Marie-Josée Jacobs à la séance plénière de haut niveau de l'Assemblée générale des Nations unies à l'occasion de la 43e session de la Commission pour le développement social

Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de prendre la parole au nom de l'Union européenne. La Bulgarie et la Roumanie, pays adhérents, la Turquie et la Croatie, pays candidats, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, l’ancienne République yougoslave de Macédoine et la Serbie-Monténégro, pays du processus de stabilisation et d’association et candidats potentiels, ainsi que la Norvège, se rallient à la présente déclaration.

L’Union européenne profite de l’occasion pour remercier le Secrétaire général pour les travaux préparatoires effectués pour la 43e session de la Commission pour le développement social et en particulier pour son rapport relatif à la suite donnée au Sommet mondial pour le développement social et à la vingt-quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale et pour son rapport relatif à la révision décennale du Sommet mondial sur le développement social.

Monsieur le Président,

Le plan d’action adopté à Copenhague insistait sur la réduction de la pauvreté, la promotion de l’emploi et l’intégration sociale, trois objectifs qui valent à la fois pour les pays en voie de développement et pour les pays industrialisés. La déclaration et le plan d’action du sommet ont aussi mis en exergue l’importance de promouvoir un environnement national et international favorable au développement social.

Depuis le sommet de Copenhague, l’Union européenne a développé ses politiques sociales sur le plan interne. Les objectifs visés par les politiques adoptées par l’Union européenne dans les domaines de l’emploi, de la lutte contre la pauvreté, de la création d’emplois et de l’intégration sociale, ainsi que les engagements pris par les Etats membres en exécution de ces politiques rejoignent sur bon nombre de points les trois objectifs du plan d’action de Copenhague et les initiatives nouvelles adoptées à Genève en 2000.

Si les politiques adoptées par l’Union européenne ne sont bien évidemment pas automatiquement applicables aux pays en voie de développement, l’approche adoptée par l’Union européenne peut servir de base de réflexion et d’échange d’idées. L’expérience de l’Union européenne peut servir de source d’information et d’exemple de bonne pratique.

Monsieur le Président,

Permettez-moi de présenter, dans un premier temps, les politiques développées par l’Union européenne sur le plan interne;

puis, dans un deuxième temps, de développer les politiques de l’Union européenne sur le plan externe dans ses relations avec les autres pays du monde;

enfin, dans un troisième temps, d’indiquer le suivi que l’Union européenne entend accorder à ces politiques pour les années à venir et ce dans le cadre plus général de l’exécution des engagements pris à Copenhague.

Monsieur le Président,

Au courant de son histoire, l’Union européenne a fait l’objet de plusieurs élargissements, dont le plus récent en mai 2004, qui a mis fin à une division tragique du continent européen. A chaque fois, l’Union européenne a adapté son environnement institutionnel, politique et juridique aux besoins de l’élargissement.

La Constitution européenne que les Etats membres et les citoyens sont appelés à adopter, vise à adapter l’Union européenne aux défis du XXIe siècle. Cette adaptation devra se faire dans le respect des valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée. La Charte des droits fondamentaux incorporée dans la Constitution réaffirme ces valeurs de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité.

Cependant, Monsieur le Président,

Cette Union européenne à 25 n’est pas à l’abri du chômage et de l’exclusion sociale. Ainsi, elle a un taux moyen de chômage de 9% et 15% de sa population restent exposés au risque de pauvreté.

Afin de tenir la pauvreté et l’exclusion sociale en échec, l’Union européenne se doit de développer un environnement favorable à la croissance économique et de tirer profit des effets positifs de la mondialisation - tels l’ouverture des économies et des sociétés ainsi que la libéralisation des échanges de biens, d’idées et de connaissances, tout en sauvegardant un modèle social européen qui garantit l’équité sociale.

C’est pourquoi il convient de veiller à une bonne cohérence entre politiques économiques, financières, commerciales, environnementales et sociales pour promouvoir le développement humain et le progrès social.

Le bien-être de la personne humaine doit se trouver au centre de toutes les politiques.

Depuis le sommet de Copenhague l’Union européenne a successivement mis en place des stratégies permettant de s’attaquer aux problèmes liés au chômage et à la pauvreté et l’exclusion sociale.

Lors du Conseil européen de Luxembourg en novembre 1997, l’Union a pu développer une stratégie coordonnée pour l’emploi, notamment en vue de promouvoir une main d’oeuvre qualifiée, possédant un haut niveau de formation et adaptable, ainsi que des marchés de travail plus réactifs aux changements économiques.

Lors du Conseil européen de Lisbonne en mars 2000, l’Union européenne a élargi sa visée.

Elle s’est donnée l’objectif de devenir jusqu’en 2010, l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique au monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale.

Elle a retenu, pour réaliser cet objectif, une stratégie fondée sur l’idée de l’interdépendance entre politiques économiques, sociales et environnementales. 

Dans une économie fondée sur la connaissance et le développement technologique il est évident qu’une population mal formée et privée d’accès aux biens et aux services produira un effet négatif en termes de croissance et d’emplois.

Si le développement de la croissance économique et de l’emploi sont indispensables dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, il est aussi nécessaire d’accorder une importance égale aux politiques sociales.

Dans la mise en oeuvre de la stratégie d’inclusion sociale, l’action des Etats membres est guidée par les six priorités stratégiques suivantes:

  1. promouvoir l’investissement dans des mesures pour favoriser un marché actif de l’emploi et les adapter pour qu’elles répondent aux besoins des personnes qui connaissent les plus grandes difficultés à accéder à l’emploi;
  2. s’assurer que les régimes de protection sociale sont adaptés et accessibles à tous et qu’ils offrent des incitations réelles à travailler à ceux qui peuvent travailler;
  3. développer l’accès des plus vulnérables et des personnes les plus exposées au risque d’exclusion sociale à des logements décents, à des soins de santé de qualité et à des possibilités d’éducation et de formation tout au long de la vie;
  4. mettre en oeuvre un effort concerté pour prévenir l’abandon prématuré de la scolarité et encourager une transition en douceur entre l’école et le travail;
  5. mettre l’accent sur l’éradication de la pauvreté et de l’exclusion sociale qui frappent les plus vulnérables comme les familles pauvres, les enfants, les handicapés, les femmes isolées;
  6. définir une politique dynamique de réduction de la pauvreté et de l’exclusion sociale des immigrants et des minorités.

Pour ce qui est des systèmes de sécurité sociale, les Etats membres de l’Union européenne entreprennent notamment des efforts pour maintenir des systèmes de pensions sûrs et viables.

Depuis l’adoption de la stratégie intégrée de Lisbonne, certains progrès ont pu être réalisés.

A titre d’illustration il convient de noter que:

  • Depuis 1999 plus de 6 millions d’emplois ont été créés.
  • Plusieurs marchés-clés ont pu être totalement ou partiellement ouverts à la concurrence, tels notamment les télécommunications, le transport ferroviaire de marchandises, les services postaux, les marchés de l’électricité et du gaz.
  • L’économie de la connaissance commence à devenir réalité, comme l’illustre la mise en place progressive de l’espace européen de la recherche et de l’innovation
  • Plusieurs Etats membres ont entamé des réformes de leur régime ou système de pensions pour faire face au problème du vieillissement.
  • Sur le plan de l’inclusion sociale le Conseil européen de Nice en décembre 2000 a permis de déterminer des objectifs communs de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et les 25 Etats membres de l’Union poursuivent ces objectifs à l’aide de plans d’action pour l’inclusion sociale.

Monsieur le Président,

Dans quelques semaines, la Commission de la condition de la femme analysera la mise en oeuvre du programme d’action de Beijing, adopté, quelques mois seulement après le plan d’action de Copenhague, à l’issue de la 4e Conférence mondiale sur les femmes, et des conclusions de la 23e session extraordinaire de l’Assemblée générale.

Il convient de relever que l’un des dix engagements de la déclaration de Copenhague, repris dans le cadre des initiatives nouvelles adoptées lors de la vingt-quatrième session extraordinaire de l’Assemblée générale, concerne l’équité et l’égalité entre les femmes et les hommes et que cet engagement traverse comme un fil rouge tout le programme d’action de Copenhague.

Dans ce même contexte, il convient de relever que le Traité d’Amsterdam a intégré l’égalité entre les hommes et les femmes comme l’un des objectifs de la Communauté européenne et a confirmé l’intégration de la dimension de genre dans les actions de la Communauté. En effet la promotion de politiques permettant la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale et la réduction des écarts entre les sexes dans les différents secteurs du marché du travail apparaissent comme conditions incontournables pour réaliser les objectifs de Lisbonne.

S’il est vrai qu’une tendance positive a pu être constatée en matière de réduction des inégalités entre les sexes dans plusieurs domaines stratégiques, l’Union européenne doit poursuivre ses efforts pour promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes dans toutes les sphères de la société.

Monsieur le Président,

L’Union européenne est consciente de la nécessité de promouvoir la solidarité avec les pays en développement et d’aider ces derniers en vue de réaliser les Objectifs de développement pour le millénaire. Sur le plan de son action extérieure, l’Union est le principal partenaire du monde en développement. Elle fournit en effet 55% de l’aide publique internationale et elle est de loin son principal partenaire commercial et investisseur étranger.

Depuis 2000, les Objectifs du millénaire fournissent notamment le cadre international pour la coopération au développement. La réalisation de ces Objectifs permettra une avancée considérable en matière de développement social des populations les plus pauvres. Les Objectifs du millénaire ne pourront pas être atteints avec une approche compartimentée, mais en établissant des liens bien définis entre eux.

La coopération au développement doit avoir pour but premier la lutte contre la pauvreté. Il est important de noter dans ce contexte que l’Aide publique au développement fournie par l’UE ne cesse d’augmenter. Quatre pays des cinq pays au monde qui réservent 0,7% ou plus de leur revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement (APD) sont des Etats-membres de l’Union européenne, et plusieurs autres pays de l’UE ont annoncé qu’ils atteindraient ce seuil dans les prochaines années. L’Union européenne s’est engagée collectivement afin d’atteindre un niveau moyen de l’APD de 0,39% jusqu’en 2006. Cette augmentation de l’APD a déjà permis des progrès dans la lutte contre la pauvreté, notamment contre les causes et conséquences sociales de celle-ci.

Dans ce contexte, il y a lieu de continuer à mettre en oeuvre le consensus de Monterrey portant sur le financement du développement.

Les progrès faits dans le cadre des programmes d’action de Beijing et du Caire ont également déjà produit des résultats importants en matière de santé, de prévention du VIH/SIDA ou encore du renforcement du rôle des femmes dans le développement. Ces progrès, qui apportent un bénéfice social important, doivent être poursuivis et consolidés et le Sommet des Nations unies prévu pour septembre de cette année sera l’occasion majeure pour faire le point sur la mise en oeuvre des Objectifs de développement du millénaire, les succès obtenus, mais aussi les lacunes observées et les moyens appropriés pour y faire face.

Les programmes d’aide au développement doivent se réaliser dans un esprit de partenariat et de respect de l’appropriation locale des actions menées. Avec l’implication active de la société civile et le renforcement des capacités institutionnelles, ce sont là les moyens les plus sûrs pour garantir que le développement place les individus au centre et assurer que les individus participent pleinement à leur développement. Les investissements dans l’éducation et la formation professionnelle sont également une voie très efficace pour renforcer la capacité des personnes à gérer leur avenir.

Ceci s’applique bien sûr également aux personnes handicapées qui doivent être en mesure de jouir des droits de l’homme au même titre que tout citoyen. A cet égard il s’agit de souligner que les Nations Unies sont en train d’élaborer le projet d’une convention internationale globale pour la protection et la promotion des droits et de la dignité des personnes handicapées. L’Union Européenne est pleinement engagée dans cette initiative.

