Fernand Boden devant la commission de l'Environnement, de la Santé publique et de la Sécurité alimentaire du Parlement européen

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,

C'est avec un grand plaisir que j'ai accepté l'invitation de participer à votre réunion d'aujourd'hui et d'entamer ainsi un dialogue certainement fructueux entre le Conseil "Agriculture et Pêche" et votre Commission.

Dans le cadre d'un exercice traditionnel mais nécessaire et utile, j'ai l'honneur d'exposer devant vous les principales priorités de la Présidence luxembourgeoise dans des domaines importants, complexes et suscitant une sensibilité aiguë au sein de la société civile, tels que ceux de la sécurité alimentaire, la santé publique, la santé animale, le bien-être des animaux et la protection des végétaux.

D'une façon générale, mon objectif fondamental sera de continuer à œuvrer à la consolidation et à la défense des acquis réalisés, à la mise à jour des objectifs et instruments à la lumière de l'expérience acquise et de l'évolution scientifique, à l'extension des règles dans des domaines non encore couverts, et ceci, sans négliger les intérêts légitimes de tous les acteurs de la filière. Je suis certain que votre Commission est animée par ces mêmes soucis.

Au passage, permettez-moi de souligner que cette approche s'inscrit parfaitement dans la grande orientation - désormais consolidée au niveau européen et que l'Union défend avec acharnement dans les enceintes internationales - du modèle européen d’agriculture, défini en 1997 pendant la dernière Présidence luxembourgeoise. J’entends par là une agriculture multifonctionnelle répartie sur tout le territoire de l’Union européenne, y compris les régions défavorisées, qui doit à la fois répondre aux objectifs économiques classiques et apporter une contribution essentielle notamment sous l'aspect de la sécurité et qualité des produits alimentaires, de protection de l'environnement et de défense du bien-être des animaux.

Suite à la réforme de la PAC en 2003, les exigences de la société ont encore davantage été intégrées dans la politique agricole, notamment par l'intermédiaire de l'écoconditionnalité, de la modulation des paiements directs et du renforcement des aspects de développement rural.

La mise en œuvre de cette réforme marque le début d’une nouvelle ère pour l'agriculture européenne. Cette année, dix États membres ont commencé par introduire la nouvelle prime par exploitation et près de 90 % des aides directes couvertes par la réforme sont désormais découplées de la production.

La force de l'agriculture européenne ne résulte pas seulement de la compétitivité au niveau des prix face à la concurrence internationale, mais aussi et surtout dans la qualité et la sécurité de nos denrées alimentaires et dans le caractère durable de notre production. Ce sont là, nos meilleurs atouts.

Pour les consommateurs, la conception de la qualité se rapporte aujourd’hui également à la méthode de production ou à l'origine des produits. L'agriculture intégrée, les produits biologiques, les produits provenant d'une région déterminée et la tradition qui entoure un produit constituent également d’importants indicateurs de qualité.

Nous devons continuer à mettre en avant le niveau élevé de nos normes en matière d'hygiène, la sécurité de nos denrées alimentaires et leur traçabilité ainsi que la prise en compte des principes du bien-être animal et des objectifs environnementaux, afin que ces éléments soient reconnus à leur juste valeur par le consommateur et la société.

Dans ce contexte, je voudrais souligner l’importance des propositions relatives au développement rural, qui sont actuellement traitées par la commission "Agriculture" du PE. Ce deuxième pilier de la PAC joue et jouera un rôle de première importance pour aider à contribuer à une agriculture plus durable.

La Présidence luxembourgeoise s’est engagée à mettre tout en oeuvre pour que le Conseil puisse conclure dans les meilleurs délais les travaux sur ce dossier, afin d’améliorer l’efficacité et la cohérence de l’ensemble des mécanismes appliqués en faveur du développement rural.

Dans ce cadre, le Conseil devra aussi se pencher sur un document qui sera présenté par la Commission à la fin du premier trimestre de cette année. Il s’agit du plan stratégique qui permettra d’établir les priorités de l’Union européenne dans les principaux domaines relatifs à la compétitivité de l’agriculture et de la sylviculture, à l’agroenvironnement, à la qualité de la vie et à la diversification économique dans le milieu rural.

En ce qui concerne l'agriculture biologique, le Plan d'Action Européen pour l'agriculture biologique, approuvé il y a quelques mois, a constitué une première étape dans un processus continu. Une campagne d'information basée sur le logo européen vient d’être lancée et la Commission prépare une révision en profondeur de la législation communautaire actuelle dans ce domaine, y compris sur les aspects relatifs à l'importation dans l'Union des produits biologiques. J’espère que les propositions de la Commission seront adoptées aussi vite que possible afin qu'elles puissent être examinées par le Conseil et le PE pendant notre Présidence.

