Octavie Modert, Discours de la secrétaire d'État à la Culture lors de l'inauguration officielle du Musée d'Art moderne Grand-Duc Jean, Mudam, Luxembourg

- Seul le discours prononcé fait foi -

Altesses Royales,
Majestés,
Excellences,
(....)
Dir Dammen an dir Hären,
Léif Frënn, léif Eiregäscht,

La genèse du Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean a été longue.

Monseigneur,

l’idée de ce Musée qui aujourd’hui porte Votre nom devenait concrète au moment où le pays s’apprêtait à célébrer le 25e anniversaire de Votre règne.

Altesses Royales,

la phase de la genèse du Musée prend fin au moment même où nous fêtons le 25e anniversaire de Votre mariage ! C’est ainsi qu’une boucle se ferme si heureusement en ce 1er juillet 2006.

Madame, Monseigneur,

sou wéi mäi Virriedner wëll ech Iich, zesumme mat alle Regierungsmemberen, a besonnesch am Numm vun alle Matbërger aus éisem Land, mein ganz häerzlech Gléckwënsch ausdrécken et tous mes vœux de bonheur pour le jeune couple que Vous êtes restés, lié par un amour éternel et infaillible qui, visiblement, n’a jamais tari. Nous sommes honorés que Vous et Vos hôtes soyez aujourd’hui avec nous.

Mesdames, Messieurs,

Oui, l’histoire de ce Musée fut longue, douloureuse parfois, émotionnelle toujours, et la route qui a mené vers cette journée d’inauguration était par moments semée d’embûches. Les controverses, les contestations, les critiques étaient de divers ordres, et concernaient tantôt le concept du musée, une autre fois son site, son architecture ou son envergure, sa finition butait sur des pierres d’achoppement bien réelles. L’opinion publique était plus que divisée. Les débats politiques furent ardus. Encore que tous les courants politiques ou presque se sont prononcés pour que le Luxembourg puisse – j’oserai dire enfin – disposer d’un centre d’art moderne et contemporain. Je suis ravie de les trouver ralliés au moins aujourd’hui.

Le projet d'un Centre d'Art Contemporain est né, il y aura 20 ans l'année prochaine, des discussions de femmes et d'hommes passionnés par la culture. Le projet a pris forme grâce à l'initiative d'hommes et de femmes politiques visionnaires qui ont donné mission à un grand architecte de notre temps. Pourtant, les oppositions, les flottements, les hésitations avaient fait qu’au cours de toutes ces années, il était devenu urgent  d'attendre... 

Un Ministre qui a le plaisir d’inaugurer un projet longtemps attendu par beaucoup - tout de même -, se doit de toute évidence de remercier ses prédécesseurs qui ont été associés voire à l’origine de cette œuvre. Pour un musée aux péripéties politiques et publiques, je m’en voudrais d’autant plus de ne pas leur rendre hommage ; en premier lieu à Jacques Santer, à l’époque Premier Ministre et Ministre des Affaires culturelles, le père du projet, qui a dû en subir les premiers vents et marées, et qui y est resté attaché au point d’être toujours étroitement lié à son succès en sa qualité de Président de la Fondation du Musée. Merci aussi à René Steichen et Marie-Josée Jacobs, ses Ministres délégués à la Culture!

Mes remerciements vont également à Robert Goebbels, Ministre des Travaux Publics qui en 1995 est allé négocier, avec une petite équipe, un nouveau projet avec l'architecte I.M. Pei. Mais il fallait encore toute la passion et la détermination de la Ministre de la Culture, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et Ministre des Travaux publics, Erna Hennicot-Schoepges, pour que le projet fût réalisé. Pour avoir eu à souffrir de nombreuses attaques, elle peut aujourd’hui en être fière.

Cher I.M.: arrivée aux responsabilités au début avec François Biltgen voilà deux ans, je voudrais vous confirmer que tout ce qu'on raconte sur vous, votre génie créateur, votre savoir-faire artisanal, votre courtoisie proverbiale et votre incomparable patience, est vrai! Un autre hommage va donc à un jeune créateur de 89 ans. Pour le dire avec votre épouse Eileen : «He is very persistent». And you yourself adding : «One has to persist, and not give up principle. But there are many ways of persisting (...). There is a polite way; there's an impolite way, ... but that doesn't mean I'm less insistent, less demanding, ... not at all.» Votre persévérance et votre politesse ont été la clé de l’aboutissement au MUDAM que nous inaugurons aujourd’hui !