Il importe aussi de veiller à l’intégration transversale de la dimension de genre dans les programmes d’aide au développement.

Pour l’Union européenne les programmes de réduction de la pauvreté doivent articuler pleinement les dimensions économiques et sociales.

Afin que les programmes de développement répondent aux objectifs du Millénaire et au consensus international sur le développement, l’Union européenne devra continuer à améliorer l’action coordonnée et cohérente avec le reste des politiques communautaires.

L’UE continuera à renforcer en particulier son partenariat avec l’Afrique. Beaucoup d’efforts doivent encore être mobilisés en matière de lutte contre la pauvreté et de développement social et un soutien accru et durable de la communauté internationale reste indispensable. Le problème du HIV/SIDA, même s’il touche tous les continents, y est particulièrement sérieux et menace dans certains pays d’annuler tous les efforts de développement des dernières années.

Monsieur le Président,

Cette année, la stratégie ambitieuse de développement que l’Union européenne s’est donnée à Lisbonne en mars 2000 est venue à mi-parcours.

La Commission européenne vient de présenter un rapport dans lequel elle fait le bilan des progrès réalisés à ce jour et communique ses réflexions quant à l’orientation future de la stratégie.

Ce rapport sera à l’ordre du jour du Conseil européen du mois prochain qui définira les priorités d’action qui s’imposent pour les années à venir afin de permettre à l’Union de réaliser ses ambitions.

La stratégie globale de l’Union européenne inclut un Agenda pour la politique sociale. 

L’actuel Agenda social européen, adopté par le Conseil européen de Nice en décembre 2000, viendra à échéance fin 2005. Il était bâti sur une approche intégrée associant l’économique et le social.

Il est fondé à la fois sur:

  • la perspective d’économie performante créatrice d’emplois de qualité,
  • un niveau élevé de protection sociale,
  • l’égalité des chances pour tous,
  • l’éducation et le dialogue social.

Le prochain Agenda social couvrira la période 2006-2010.

Les travaux pour son élaboration sont entrepris alors que l’Union européenne est confrontée à quatre défis majeurs:

  • la mondialisation,
  • le déséquilibre démographique,
  • la diversité croissante de ses sociétés et
  • la transition vers une économie de la connaissance.

Face à ces défis, le nouvel Agenda social devra conserver l’approche intégrée retenue en décembre 2000.

Monsieur le Président,

En guise de conclusion permettez-moi de placer les efforts tant internes qu’externes de l’UE dans le contexte plus large de la discussion qui est actuellement en cours ici à New York et dans les capitales et qui devra mener vers le Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement en septembre au siège de l’ONU.

Il s’agit du débat qui doit permettre de mieux outiller la communauté internationale - avec l’ONU au centre - pour affronter les menaces et les défis du XXIe siècle. Le rapport du Groupe à haut niveau que le Secrétaire général a présenté en décembre dernier aux Etats membres et qui est discuté à l’AG, a identifié de manière fort judicieuse les liens indéniables entre les problèmes socio-économiques d’un côté et les risques d’insécurité et de violences, souvent armés, de l’autre.

Dans ce contexte, l’UE salue également la publication du rapport de l’O.I.T. sur la dimension sociale de la mondialisation, qui n’alimente pas seulement la discussion en cours par une analyse pertinente et réaliste mais recommande à la communauté internationale des actions concrètes comme par exemple la promotion du travail décent et la promotion de politiques plus cohérentes.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs

Dans le contexte de la mise en oeuvre des résultats du Sommet social, le dialogue des Etats membres de l’ONU au sein de la Commission du développement social est essentiel.

Dans ce dialogue, l’Union et ses Etats membres plaident et s’engagent avec détermination pour une mondialisation à visage humain qui contribuera à un monde plus sûr.

Je vous remercie de votre attention.

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