Luc Frieden, ministre de la Justice, lors du 20e anniversaire de la signature des accords de Schengen

Altesses Royales,
Monsieur le Président du Parlement luxembourgeois,
Monsieur le Bourgmestre,
Chers collègues et amis ministres,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

En cette soirée, je voudrais d’abord remercier Leurs Altesses Royales, le Grand-Duc et la Grande-Duchesse du Luxembourg, de nous faire l’honneur de nous rejoindre en cette cérémonie un peu particulière, puisque nous célébrons trois anniversaires en même temps.

Vingt ans d’accords de Schengen, dix ans d’application pratique de ces accords et de ces différents volets, quinze ans de convention d’application des accords de Schengen. Mais je crois que Schengen figure parmi ces villes ou villages européens qui sont sans nul doute les mieux connus en Europe, sans que les gens en Europe sachent très bien où cela se trouve. Et c’est la raison pour laquelle nous avons pensé qu’il serait bien de vous inviter ce soir ici à Schengen, pour vous montrer que Schengen est un village sympathique au Grand-Duché de Luxembourg, et nous vous sommes reconnaissants, Monsieur le Bourgmestre, de nous recevoir dans votre belle commune ce soir.

Schengen n’a pas été choisi en juin 1985, quand ces accords ont été signés de façon abstraite. Parce que Schengen, au début, c’étaient cinq pays, les pays du Benelux, la France et l’Allemagne. Et c’est ici, à Schengen, que le Benelux, qui a négocié ensemble avec la France et avec l’Allemagne, a une frontière commune. Et donc, c’est véritablement une place européenne qui a été choisie pour construire cet espace de Schengen, auquel nous nous sommes tant habitués par la suite.

Mais il y a au-delà de cette proximité géographique une symbolique qui va au-delà de la géographie. Le Luxembourg est quelque peu coincé entre deux puissants voisins, l’Allemagne et la France. Et en choisissant comme lieu de signature, pour un traité qui abolit les frontières et qui introduit la coopération policière, un endroit où des nations qui jadis se combattaient, qui représentent des cultures différentes, se rejoignent, je crois que c’est bien aussi de voir en Schengen un instrument de paix et de dialogue entre les peuples qui ont rejoint l’Europe à travers Schengen, et par la suite.

J’observe d’ailleurs que Schengen a souvent impressionné de hauts représentants de ces deux cultures allemande et française qui ont traversé cette ville. Il y a de cela déjà un certain temps. En effet, Victor Hugo, quand il était en exil, est passé par Schengen. Il a, alors qu’il est un auteur, il a dessiné ici à Schengen le château qui se trouve à côté de nous, et d’ailleurs, sur la compilation des textes sur l’acquis de Schengen que le secrétariat général du Conseil de l’Union européenne vient d’éditer, je crois que nos fonctionnaires ici présents connaissent bien cet ouvrage, on voit d’ailleurs ce dessin de Victor Hugo.

Un Allemand, quelques années plus tôt, en 1792, Johann Wolfgang von Goethe, en revenant de la bataille de Walny, est aussi passé par Schengen. Il a, lui aussi, dessiné ici à Schengen, il a dessiné l’arbre de la liberté, qui nous vient de la Révolution française, et sur le verso de son dessin, on voit le village de Schengen. Donc, c’est quand même un endroit où des cultures différentes se sont rencontrées.

Et je crois que c’est bien un signe, parce que si nous célébrons cet anniversaire ce soir, alors qu’il y avait certaines raisons pour ne pas le célébrer en ce jour, parce que l’Europe a été remise en question par certains, message auquel il faut évidemment réfléchir, je crois qu’il faut aussi réfléchir à ce que Schengen représente. Et Schengen représente pour nous la liberté, Schengen représente pour nous la sécurité et Schengen représente pour nous la réussite européenne. La liberté, puisque l’objectif principal était d’abolir les frontières. Mais en même temps, nous avons réalisé que si on abolit les frontières et si on veut assurer la sécurité, il faut des mesures compensatoires. Et c’est pour cela que Schengen prévoit aussi, surtout la convention d’application, des éléments très clairs pour renforcer la coopération policière et l’entraide judiciaire pénale pour introduire un régime commun en matière de visa, d’asile pour aboutir à un meilleur contrôle des frontières extérieures. Et ce sont donc cette liberté et cette sécurité que nous souhaitons mettre ensemble.

And in fact what we have done in the past remains an important objective today. Schengen represents freedom, security and justice. And it is very clear to me, as President of the Council of the European Union and as a long-time member of this Council, as the longest serving member of the Justice and Home affairs Council, that freedom, security and justice must evolve in parallel, that we cannot make progress on one aspect without making progress on the other aspects.

