Jean Asselborn, Discours tenu à l'occasion du Conseil des droits de l'Homme, Genève

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de l’Assemblée générale,
Madame le Haut Commissaire aux droits de l’Homme,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi de vous adresser toutes mes félicitations pour votre élection à la Présidence de cette première session du Conseil des droits de l’Homme. Je tiens à vous remercier très chaleureusement des efforts que vous avez consentis pour la préparation de cette session et vous assure de l’appui et de la pleine coopération de ma délégation.

Le Luxembourg s’associe pleinement au discours qu’a prononcé ce matin ma collègue Ursula Plassnik au nom de l’Union européenne.

Je voudrais aussi exprimer toute ma confiance à Madame Louise Arbour, Haut Commissaire aux droits de l’Homme. Le Luxembourg se félicite de l’augmentation substantielle du budget du Haut Commissariat, ce qui permettra de renforcer un instrument efficace de la promotion et de la protection des droits de l'Homme universellement reconnus - civils, culturels, économiques, politiques et sociaux.

Le Luxembourg est en faveur de l’établissement d’un dialogue régulier et ouvert entre le Conseil et le Haut Commissaire aux droits de l’Homme. Les rapports, les informations et les évaluations de celui-ci constitueront une contribution importante pour les travaux du Conseil.

C’est pourquoi je suis heureux de pouvoir annoncer une nouvelle hausse de la contribution du gouvernement luxembourgeois au Bureau du Haut Commissaire.

L’inauguration des travaux du nouveau Conseil des droits de l’Homme marque une étape majeure sur le chemin vers la promotion universelle des droits de l’Homme, un chemin qui a commencé avec l’adoption, en 1949, de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

Notre nouveau Conseil doit nous permettre de mieux promouvoir et de mieux défendre les droits de l’Homme partout dans le monde. Le Luxembourg est déterminé à y contribuer. Nous pouvons construire l’action du Conseil sur des bases solides, sur l’acquis que la Commission des droits de l’Homme a développé au cours de plus de 60 ans. Cet acquis comprend en particulier un nombre important de Pactes, de Conventions et de Protocoles des droits de l’Homme, mais aussi de normes, de mécanismes et de procédures. Sachons renforcer l’action de l’ancienne Commission des droits de l’Homme sur cette base, en utilisant, avec détermination et intelligence, les potentialités qu’offre ce nouvel organe.

Les points suivants me semblent particulièrement importants à cet égard :

  • Le caractère permanent du Conseil, qui se réunira désormais tout au cours de l’année durant plusieurs sessions et si la situation le demande.
  • Son statut renforcé à travers son lien direct avec l’Assemblée générale des Nations unies.
  • L’intégration de la dimension des droits de l’Homme dans tout le système des Nations unies. Le respect des droits de l’Homme doit, en effet, être un principe politique fondamental guidant l’action de toutes les organisations internationales.
  • L’examen périodique universel qui permettra de vérifier le respect par chaque État membre du Conseil de ses obligations et engagements en matière de droits de l’Homme. L’universalité de son action et l’égalité de traitement de tous les États seront ainsi garantis. Il importerait que le Conseil arrive, au cours de cette session, à déterminer une procédure claire et un calendrier précis permettant de définir les modalités de ce nouveau mécanisme.
  • La participation aux travaux de notre Conseil de la société civile et plus particulièrement des Organisations non-gouvernementales qui par leur engagement, par leurs contacts directs sur le terrain et par leurs analyses apportent à nos travaux un appui, un éclairage et un enrichissement précieux.

La dignité inhérente à tout être humain doit être le fil conducteur central de notre action.

L’importance du principe fondamental de l’égalité entre tous les êtres humains quelque soit leur race, leur sexe, leur langue ou leur religion ne saurait être mise en doute. Bien des progrès restent malheureusement encore à être accomplis. Trop de discriminations subsistent à l’égard des femmes, des minorités, des enfants et des personnes handicapées. Les traditions et les cultures ne sauraient les justifier. Il faut œuvrer à leur élimination par la promotion et l’application effective de toutes les Conventions internationales pertinentes, et notamment les Conventions de non-discrimination en vigueur.