Monseigneur,

Vous nous faites l'insigne honneur de donner Votre nom à notre Musée d'Art Moderne Grand-Duc Jean. Avec Votre épouse, la regrettée Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte, grande collectionneuse d'art contemporain, Vous avez suivi les évolutions et revirements du projet: Dir hott iis ëmmer encouragéiert, fir op diim Wii weider ze goen. Monseigneur, dise Musée ass ganz besonnesch Äere Musée! Sou wéi et och de Musée ass vum ganze Lëtzebuerger Land, a vun alle Leit, déi hei wunnen, déi bäi iis schaffen, ëmsou méi weil en Äeren Numm dréit. An Äerem Numm sollen hei d’Leit Beréirungsaangst mat zäitgenëssescher Konst ofbauen, solle Muséesadepten a Melomanen aus der ganzer Welt Lëtzeborg schätze léiren, solle Jonker aus éisem Land zuer Konst gefouert ginn als initiéiert Kulturkenner oder, a ganz besonnesch och, als jonk Artisten!

Monseigneur, de Grand-Duc an d’Grande-Duchesse féiren Äeren Engagement fir d’Kultur an d’Artisten mat grousser Sensibilitéit virun.

Majestés, Altesses Royales, Excellences, Mesdames et Messieurs,

Jean Cocteau écrit dans La difficulté d'être, « Il faut bien comprendre que l’art n’existe que s’il prolonge un cri, un rire ou une plainte ». C'est pourquoi le Musée d'Art Moderne Grand-Duc Jean, le MUDAM, ne sera pas seulement un lieu de contemplation, mais ce sera un lieu de vie, un lieu de rencontre, de dialogue, de discussions contradictoires entre créateurs et leur public: son rôle est d’un côté de sensibiliser un public très varié à la création contemporaine et, de l’autre, de donner à ses projets une véritable accessibilité. Il ne s’adressera pas seulement aux personnes passionnées par l’art contemporain, mais à toutes celles et ceux qui font preuve de curiosité. Il répond à un véritable besoin dans nos efforts de rendre l’art et la culture accessibles à tous.

Le MUDAM est une pièce importante de la mosaïque d'infrastructures culturelles que le Gouvernement avait décidé de mettre en place. Bien sûr on nous demande: est-ce que la culture a besoin de bâtiments «prestigieux»? A cette question j'aimerais répondre que la culture et la politique culturelle ne sauraient être réduites à des infrastructures. La culture a besoin d’un espace pour s’exprimer, pour se mesurer - un lieu qu’elle doit ensuite faire vivre et vibrer -, d’autant que nos artistes, créateurs et organisateurs ont acquis un savoir-faire professionnel qui fait de Luxembourg un véritable carrefour de rencontres culturelles. Certes, au Luxembourg, un carrefour est loin de ressembler à une 5th Avenue ou à des Champs-Elysées ; pourtant, dans ces parages-ci, toutes les routes mènent à la Place de l’Europe qui se mute en carrefour culturel européen, avec toutes les infrastructures qui la composent, et qui nous donnent les instruments de la stimulation de la créativité et d’un épanouissement culturel adapté au rôle européen du Luxembourg.

Le MUDAM, à l’instar d’autres de nos infrastructures culturelles récentes ou non, saura attirer un public national et international ; son succès auprès d’un public initié, d’où qu’il vienne, est d’ores et déjà établi. Mais le MUDAM a une mission supplémentaire : attirer, séduire et convaincre un public plus passager, moins habitué. Et là, je suis confiante.

Lorsque Marie-Claude Beaud a été engagée pour mener à bien la préfiguration, l'ouverture et la vie quotidienne du MUDAM, nous lui avions demandé un concept pédagogique qui tienne compte à la fois des recommandations des deux experts Bernard Ceysson et Wolfgang Becker, mais aussi de son expérience à la Fondation Cartier et au Musée des Arts décoratifs de Paris. Et je puis affirmer que le concept pédagogique qu'elle a développé avec son équipe est un concept original et porteur: ce concept est en effet conçu par les artistes eux-mêmes, les rapprochant de cette façon intrinsèque de leur public, tout comme l’espace est dédié à ce public justement. Et l’art et le public y trouveront toute leur place.

Le MUDAM ne versera pas dans l’événementiel, il vise l’effet durable, l’essor de la création au Luxembourg, la propagation du talent et de la renommée de nos cercles artistiques et culturels.

Entre une équipe de médiateurs dans les salles d’expositions, une documentation extensive en consultation, les ateliers, conférences et autres rencontres avec les artistes, le MUDAM propose aux jeunes et à leurs aînés d’engager le dialogue avec l’art et ses protagonistes. Le musée s’associe à des projets de recherche de l’Université de Luxembourg et propose un programme pédagogique en étroite collaboration avec le corps enseignant et les créateurs. Et l’expérience est au rendez-vous : à l'époque de la préfiguration, en l'absence de musée, Mudam Nomade avait déjà engagé plusieurs centaines de jeunes dans des projets artistiques, Mudam Camp de Base a démontré tout son savoir-faire.

Altesses Royales,
Mesdames, