François Biltgen, Discours du ministre du Travail et de l'Emploi à l'occasion de la 95e Conférence internationale du Travail, Genève

Monsieur le Président,
Che(è)r(e)s Collègues,
Mesdames, Messieurs,

Je voudrais d’abord présenter mes félicitations et meilleurs vœux de succès au président de notre conférence.

Le gouvernement luxembourgeois et moi-même suivons avec une attention particulière, à laquelle s’ajoute désormais un certain degré d’optimisme et d’espoir, les efforts déployés par des acteurs de plus en plus nombreux de la communauté internationale, pour asseoir définitivement le travail décent pour tous comme objectif politique prioritaire. Mes remerciements particuliers vont à notre directeur général, Monsieur Juan Somavia, pour la ténacité persuasive avec laquelle il ne cesse de poursuivre cet objectif.

Pour que cette prise de conscience soit suivie d’effets, je plaiderai pour une politique de la communauté internationale basée sur la conviction de valeurs communes, une cohérence interne et externe de l’action des gouvernements et des organisations internationales, une complémentarité dans la répartition du travail entre tous les acteurs ainsi que sur des plans de travail concrets et ayant des finalités claires, à court, moyen et long terme. Finalement, pour que cette action soit efficace, je ne cesserai de croire qu’une certaine institutionnalisation forte est nécessaire, sous une forme à définir, englobant sous un chapeau commun notamment les organisations du système ONU, mais aussi d’autres organisations internationales.

En ce sens, je salue fortement que l’Union européenne ait montré le chemin, d’abord, en 2005, par des conclusions prises en 2005 par le Conseil des ministres des affaires sociales que j’ai eu l’honneur de présider à l’occasion de la Présidence luxembourgeoise du Conseil des ministres de l’Union européenne, conclusions qui montrent des voies vers une dimension sociale concrète de la mondialisation, puis par la récente communication de la Commission "Promouvoir un travail décent pour tous". Je tiens d’ailleurs à remercier le commissaire Spidla pour cette initiative extrêmement importante, et ce de plusieurs points de vue.

Quant au fond, à l’instar des rapports du directeur général, ces documents montrent clairement la nécessité, d’ailleurs tant économique que sociale, de tout faire pour assurer un travail décent pour tous.

Je voudrais souligner deux éléments.

D’abord, le travail décent pour tous n’est pas une contrainte, mais, sans parler de l’équité et de la justice sociale, une simple nécessité économique, même dans les pays en voie de développement. Et il y a lieu d’y insister: la qualité de l’emploi est, à la fin, une garantie indispensable de productivité du travailleur, donc de compétitivité de l’entreprise voire de l’économie d’un pays, ou d’une région. Je citerai deux exemples: la santé et la sécurité au travail, qui n’est pas un luxe, mais évite des accidents et des maladies, assure la disponibilité et l’efficacité du travailleur, donc sa productivité. Il en est de même des horaires de travail ou de rémunérations appropriés. Ce qui peut paraître comme contrainte au départ sera à la fin une source d’amélioration de la performance économique, et ce dans tous les pays, indépendamment de leur état de développement économique.

Par ailleurs, le travail décent par le biais d’emplois plus nombreux, de meilleure qualité, socialement protégés, basés sur l’égalité des chances et le dialogue social aidera les pays en voie de développement à lutter contre la pauvreté et les pays développés à améliorer les conditions de travail et les adapter aux changements: résultat final: une augmentation de la productivité.

Cette démarche suppose évidemment la croissance engendrant la création d’emplois. Je ne suis pas dupe: il faut évidemment des marchés qui fonctionnent, des entreprises productives et compétitives, une saine concurrence, pour développer toutes les économies. C’est la prémisse à la création d’emplois et de richesse qui permettront seulement une politique du travail décent pour tous. Il faut même le cas échéant des politiques volontaristes à cette fin.

D’un autre côté cependant, l’augmentation de la croissance n’est pas automatiquement garante de d’amélioration de l’emploi voire de lutte contre la pauvreté. Il faut une politique déterminée et à son tour volontariste dans ce domaine. Le marché à lui seul ne réglera rien du tout, tout comme il n’est pas une fin en soi. Politiques commerciales, économiques et sociales doivent aller en parallèle et se renforcer mutuellement.

Ce qui m’amène à l’efficacité de notre action, donc aux aspects d’ordre plus formel.

Il faut d’abord une meilleure cohérence des politiques aux niveau national et international. Le travail décent pour tous doit figurer à l’ agenda pour tous les acteurs de même que le souci de la croissance doit se trouver dans nos préoccupations. Les deux ne doivent pas être considérées comme antinomiques, mais comme les deux faces de la même action.

La coopération cohérente des acteurs est à son tour une clé du succès. Je ne cesse de croire qu’une certaine institutionnalisation, au niveau global, de la politique pour un travail décent pour tous ne soit une nécessité, du moins au départ, pour assurer du succès à cette politique. Je regrette donc que cet aspect ait un peu disparu cette année. L’amélioration de la gouvernance à tous les niveaux est essentielle.

Il faudra devenir de plus en plus concret. Cela passe, comme le souligne Monsieur Somavia, par des plans d’action concrets et mesurables, et la fixation d’objectifs chiffrés ou chiffrables à réaliser dans certaines échéances, et ce sous le contrôle de la communauté internationale. En Europe nous le faisons en matière de politique financière, économique, sociale et de l’emploi. C’est un modèle, certes pas transposable un sur un, mais pouvant servir de source d’inspiration. L’approche du plan d’action de lutte contre le travail des enfants, de même que celle des programmes de travail décent par pays me semble la bonne voie. Après avoir identifié les pistes d’action prioritaires, il faut, de manière consensuelle établir des plans d’action et en évaluer les résultats. L’éradication des pires formes de travail de enfants endéans une période déterminé, à mon sens d’ailleurs trop longue, est désormais dans les politiques quotidiennes. Ne faudrait-il pas définir un deuxième objectif à poursuivre selon le même schéma.

Finalement, l’intégration du travail décent dans les politiques de coopération bi- et multilatérales est une nécessité, de même d’ailleurs que la poursuite de ces politiques de coopération au développement qui ne doivent pas pâtir des problèmes budgétaires qu’ont certains de nos pays dits développés. Mon gouvernement aura une large discussion sur la question à la rentrée de septembre.

La tâche est énorme. Continuons à aller de l’avant.

Merci de votre attention.

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