Parmi les groupes à risque figurent les peuples autochtones, victimes depuis toujours de préjugés, de marginalisation et de discrimination. Le Luxembourg soutient fermement l’adoption par cette session du Conseil du projet de Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui reconnaît le droit de ces peuples de vivre dans la dignité et l’égalité, et qui établit leur droit de conserver et de cultiver leurs pratiques culturelles, leurs systèmes de connaissances et leurs modes de vie distincts.

Mon pays est par ailleurs en faveur de l’adoption sans délai par le Conseil du projet de Convention sur les disparitions forcées de nature à endiguer une des pires formes de violations des droits de l’Homme.

L’impunité constitue un facteur récurrent de violation des droits de l’Homme. En mettant fin à l’impunité, nous donnerons à la lutte en faveur des droits de l’Homme une ampleur sans précédent. La Cour pénale internationale constitue un instrument exemplaire et stratégique pour repousser les frontières du non-droit et pour faire respecter le droit international humanitaire. La ratification universelle du statut de la Cour doit rester une priorité.

La lutte contre le terrorisme doit se faire dans le plein respect des droits de l’Homme. Nous ne saurions ignorer les droits des personnes soupçonnées d’avoir des liens avec le terrorisme. Pour abjectes et injustifiables que puissent être les actes terroristes, nous ne saurions admettre une relativisation de l’État de droit et du droit international humanitaire. Nous devons avoir le courage de revenir sur des mesures qui s’avèrent incompatibles avec le respect des droits de l’Homme.

Le respect fondamental de la dignité de l’être humain implique aussi la fin de la torture et des traitements inhumains. Dans ce contexte, l’entrée en vigueur, jeudi prochain, du Protocole facultatif à la Convention contre la torture constitue une étape importante dont je ne peux que me féliciter.

Je tiens enfin à renouveler solennellement l’appel de mon pays à l’abolition par tous les États de la peine de mort.

Les guerres se préparent avant tout dans la tête des gens. D’où l’importance primordiale que le Luxembourg attache à la question de l’éducation aux droits de l’Homme. Les États membres devraient s’engager à intégrer l’enseignement des droits de l’Homme dans les programmes de la scolarité. En développant une culture des droits de l'Homme, un pays rend sa société plus juste et plus humaine, car plus sensible aux injustices et aux souffrances d’autrui. Il contribue à la paix nationale, mais aussi internationale. Il appartient au Conseil d’assurer un suivi efficace du mandat qui lui a été confié sur cette question. C’est aussi l’éducation aux droits de l’Homme qui offre une clé peut-être décisive pour promouvoir la tolérance et pour assurer la conciliation entre liberté d’expression et respect des convictions d’autrui. C’est ainsi également que nous pourrons poser des fondements solides et durables dans l’éradication de toute forme de racisme et de xénophobie.

Un défi devenu central pour le respect des droits de l’Homme est celui de la pauvreté.

Près de trois milliards de personnes, soit la moitié de la population mondiale, vivent avec moins de deux euros par jour. 45 millions de personnes, surtout des enfants, meurent chaque année de faim et de malnutrition.

Il est impératif d’agir, aussi bien au plan national qu’international. Tous les droits de l’Homme - civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement - doivent être promus et défendus. Tous les droits de l’Homme sont en effet universels, indivisibles, indissociables et interdépendants et se renforcent mutuellement. Tous les droits de l’Homme doivent être considérés comme d’égale importance.

Mon pays attache une grande importance à la lutte contre la pauvreté et à sa politique de solidarité et de coopération au développement. En 2005, mon pays a réservé 0,86% de son Revenu national brut à l'Aide publique au développement.

Je plaiderais que le Conseil des droits de l’Homme apporte sa contribution à la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et des engagements pris à New York en 2005. A cet effet, les travaux du Conseil devraient nous conduire à préciser les obligations que tous les États - développées et en développement - ont contractées y compris par le partenariat renouvelé lors de ce Sommet. Il doit favoriser une réalisation des OMD qui soit basée sur les droits de l’Homme. Ces objectifs du millénaire constituent une clé majeure du développement, de la démocratie, de la sécurité et de la paix.

En tant que valeurs universelles, les droits de l’Homme peuvent être porteurs d’union plutôt que de divisions. Je suis sûr que c’est dans cet esprit que notre Conseil mènera ses travaux : un esprit d’humanisme au service des droits et libertés fondamentaux de chaque individu.

Je vous remercie.

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