Article cosigné par Jean-Louis Schiltz: Lutte contre la pauvreté: il est temps d'agir!

"Nous ne pouvons pas remporter le combat contre la pauvreté par des paroles. Il nous faut agir maintenant.

Quelques heures avant le début du sommet des Nations unies à New York, il est temps de faire le point. Qu'avons-nous fait jusqu'ici? Que reste-t-il à faire? Un grand nombre d'étapes ont déjà été franchies. L'Union européenne a décidé de porter son aide au développement à 0,56% en 2010 et à 0,7% en 2015. Le G8 a proposé d'annuler la dette multilatérale de quelques-uns des pays pauvres les plus fortement endettés.

La campagne mondiale 'Make Poverty History' a contribué à une sensibilisation accrue du public.

Ces initiatives préparent le terrain pour le sommet des Nations unies. Au cours de ce sommet, les leaders mondiaux évalueront les efforts accomplis pour réduire la pauvreté." "Ils discuteront de la meilleure façon de mettre en œuvre la Déclaration du millénaire pour le développement et d'atteindre les Objectifs du millénaire. Que reste-t-il à faire pour réduire la pauvreté extrême de moitié d'ici 2015? Telle est la question.

Pour nous, il est clair que le temps des paroles est révolu. Le temps est venu d'agir maintenant. Nous, pays donateurs qui fournissons déjà au moins 0,7% du revenu national brut a l'aide publique au développement (APD), en appelons ainsi à chaque pays développé – aux membres du G8 et aux autres – à consacrer chacun, dès que possible et en tout cas avant 2015, 0,7% de leur revenu national brut à l'aide publique au développement.

Dans ce contexte, l'accord de l'Union européenne du mois de mai par lequel les États membres se sont engagés à doubler l'aide au développement d'ici 2010 n'est pas une simple promesse, mais un engagement clair et contraignant. Les pays développés ont la responsabilité de fournir une aide efficace et suffisante, d'encourager une réglementation commerciale équitable et d'annuler la dette, là où elle est insoutenable. Le fait de ne pas respecter nos engagements remettrait tout simplement en cause le développement au niveau mondial. Il nuirait aussi à notre crédibilité en tant que communauté des donateurs. Les clivages entre riches et pauvres, entre le nord et le sud, s'élargiraient encore davantage.

Ceci dit, il est clair pour nous que les pays en développement sont et restent responsables au premier chef de leur propre développement et nous en appelons à ces pays à assumer concrètement, au jour le jour, la plénitude de cette responsabilité. Ils doivent créer les conditions nécessaires pour leur développement. Nous visons en particulier ici la bonne gouvernance, la démocratie et le respect des droits de l'Homme.

Nous avons besoin de plus d'aide. Nous avons aussi besoin d'une aide plus efficace et de meilleure qualité.

Les donateurs doivent mieux coordonner leurs efforts. Les pays récipiendaires de l'aide doivent établir des politiques nationales pour combattre la pauvreté et promouvoir la croissance. Nous devons collaborer pour réaliser ces objectifs.

Nous devons également continuer nos efforts en vue de la mise en place de nouvelles sources de financement pour le développement.

L'argent seul ne fera pas l'affaire. Nous avons également besoin de plus de cohérence entre nos différentes politiques. Sans cela, il ne sera pas possible de réaliser un développement global équitable et durable.

L'Union européenne est consciente de cet enjeu majeur. Tous les secteurs politiques concernés et tous les instruments disponibles doivent être mobilisés d'une manière coordonnée.

Cela est vrai pour la politique agricole, mais aussi pour la politique commerciale, la politique de sécurité ou la politique migratoire. La cohérence des politiques va d'ailleurs de pair avec la création d'emplois et la mise en place de conditions favorables à la production agricole, entre autres, dans les pays en développement.

Les décisions à prendre ne seront pas toutes des décisions faciles. Mais l'Union européenne prendra ses responsabilités et agira en faveur d'un développement global cohérent. La réunion ministérielle à Hong Kong, plus tard dans l'année, sera un succès si nous arrivons à réaliser cet objectif. Les négociations commerciales actuelles dans le cadre de I'OMC doivent devenir le 'round' de développement qu'elles sont censées être.

La lutte contre la pauvreté ne consiste pas seulement à améliorer les conditions de vie des populations dans les pays en développement. Elle doit malheureusement aussi faire face aux conséquences de catastrophes humanitaires.

Nous avons tous été frappés par la crise humanitaire actuelle au Niger. La faible réponse à l'appel des Nations unies pour une aide humanitaire au Niger est alarmante: seuls quelque 50% de l'appel à hauteur de 81 millions de dollars US sont couverts par des promesses de dons. Ceci après le passage des caméras de CNN, BBC et autres! Malgré de nombreux engagements pour aider l'Afrique, seuls quelques pays développés ont en fait apporté des contributions substantielles. Par comparaison, les appels très en vue et plus substantiels (2,2 milliards de dollars US) en faveur de l'lrak en 2003 ont été couverts à raison de 90%, et l'appel après le tsunami a été couvert à 90% endeans deux semaines.

L'ampleur de la crise actuelle au Niger aurait certainement pu être évitée. La communauté internationale doit être mieux préparée. Il est notamment crucial d'accélérer de façon urgente la réponse humanitaire en améliorant la disponibilité et la prévisibilité du financement par le biais de l'établissement d'un fonds humanitaire capable d'agir et de réagir rapidement.

Ce fonds doit être alimenté ex ante par des dons substantiels. A défaut, il ne saura de façon efficace faire face aux conséquences des crises humanitaires.

Il n'est pas acceptable que des pays en crise doivent attendre que des appels soient lancés et des promesses de dons reçues, alors que les populations ont désespérément et rapidement besoin d'aide, que ce soit en raison de famines, de guerres ou de catastrophes naturelles. Le cas du Niger montre que la réponse traditionnelle n'est ni suffisante ni assez rapide. L'"appel intelligent" lancé pour le Malawi nous montre la voie à suivre: la communauté internationale et les Nations unies doivent pouvoir reconnaître les signes d'alerte et agir immédiatement. La mise en place d'un véritable fonds humanitaire nous permettra de le faire.

Nous connaissons les réponses et les méthodes, le calendrier et les justifications. Nous avons assez de ressources. Il n'y a aucune excuse pour ne pas assumer notre responsabilité commune. Il s'agit d'une question de volonté politique. Nous avons fait assez de promesses. Nous avons pris les engagements nécessaires. Il est temps d'agir. Maintenant."

Jean-Louis Schiltz, ministre luxembourgeois de la Coopération et de l'Action humanitaire
Agnes Van Ardenne-Van der Hoeven, ministre néerlandais de la Coopération au développement
Ulla Toernaes, ministre danois de la Coopération au développement
Hilde Frafjord Johnson, ministre norvégien de la Coopération au développement

Carin Jâmtin, ministre suédois de la Coopération au développement

Dernière mise à jour