And we are confronted today to so many problems in our countries, to which we must find an European answer. Those who believe that problems of transborder organized crime, of trafficking drugs, of illegal immigration can be solved by national states, I think they are wrong.

We have seen over the past years that only if we cooperate, if we improve our exchange of information between police and judicial authorities, we can make progress and we can build what the European area of freedom, justice and security is all about. And this is an area where Europe can bring a real added value to our citizens. I know that people think that we make too fast a progress in the European Union. And that they see some of the negative side effects of a larger Union.

But let us think for one moment we would not have the agreements of Schengen. If we would be stopped at each and every border if we went on holidays, and we would loose hours for controls that would not always be that efficient in the fight against organized crime. Then I think, we would very quickly, if we had a referendum on Schengen, have people asking us to say: please do Schengen, we say yes to Schengen. On the free movement of citizens and on the police co-operation, I stress the importance of the two aspects that Schengen is all about. Schengen was a first stage and we have to continue to build on that. I do think that the European area of justice, freedom and security remains one of the most important objectives and ambitions of the European Union in the ten years to come.

We have to listen to the message that was sent to us by the citizens of France and of the Netherlands. We have to try to understand what they told us. But I don’t think that they rejected Europe, they rejected maybe the speed with which we have built Europe. I would like us to have an intense dialogue with the citizens of our countries about the pros and cons of the European construction. And if we put everything on balance, I think that what we have achieved with Schengen since 1985 and until today in the area of justice and police co-operation, I think certainly that there would be a massive yes to the political project on which we have embarked and which we would like to continue with the support of our populations. We cannot build Europe without the support of the people in Europe. There can be no difference between what political leaders do and what the citizens of our countries want us to do. We have democracies, and fortunately we live in democracies, so we should intensify the debate with our citizens.

Mesdames et Messieurs, je crois que cet endroit de Schengen ce soir ne doit pas nous faire oublier ce qui s’est passé en début de semaine. Mais ce qui s’est passé en début de semaine ne doit pas nous faire oublier tout ce que nous avons construit au niveau européen au cours des cinquante dernières années. L’Europe est un instrument et reste un instrument de paix, de stabilité sur notre continent, y compris l’Europe élargie, et surtout peut-être l’Europe élargie après la guerre froide. Et je crois que nous devons continuer à renforcer notre coopération pour plus de sécurité et donc de liberté. Il ne peut y avoir des libertés sans sécurité, il n’y a pas de sécurité sans justice.

Ici, nous sommes près d’une rivière qui symbolise une frontière et qui est une frontière. Et vous savez qu’il y a déjà un certain nombre d’années, plusieurs décennies même, deux hommes politiques de deux pays différents faisaient campagne ensemble. C’étaient des Européens convaincus, Robert Schuman, né à Luxembourg, ministre des Affaires étrangères de France par la suite, et le Luxembourgeois Joseph Besch, ancien Premier ministre et ministre des Affaires étrangères. Et ils allèrent dîner dans un restaurant, où dans l’arrière-cour du restaurant, il y avait une rivière qui était la frontière, et qui est la frontière entre la France et le Luxembourg. Ils faisaient campagne électorale ensemble, parce que leurs circonscriptions étaient l’une à côté de l’autre, la Lorraine et le Luxembourg. Et à ce moment-là, l’un dit à l’autre, en fait, ce que nous devons faire, en montrant du doigt la rivière, nous devons rendre ces frontières invisibles.

Je crois que c’est ce que l’Union européenne a fait, c’est ce que Schengen a réussi à faire. Notre qualité de vie est devenue meilleure et les criminels n’ont pas pu abuser de cette liberté parce que nous avons mis en place des mécanismes de coopération policière. Et c’est la raison pour laquelle ce soir, je suis heureux de pouvoir célébrer avec vous sur une rivière, qui en plus, et je le dis à l’attention de nos collègues, le ministre de l’Intérieur de la République fédérale d’Allemagne, cette frontière, cette rivière, la Moselle, qui nous mène vers la France, qui constitue donc la frontière entre le Benelux, la France et l’Allemagne, en plus, c’est un condominium, donc, c’est un territoire commun, sur lequel ce soir, je vous invite au nom du gouvernement luxembourgeois, au nom de la Présidence du Conseil à fêter avec nous ce que nous avons achevé au cours des vingt dernières années. Bonne fête aux accords de Schengen, et continuons à construire une Europe libre et sûre.

Merci.

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