosovo seront analysés et si le niveau est assez élevé, les négociations sur le statut du Kosovo pourront éventuellement être entamées au milieu de l’année. Un autre grand défi pour l’Union européenne sera le développement futur de la Bosnie. La mission militaire que l’UE vient d’y entreprendre est un exemple du renforcement de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) et de la coopération entre l’OTAN et la PESD. Ces deux développements sont cruciaux pour l’avenir de l’action extérieure de l’Union, mais je reviendrai plus en détail sur cette question dans quelques instants.

J’ai déjà fait allusion à la Russie. Il va sans dire que l’Union européenne devra accorder une attention soutenue à un certain nombre de situations affectant des pays proches de la Russie et de l’Union, qu’il s’agisse de l’Ukraine, du Caucase, de la Biélorussie ou de la Moldavie.

Enfin, il m’est impossible de conclure sans évoquer la situation en Afrique, dont les liens avec l’UE sont tels que celle-ci ne saurait se désintéresser des nombreux foyers de crise qu’on y rencontre, que ce soit au Soudan, en Côte d’Ivoire ou dans la région des Grands Lacs. 

Politique européenne de sécurité et de défense

En matière de défense, l’Union européenne a connu une évolution significative avec la mise en place de la Politique européenne de Sécurité et de Défense (PESD).

Il y a néanmoins lieu de constater que des lacunes notamment en matière de capacités militaires subsistent. La mise en œuvre de la PESD constitue donc un véritable défi pour la Présidence luxembourgeoise.

Dans cet ordre d’idées, la présidence aura la responsabilité de développer davantage la contribution de la Politique européenne de Sécurité et de Défense à la lutte contre le terrorisme, notamment en développant les capacités militaires et civiles de gestion de crises qui sont considérées dans ce contexte comme un élément-clé en matière de lutte contre cette nouvelle forme de menace.

Par ailleurs, sous Présidence luxembourgeoise seront prises les décisions relatives aux futures missions européennes de gestion de crises à caractère civil et militaire et en particulier à la conduite de la mission européenne ALTHEA en Bosnie-Herzégovine. L’opération qui a débuté le 2 décembre 2004, se déroulera sous notre présidence qui jouera donc un rôle primordial dans le suivi de cette mission.

Parmi les tâches qui incomberont à  la Présidence luxembourgeoise, on peut d’ores et déjà prévoir une première évaluation de cette opération.

Concernant l’Objectif Global 2010 (Headline Goal 2010) visant à atteindre pour 2010 la convergence vers une pleine interopérabilité des équipements, des forces et des structures de commandement et de contrôle, la Présidence luxembourgeoise aura notamment pour tâche la mise au point d’un catalogue des besoins pour 2005, l’établissement d’un Questionnaire relatif à l’Objectif Global ainsi qu’un Questionnaire des plans de défense. Ces exercices serviront à assurer la cohérence des efforts entrepris par les différents Etats membres de l’Union européenne afin de remédier aux lacunes capacitaires constatées.

Un des éléments qualitatifs clés en la matière est la définition de l’ambition de l’Union européenne en termes de réponse rapide, c’est-à-dire la mise en avant du concept des groupements tactiques.

La Présidence luxembourgeoise devra ainsi assurer la capacité opérationnelle initiale des groupements tactiques dès début 2005 et préparer la voie pour leur pleine capacité opérationnelle en 2007. En effet, vers mars 2005 la Présidence devra pouvoir constater la réalisation des engagements pris par les différents Etats lors de la conférence d’engagement des capacités militaires du 22 novembre 2004 en termes de groupements tactiques capables d’être déployés à très brève échéance.

Un autre sujet de la Présidence sera la coordination des relations des différents Etats membres avec l’Agence européenne de Défense nouvellement créée. Celle-ci assistera la Présidence dans l’amélioration des capacités de défense de l’Union européenne et dans le soutien du développement de la Politique européenne de Sécurité et de Défense.

  • Le Luxembourg sera également engagé dans la continuation de l’évaluation du Plan d’action européen pour les capacités, lancé pour remédier aux lacunes capacitaires constatées dans le cadre de l’objectif global 2003.

Sous Présidence luxembourgeoise les travaux de mise en œuvre de la cellule civilo-militaire seront entamés. L’intensification des relations UE-OTAN sera à l’ordre du jour.