On peut, certes, légitimement considérer que la chaîne alimentaire européenne est l'une des plus sûres au monde, grâce au vaste arsenal législatif dont la Communauté s'est dotée au fil des dernières années. Mais cela, comme l'ont malheureusement prouvé les faits dramatiques de ces dernières années, ne nous met pas à l'abri de crises de nature à ébranler la confiance des consommateurs, à provoquer des retombées économiques et sociales brutales, à mettre en cause la fiabilité de nos systèmes de production et de nos structures de contrôle.

Je voudrais ici souligner le travail imposant accompli sous l’impulsion des dernières Présidences et avec la contribution déterminante de votre Parlement, et je citerai comme exemples l’adoption du "paquet hygiène" et de textes relatifs aux sous-produits animaux, aux zoonoses et à l’hygiène des aliments pour animaux.

Dans cette optique, je note qu'il existe une obligation politique de ne jamais relâcher l'action d'envergure entamée, même si dans la présente conjoncture, il sera surtout question, dans certains cas, de mesures d'une portée plus limitée et destinées à tenir compte de l'amélioration de la situation sur le terrain, d'une part, et de l'apport plus récent des élaborations scientifiques d'autre part.

Monsieur le Président, Honorables Parlementaires,

Permettez-moi maintenant d'en venir aux dossiers spécifiques que nous prévoyons de traiter en priorité pendant le semestre en cours.

Le règlement n° 999/2001 du Parlement européen et du Conseil sur la prévention, le contrôle et l'éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles est entré en vigueur le 1er juillet 2001 et prévoit l'adoption de mesures transitoires qui viennent à expiration le 1er juillet prochain. Dès lors, la Commission a proposé en décembre 2004 de proroger ces mesures de deux ans, tout en préconisant des modifications ponctuelles du règlement , à la lumière des développements intervenus depuis son adoption.

Je tiens à souligner l'importance de ces modifications ponctuelles, qui portent notamment sur la nouvelle détermination du statut des pays au regard de l'ESB, la prévention des EST, le contrôle et l'éradication en matière d'EST. Elles portent encore sur l'élargissement à d'autres espèces des dispositions en matière de mise sur le marché et d'exportations de bovins, d'ovins, et de caprins ainsi que sur l’extension dles inspections de l'Office alimentaire et vétérinaire communautaire dans des pays tiers. La mise en évidence toute récente par le Laboratoire Communautaire de Référence d’un cas d’ESB chez une chèvre d’origine française montre l’importance de ces mesures communautaires. Pour pallier à l’urgence de la situation, des premières mesures ont été prises dès aujourd’hui au sein du comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale pour intensifier la surveillance des espèces caprines.

En ce qui concerne la proposition de la Commission de prolonger les mesures transitoires, qui s’appliquent jusqu’à l’adoption d’une décision communautaire portant sur la classification des pays au regard de l’ESB, je voudrais souligner le lien entre les discussions communautaires et internationales et le fait que l’OIE (Office International des Epizooties) n’a pas encore mené à terme cette catégorisation. A cet égard, nous espérons que la session générale de l’OIE adoptera fin mai sa proposition visant à simplifier les critères actuels de catégorisation des pays en fonction de leur risque ESB, ce qui devrait ensuite lui permettre de classer chaque pays dans l’une ou l’autre des catégories définies. Comme l’OIE n’aura très probablement pas finalisé ce travail de classification des pays pour le 1er juillet 2005, il est proposé de prolonger l’application des mesures transitoires du règlement EST jusqu’au 1er juillet 2007.

La Présidence luxembourgeoise aura à cœur, avec votre aide, de faire avancer au maximum l'instruction par le Conseil de ce dossier, qui est soumis à la procédure de codécision et sur lequel votre Commission a une compétence directe. Vu que le délai d'expiration des mesures transitoires est le 1er juillet 2005, nous espérons donc aboutir lors de notre Conseil de juin à une adoption de cette proposition.

Dans le cadre de la procédure de codécision et dans le domaine des produits phytosanitaires et de protection des végétaux, je me félicite d’abord de ce que le Parlement européen vient d'approuver en deuxième lecture, à une large majorité, un accord élaboré entre les deux institutions sur un projet de règlement visant à harmoniser dans l'Union les limites maximales de pesticides autorisées dans les denrées alimentaires.  Il s'agit en effet d'un texte important qui tend à assurer un niveau uniforme de protection des consommateurs dans toute la Communauté, notamment en prévoyant à terme une procédure centralisée de fixation des limites maximales de résidus réservant un rôle important à l'Autorité européenne de la sécurité alimentaire. Après les efforts accomplis par les deux présidences précédentes, nous avons approuvé les amendements du Parlement européen, lors de la session du Conseil du 24 janvier 2005. Ce réglement a dès lors été définitivement arrêté sous la forme de la position commune du Conseil amendée par votre institution.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,

Je souhaite maintenant aborder brièvement un certain nombre de sujets liés à la santé animale et au bien-être des animaux, pour lesquels nous attendons des propositions législatives de la part de la Commission, qui viendront renforcer l’arsenal des mesures existantes. L’élaboration en temps utile des avis de votre Institution, que le Conseil ne manquera pas de prendre dûment en considération, facilitera considérablement la tâche de la Présidence en vue de l’adoption rapide de ces propositions par le Conseil.

A ce titre, je citerai les dossiers suivants:

  • celui de la prévention et la lutte contre l'influenza aviaire, où il est opportun de procéder à une œuvre de refonte, consolidation et modernisation de la législation communautaire en cette matière, notamment suite à l'épizootie survenue en Asie et qui a des connotations inquiétantes également sur le plan de la santé humaine. Lors de la discussion de ce dossier, nous devrons aussi suivre de près les évolutions au niveau international au sein d’organisations telles que l’OIE (et la FAO) ;
  • celui du bien-être en élevage des poulets de chair. Il s'agit là d'ajouter une pièce supplémentaire à la mise en œuvre d'une législation efficace pour la protection des animaux, après celles déjà introduites aussi bien en matière d'élevage - les veaux, les porcs, les poules pondeuses - que de transport des animaux.

A ce propos, permettez-moi de saluer au passage le succès remporté par la Présidence néerlandaise, il y a juste un mois et demi, lorsque le Conseil a adopté le nouveau règlement relatif à la protection des animaux pendant le transport. Certes, des voix – dont la mienne d’ailleurs -  se sont élevées au sein même du Conseil pour réclamer une réglementation plus ambitieuse, mais il est indéniable que le travail accompli est méritoire. Il s'agit maintenant d'appliquer correctement les nouvelles règles, en attendant le rapport - et les éventuelles propositions - que la Commission nous soumettra d'ici quelques années. A cet égard, nous attendons avec impatience la publication de la future "stratégie communautaire de bien-être animal" qui a été annoncée par le Commissaire Kyprianou.

Autre sujet sur lequel toute mon attention est mobilisée et qui a un impact médiatique considérable est celui des organismes génétiquement modifiés (OGM).

Grâce à une parfaite entente entre nos deux institutions, la Communauté européenne s'est dotée de la législation la plus sévère au monde en matière d'autorisation, de mise sur le marché, d'étiquetage et de traçabilité des OGM.

Il reste cependant à régler une question très importante, celle de savoir comment assurer la coexistence entre les cultures génétiquement modifiées et les cultures traditionnelle et biologique.  Jusqu'à présent, la Commission a souhaité s'en tenir au principe de subsidiarité et laisser les Etats membres légiférer dans ce domaine en leur recommandant des lignes directrices pour garantir cette coexistence.

Toutefois, les récentes discussions qui ont eu lieu au Conseil sur ce sujet ont permis de constater qu'un grand nombre d'Etats membres estiment nécessaire que soient rapidement introduites au niveau communautaire des règles uniformes et contraignantes applicables en cette matière.

Nous attendons une initiative de la Commission dans ce domaine, car le libre choix tant des consommateurs que des producteurs en cette matière nous semble essentiel.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,

Pour terminer, j'aimerais vous faire part du traitement que la Présidence a l'intention de donner au secteur des forêts. Tout d'abord, je vous rappelle que la 5ème et dernière session du Forum des Nations Unies sur les Forêts (FNUF-5) se tiendra à la fin du mois de mai à New York et comprendra un segment ministériel. En particulier, cette session examinera l'efficacité de l'Arrangement International sur les Forêts et les éléments d'un mandat pour la mise en place d'un instrument juridiquement contraignant applicable à tous les types de forêts. La Présidence néerlandaise a proposé un document de travail pour essayer de définir la position commune de l'UE, à présenter lors de la session en question. La Présidence luxembourgeoise poursuivra cette ligne de travail dans le but de pouvoir s'exprimer au nom de tous les Etats membres à New York. 

Un autre dossier concernant les forêts est celui de l'importation de bois dans l'UE (FLEGT). La Présidence luxembourgeoise s'efforcera d'arriver à un accord sur la proposition législative de la Commission pour la mise en place d'un régime d'autorisation volontaire (FLEGT) relative aux importations de bois dans l'UE. En outre, la Présidence a l'intention de faire progresser le débat sur le mandat du Conseil visant à autoriser la Commission à entamer des négociations portant sur les accords de partenariat avec certains pays tiers.

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,

Après cet exposé du programme de la Présidence, que je me suis efforcé de vous présenter succinctement et en même temps aussi complètement que possible, je me tiens à votre disposition pour répondre à vos interrogations et vous fournir les précisions ultérieures que vous pourrez encore souhaiter.

Je vous remercie de votre attention.

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