Jean-Louis Schiltz, Intervention du ministre de la Coopération et de l'Action humanitaire à la réunion plénière de l'Assemblée générale des Nations Unies, ONU, New York

Monsieur le Président,
Excellences,
Chers collègues et délégués,

Depuis 2001, la communauté internationale a apporté une réponse sans précédent à l’appel lancé à l’époque par l’Assemblée générale des Nations-unies sur le VIH/SIDA. C’est la preuve qu’une déclaration commune, quand elle est assortie d’engagements véritables, peut être suivie d’effets très concrets. Nos paroles de 2001 ne sont pas restées lettre morte : des vies ont été sauvées, beaucoup de vies ont été sauvées, les initiatives nationales, régionales et internationales se sont multipliées pour lutter contre une pandémie qui malheureusement continue à s’étendre. De même, les niveaux de financement ont sensiblement augmenté. C’est bien.

Nous ne pouvons pas pour autant nous reposer sur nos lauriers et croire que cette lancée nous mènera à l’éradication du VIH/SIDA. Tel n’est pas le cas. Le virus continue à nous prendre de vitesse. Il continue à progresser, avec des visages nouveaux, des visages de femmes surtout. Il continue à étendre son emprise meurtrière et fait, année sur année, des millions d’orphelins, surtout en Afrique. Nous devons donc redoubler d’efforts.

L’année dernière, à l’occasion de la réunion visant à faire un premier bilan de la Déclaration de 2001, nous nous sommes déjà réunis pour identifier les défis majeurs. Nous nous sommes ensuite engagés en septembre à renforcer nos efforts en la matière.

Si nous voulons avoir une chance d’arriver un jour à bout d’une maladie qui détruit bien plus que les seules personnes qui en décèdent, notre réunion d’aujourd’hui, qui se tient cinq ans après la prise de conscience de 2001, doit nous permettre de nous engager à nouveau avec force pour mener le combat contre cette maladie. Nous devons consacrer encore davantage de fonds à la lutte contre le VIH/SIDA. Nous devons peser de tout notre poids politique pour pouvoir aller de l’avant de façon conséquente dans les années à venir. Cela s’appelle de la volonté politique et cette volonté politique, il nous la faut, à nous tous, pour pouvoir prétendre de manière crédible à une action de terrain efficace.

Le combat que nous menons est un combat difficile. Mais ce n’est pas un combat perdu.

Outre les efforts que nous devons continuer en matière de prévention, d’éducation, d’accès au traitement, de soins et de recherche, nous sommes confrontés aujourd’hui à des défis qui sont aussi parfois la conséquence de nos succès. Ainsi, la dynamique de 2001 a débouché sur une multiplication d’activités et d’acteurs dans le domaine de la lutte contre le VIH/SIDA. Cette évolution, que l’on ne peut que qualifier de nécessaire et positive, nous impose aujourd’hui de plus grands efforts de coordination et d’harmonisation. Le travail de l’équipe d’ONUSIDA - avec à sa tête son remarquable et dynamique directeur exécutif Peter Piot - est dans ce contexte exemplaire et innovant. La seule chose que je puisse en réalité leur souhaiter, c’est que dans 10 ou 15 ans nous n’ayons plus besoin d’eux, puisque cela voudrait dire que nous avons gagné notre combat. Mais, cette perspective relève pour l’heure du domaine de l’illusion ou du rêve.

Les financements disponibles ont été augmentés de façon substantielle. Cela nous a permis d’intensifier nos efforts et de développer de nouvelles initiatives. Mais en même temps, nous avons augmenté la qualité de l’aide et de notre travail commun. Ce travail de qualité garantira la durabilité de nos efforts. Il nous permettra de traiter la pandémie à la fois comme une question urgente et comme un problème de long terme.

Il est certes nécessaire d'augmenter nos efforts pour la prévention, l’éducation, le traitement, les soins et la recherche, mais il apparaît maintenant clairement que nous devons aussi nous pencher sur les besoins dans des domaines collatéraux, mais néanmoins liés au VIH/SIDA. Ces efforts concernent principalement le renforcement des capacités et des ressources humaines, l’intégration et le renforcement des systèmes de santé, le lien avec la pauvreté, l'accès à la santé et aux droits génésiques, le renforcement du rôle des femmes ou encore la coordination et l'harmonisation. L’intensification de nos actions dans ces domaines pourra nous servir de levier, important, pour améliorer nos résultats.

L’initiative ESTHER a ainsi, à titre d’exemple, permis de démontrer qu’avec une approche intégrée et une action sur l’environnement et le contexte, il est possible d’apporter un accès au traitement de qualité et durable dans les pays en développement. Mon pays soutient un projet ESTHER au Rwanda. Grâce à ce projet, les premiers médicaments génériques du pays ont pu être achetés. Ensemble avec les directeurs exécutifs de l’UNICEF et de UNAIDS, Madame Ann Veneman et Monsieur Peter Piot, lors d’une récente mission conjointe, nous avons pu constater que, grâce à ce projet, une véritable coopération Nord-Sud entre hôpitaux a pu naître et cette coopération a permis de renforcer les capacités au Rwanda et de créer un modèle d’accès au traitement et de prise en charge qui peut être et qui a été répliqué depuis lors. Ceci aussi contribue à la qualité et à la durabilité de notre action.

L’approche du défi par le traitement ne doit pas nous faire perdre de vue le défi tout aussi important de la prévention, une prévention qui se fait notamment par l’éducation. L’ignorance des comportements à risque, l’ignorance des moyens de précaution et de prévention simples est un de nos pires ennemis dans la lutte contre le VIH/SIDA.

Seuls une action commune et un engagement renforcé peuvent donner des raisons d’espérer. Les efforts sont nécessaires de tous les côtés. Les pays touchés par l’épidémie doivent faire de la lutte contre le VIH/SIDA une de leurs premières priorités politiques. Le secteur privé, et notamment l’industrie pharmaceutique, devra assumer sa part de responsabilité. Là où ce n’est pas encore le cas, des médicaments doivent devenir disponibles en quantités suffisantes et à des prix abordables pour tous, sinon au besoin gratuits.

La nécessaire augmentation des ressources en 2007 et après n’est pas un vœu pieux. L’Union européenne a récemment montré l’exemple, lorsqu’elle s’est engagée, tout entière, sous Présidence luxembourgeoise l’année dernière, à consacrer d’ici 2015 0,7% de son RNB à la coopération au développement. Il ne s’agit pas là d’une promesse, plus ou moins vague, mais d’un engagement ferme et définitif, et il est évident que celui qui dit plus d’argent pour la coopération au développement dit également nécessairement plus d’argent pour la lutte contre le VIH/SIDA.

Monsieur le Président, Excellences, Chers Collègues, Mesdames et Messieurs,

Nous ne sommes pas ici pour faire un constat d’échec ni pour nous féliciter les uns les autres. Nous sommes ici parce que nous avons devant nous un défi commun et que nous voulons prendre exemple sur les résultats obtenus depuis quelques années. Il y a des enseignements à tirer de l’action que nous avons menée contre le VIH/sida des dernières années. Des bonnes pratiques ont pu être mises en place. Il faut les répliquer pour mieux orienter notre action de demain.

Personne ici ne doute de sa propre bonne volonté. La pandémie du VIH/sida pourra être maîtrisée si cette bonne volonté est transformée en actions concrètes. Le Luxembourg, qui avec quatre autres pays consacre d’ores et déjà 0,7 % de son RNB à la coopération au développement, continuera en tout cas d’être un partenaire fiable dans la lutte contre le VIH/SIDA.

Je vous remercie.

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