Finalement la présidence aura la charge de faire avancer le programme d’exercice et le concept de formation de l’Union européenne en matière de PESD. Elle tirera les conclusions du fonctionnement de la session pilote du Collège européen de Sécurité et de Défense et décidera des modalités pour les sessions futures.

Enfin, un élément clé de la Présidence luxembourgeoise sera le renforcement du dialogue et de la coopération avec les organisations internationales telles que les Nations Unies, l’OTAN, l’OSCE.

Coopération au développement

Je suis persuadé que la paix dans notre Continent a tout à gagner d’une stabilité politique accrue dans l’Europe de l’Est, les Balkans, l’Afrique et les pays de la Méditerranée. De même, je compte sur la politique d’aide au développement pour coopérer davantage avec les régions du monde qui nécessitent notre aide et notre assistance.

Dans le domaine de la coopération au développement, la lutte contre la pauvreté constituera l’objectif central de notre programme de Présidence. Nous ne saurons rester indifférents aux phénomènes dans un nombre important de pays en développement, notamment en Afrique, de la marginalisation, de l’exclusion, de la maladie, des inégalités et de la pauvreté.

Je me permets de reprendre ci-dessous les grandes orientations, déjà définies par mon collègue Jean-Louis Schiltz, Ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire, le 17 novembre dernier, lors de sa Déclaration à la Chambre des Députés.

Trois priorités figureront à l’ordre du jour de  notre Présidence, à savoir - dans le désordre - les Objectifs du Millénaire, le SIDA et  la cohérence des politiques. 

L’année 2005 sera marquée par la tenue, à New York, en septembre d’un Sommet appelé à évaluer le suivi qui a été réservé jusqu’à présent à la mise en œuvre des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et à définir les efforts qui restent à consentir pour que ces objectifs soient atteints d’ici 2015. Avec un peu de chance, le Secrétaire général des Nations Unies, Monsieur Kofi Annan, sera présent au Luxembourg durant le premier semestre 2005. Il s’agira de débattre du rapport de M. Badinter. Il est clair dès aujourd’hui que si nous voulons vraiment réduire de moitié l’extrême pauvreté et le nombre de ceux qui souffrent de faim, la communauté internationale devra consentir des efforts additionnels substantiels en matière d’Aide Publique au Développement (APD).

Le Luxembourg aura, en tant que future Présidence, un rôle-clé à jouer dans le contexte des travaux de préparation de ce Sommet.

L’Union Européenne aura en particulier à convenir sous Présidence luxembourgeoise du montant de l’aide qu’elle sera disposée à mettre à disposition après 2006. On se rappelle à ce sujet que lors de la Conférence de Monterrey, l’UE s’était engagée à fournir, jusqu’à cette date, une APD de 0,39 % de son Revenu National Brut. 

La lutte contre le SIDA est une autre de nos priorités. 42 millions vivent avec le Sida dont 39 dans les pays en développement. Le SIDA est, avec la guerre et avec la malaria en Afrique, le pire fléau auquel le monde ait eu à faire face durant les 15-20 dernières années du 20ième siècle. Il s’agit aussi d’un des principaux défis auxquels nous aurons à faire face durant les années à venir. 

Conclusion

Comme vous le voyez, Altesse Royale, Mesdames, Messieurs, ce ne sont pas les défis qui manqueront à l’Union européenne et à la présidence luxembourgeoise, dont je sais cependant qu’elle pourra compter sur le soutien de l’ensemble de ses partenaires pour y faire face. Nous n’avons pas de temps à perdre. C’est le moment de passer à l’action et de consacrer toutes nos énergies pour le bien-être des citoyens européens.

Je conclurai, Altesse royale, Mesdames et Messieurs, en vous assurant que le gouvernement luxembourgeois sera totalement mobilisé dans cette Présidence. Nous l'avons préparée extrêmement sérieusement, les réunions du Conseil des ministres y consacrent désormais chaque semaine un temps significatif. Les ministres savent que l'agenda européen doit être la priorité de leur calendrier des six mois qui viennent. Ils ont vocation et je crois désir, par les contacts avec leurs collègues, par un travail suivi et confiant avec les instances européennes, de contribuer chacun individuellement dans sa responsabilité, et collectivement en tant que gouvernement, non pas à un succès de la Présidence luxembourgeoise mais à des succès pour l'Europe pendant la Présidence luxembourgeoise.

Je vous remercie.

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