Jeannot Krecké, Discours du ministre de l'Economie lors du Forum de l'industrie automobile, Luxembourg

Mesdames, Messieurs,

Bienvenu ici au Luxembourg, pour ceux qui ne sont pas issus de ce pays.

Comme Pierre Gramegna vient de le signaler, depuis un certain temps, je fais la promotion du Luxembourg, mais également de la Grande Région chaque fois que j’en ai l’occasion. C’est avec un certain enthousiasme, mais c’est aussi par nécessité, je pense. Nécessité, car si je parle à des étrangers, si je suis en Chine ou en Inde et que je parle d’une région importante avec un "énorme" marché intérieur de 450000 consommateurs, ça ne va pas loin. Donc il me faut déjà l’argument d’une grande région, où il y a plusieurs millions de consommateurs, une grande région où au niveau des universités, pour ne prendre que cet exemple-là, il y a une grande complémentarité. Nous avons une place financière très importante. Dans la branche dont nous parlons aujourd’hui, le Luxembourg a plusieurs équipementiers qui sont d’une notoriété internationale, mais dans d’autres branches, certainement dans d’autres secteurs, il est important que je puisse m’appuyer sur des compétences, sur des centres d’excellences qui sont au-delà de nos frontières et donc je le fais volontiers. Je pense qu’il faut considérer toute la région comme un espace économique important et c’est en tant que tel que je le vois lorsque je vais en mission de promotion à l’étranger. Donc je n’ai qu’à vous féliciter, étant donné que vous êtes en fait l’expression de ce que je conçois comme espace économique, c'est-à-dire toute la Grande Région qui essaye de se regrouper autour d’un secteur qui est très important, en tout cas pour l’économie luxembourgeoise et je pense au-delà.

Le marché luxembourgeois, pour parler de celui-là, au niveau des voitures, est toujours en progression - si je décalque toutes celles qui sont mises hors circulation, à la ferraille et toutes les exportations - nous avons encore une progression de 2,17%: de 293000 nous sommes passés à 299000 véhicules. Mais si je regarde les nouvelles immatriculations, nous avons, ici au Luxembourg, à peu près 1/6 de notre parc automobile immatriculé qui est remplacé chaque année. C'est-à-dire, environ 48000 voitures, donc pas loin de 50000, ce qui est énorme, ce qui n’est pas comparable à d’autres régions. Ceci montre que nous sommes dans une région -car il faut ici parler de région, bien évidemment- nous sommes dans une région où le pouvoir d’achat est encore, sinon intact, en tout cas supérieur à ce qu’on voit dans d’autres régions. Si vous allez en Europe dans certains pays, vous n’avez qu’à voir le prix des voitures, c'est-à-dire les voitures qui circulent, et vous avez à peu près une représentation du pouvoir d’achat qui est dans cette région. Donc je pense, si on regarde les voitures, le nombre et la qualité des voitures qui circulent dans notre région, on voit que c’est une région qui a encore un fort potentiel. Et, si nous voulons vraiment miser sur le potentiel de cette région et de l’Europe face aux grands marchés asiatiques et autres, il faut mettre l’accent sur la qualité. Et certains d’entre vous étaient certainement intéressés d’avoir un des grands de l’industrie de l’automobile (non équipementier mais assembleur ou constructeur) hier ici, Monsieur Louis Schweitzer, qui a parlé de cette internationalisation, un exposé très intéressant, qu’on a pu poursuivre par après d’ailleurs lors d’un dîner. Nous avons abordé un peu la situation d’un marché asiatique qui explose, qui explose vraiment, en Chine, en Inde demain, mais qui est totalement différent du nôtre.

Le Chinois qui n’a jamais eu de voiture aura des critères d’appréciation, des critères pour son choix, totalement différents de ceux de nos clients ici. Donc les opportunités pour vous sont totalement différentes. Ce qui fait que le marché est totalement différent également. Vous avez au Luxembourg un marché des occasions - à voir les nouvelles immatriculations, on voit ce qui se passe dans ce marché - un marché d’occasions qui a parfois des surplus, tandis que dans certains pays, il n’y a pas de marché d’occasions. Pourquoi? Parce que ces voitures gardent le même propriétaire 10 ans, 15 ans. Donc cette absence de marché de l‘occasion qui fait vraiment une différence au niveau des différentes régions.

J’ai dit que c’était le haut de gamme, bien équipé qui est, disons, l’image de marque en Europe. Pour les équipementiers dans la région, c’est certainement vrai, c’est un secteur sur lequel je compte beaucoup. Vous savez que on n’a pas que de bonnes nouvelles dans l’industrie pour le moment chez nous au Luxembourg et dans la Grande Région et donc il faut avoir des secteurs porteurs. Le secteur automobile reste porteur. Nous avons ici au Luxembourg à peu près 30 firmes qui sont des équipementiers de la branche automobile. J’essaye d’ailleurs dans mes missions économiques de les associer, car je suis d’avis que si nous voulons grandir, si nous voulons raffermir la base économique des entreprises ici au Luxembourg et dans la Grande Région, il faut également les encourager à aller vers d’autres cieux. Je sais que ce n’est pas toujours très populaire de le dire, mais voilà pourquoi dans les prospections économiques que je fais, j’essaye d’attirer des firmes au Luxembourg. Je vous rappelle que tout récemment Raval Europe, entreprise israélienne qui fait une production de valves, s’est installé au Luxembourg. Nous avons le coréen Sam Hwa qui est également ici au Luxembourg. Nous avons Blas-Systèmes, pour ne citer que les trois derniers qui sont arrivés à ce niveau. Mais j’essaye également d’encourager les firmes à m’accompagner afin d’avoir cette plateforme pour se faire connaître, et aussi pour voir quelles sont les opportunités dans d’autres pays.

Récemment j’ai été aux USA, où, certes, le marché de l’automobile rencontre des difficultés pour le moment. Ceci ne nous a pas facilité la tâche. J’ai été voir en Corée du sud, où il y a pas mal d’opportunités. Je dois dire qu’une firme comme IEE s’est bien installée dans cette région, a compris que toute une série de marchés. Il faut bien comprendre: une voiture japonaise, est-ce que qu’elle se vend en Chine? Est-ce qu’une voiture coréenne se vend en Chine? Est-ce qu’une voiture doit être nécessairement assemblée en Chine? Il y a tout un apprentissage à faire, car il y a une culture, il y a une histoire, qui font que, au niveau économique, il y a parfois des réactions incompréhensibles, mais il faut toujours savoir ménager les susceptibilités et comprendre les cultures.

Je dis toujours que, dans la Grande Région, nous avons beaucoup de potentialités, étant donné que nous parvenons de plus en plus à développer cette plateforme au centre de l‘Europe avec, dans un rayon de 600 kilomètres, à peu près 50 unités de production et d’assemblage avec lesquelles vous pouvez travailler. C’est ce que je dis toujours à ceux qui veulent venir s’installer ici. Le Luxembourg offre en plus une certaine neutralité commerciale qui est intéressante pour des entreprises à forte intensité capitalistique et à forte valeur ajoutée. Nous misons sur des investissements solides, de qualité, avec des services de qualité également.

D’ailleurs dehors, vous allez voir une brochure que les services de mon ministère mettent à votre disposition. Vous y verrez la distribution de toutes les entreprises qui sont actives sur le marché luxembourgeois.

Si je regarde le marché international, Merser Management Consulting a dit que, jusqu’en 2015, on peut s’attendre à une progression de 2,2% au niveau de la production mondiale des voitures. Et là, si je dis production des voitures, les équipementiers sont certainement ceux qui vont connaître la plus importante progression sur le marché. En 2005, les équipementiers participent à hauteur de environ 65% à la valeur ajoutée d’un véhicule. Mais d’ici 2015, toujours d’après l’étude citée, cette proportion va augmenter jusqu’à 75-77%. C'est-à-dire, la participation de l’équipementier à la valeur ajoutée d’une voiture va en grandissant vis-à-vis de celle de l’assembleur, du constructeur. Donc, on estime que le volume de la production et des commandes de développement pour le secteur des équipementiers pourrait augmenter d’à peu près 15%.

Quels sont les aspects qui intéressent le client? Bien sûr, celui qui doit assembler la voiture doit voir ce qui est intéressant pour le client, pour qu’il puisse vendre sa voiture. Donc, quelles sont les opportunités pour vous? Certainement, il y aura des nouvelles opportunités pour les fabricants de composants et les centres de recherche dans des domaines très variés. Par exemple, le domaine des carburants alternatifs. Avec Kyoto vous avez un problème réel, auquel il faut donner des réponses et, une des possibilités (étant donné qu’il est difficile de dire aux gens: vous devez circuler moins), c’est d’essayer de trouver au niveau des technologies un moyen d’avoir des techniques qui soient plus favorables à l’environnement et améliorent la balance Kyoto qui pose tellement de problèmes, notamment au Luxembourg. Donc, voilà bien un domaine où le support du pouvoir politique vous est certain, si vous travaillez là-dedans. Car nous sommes obligés d’avoir des résultats, nous sommes obligés de vous avoir à bord pour cela.

La sécurité des passagers reste à mon avis également un souci de plus en plus important pour le client européen. Assistance au conducteur, composantes électroniques au niveau des capteurs, matériaux métalliques, télématiques, systèmes de navigation. C’est étonnant, Monsieur Schweitzer nous a dit encore hier, les Chinois ne regardent pas si leur voiture a un ABS. Certains s’intéressent plus à quel lecteur DVD ils ont dans la voiture. Les Indiens s’intéressent peut-être moins, pour le moment, à la consommation et au respect de l’environnement. C’est intéressant de voir qu’il y a pas mal de choses qui changent dans ce métier.

Lorsque j’étais aux États-Unis il y a peu de temps avec une mission économique, nous sommes aller voir Magna Steyr de Graz, qui sont installés aux États-Unis, c’est une grande firme qui assemble des BMW à Graz. Des voitures qui n’ont jamais vu l’intérieur d’une fabrique BMW comme certaines autres voitures -la Saab cabriolet par exemple, qui n’a jamais vu une fabrique Saab- ont été assemblées ailleurs. Donc il y a un bouleversement total qui se fait au niveau des assembleurs ou des constructeurs, si on veut, et donc voilà bien pour vous, sous-traitants, un secteur qui peut être porteur et qui a un grand potentiel.

Ce qu’il nous faut dans la région, c’est une meilleure coordination politique. En l’absence d’une autorité politique qui puisse gouverner la Grande Région, il nous faut une coordination. J’ai à faire en tant que ministre avec des collègues, à un collègue ministre en Allemagne, un autre en Wallonie, quelqu’un à un niveau différent en France. Étant donné les structures politiques de décision totalement différentes d’une région à l’autre, ce n’est pas toujours facile d’identifier la personne compétente. Nous n’avons pas un seul numéro de téléphone pour toute la Grande Région. C’est comme avec les banques centrales : avant, il y en avait 12, maintenant, nous avons une Banque centrale européenne. Il fallait que Monsieur Greenspan puisse téléphoner à un, non pas à 12. C’est au niveau politique que nous devons voir de quelle façon nous pouvons mieux coordonner nos approches, car toute la région doit se poser des questions au niveau de la compétitivité de façon coordonnée. Ici au Luxembourg, nous sommes en train de mener ce débat, débat difficile, certes, mais nécessaire. Toute la région doit faire des efforts en ce sens car la concurrence va être de plus en plus impitoyable et il faut se mettre dans la tête qu’il n’y aura pas de cadeau et qu’il faudra travailler dur pour y arriver. Nous essayons au niveau politique, du moins au Luxembourg, d’établir un environnement présentant un niveau élevé de sécurité juridique, une stabilité politique et économique. Nous essayons d’éviter que les différentes coalitions gouvernementales prennent des décisions opposées, mais je pense que nous arrivons à le faire. Et, avec l’esprit d’initiative et d’innovation qui est quand même très développé dans notre région, je pense que nous avons une bonne chance de réussir.

D’ailleurs pour encourager ceux qui veulent aller au-delà de nos frontières, il y a certes les autres pays qui ont des bureaux de relais, je vous signale que dans des endroits importants nous avons des bureaux qui peuvent vous être utiles, il s’agit des "Board of Economic Development" qu’ on appelle aussi "trade and investment offices". Il y en a deux aux États-Unis, un à San Francisco, un à New York. Nous avons un bureau à Dubaï, que nous venons d’ouvrir. Il y en a un que nous allons ouvrir à Shanghai qui pourra vous aider dans les démarches avec les Chinois, démarches qui net sont pas toujours faciles. Nous en avons un à Tokyo, un à Séoul, un à New Delhi. Donc, dans les régions à grand potentiel de croissance, nous avons des bureaux qui peuvent vous aider, qui sont à votre disposition si vous avez envie de vous installer, ou bien de faire du commerce dans la région.

Dernier point que j’aimerais aborder: si j’ai parlé qualité, il est de toute évidence nécessaire que nous nous axions sur plus de recherche, plus d’innovation. C’est également un des points forts au niveau de la stratégie de Lisbonne, un des points forts de notre programme national de réforme que nous avons envoyé à Bruxelles. Avec la loi cadre économique qui est à notre disposition, le ministère est capable de vous soutenir financièrement dans vos démarches au niveau de la recherche et du développement. Des pourcentages pouvant aller jusqu’à 50% au niveau de la recherche industrielle, pour la recherche fondamentale on peut même aller au-delà. Mais, si nous pouvons vous soutenir, c’est vous qui devez avoir des idées innovantes. Ce ne sont pas les instances et les autorités officielles qui développent ces idées, c’est vous. Et donc si vous avez des idées, mais que vous hésitez, que vous dites: je n’ai pas la possibilité de développer de tels projets à l’intérieur de mon entreprise, Luxinnovation peut vous aider. Faites appel à eux. Pour certains projets qui vont au-delà d’un certain niveau de recherche et pour lesquels vous n’avez pas l’expertise, nous pouvons vous aider à financer de l’expertise externe, de l’expertise que vous essayez d’acquérir à l’intérieur. Nous pouvons ainsi vous donner le support pour développer vous-même vos idées.

Au CRP Gabriel Lippmann, qui est le centre de recherche publique qui va s’installer définitivement dans les friches à Esch-Belval, nous essayons de mettre en place un laboratoire de recherche en équipement automobile. Je crois également au développement d’une grappe technologique automobile ici au Luxembourg, et éventuellement en de véritables partenariats privé public.

En conclusion, nous parlons ici d’un secteur à haut potentiel, mais où on doit bouger, où on doit miser sur la qualité, on doit miser sur l’innovation. On ne peut pas attendre que le marché vienne vers vous. Vous devez aller également vers les marchés, vers les clients, vers des endroits où vous allez peut-être développer vos activités. Je crois au succès de ce secteur. C’est l’un des secteurs porteurs au niveau de l’industrie au Luxembourg et de la Grande Région. Je crois en vous et j’espère que vous allez croire en nous, les autorités politiques.

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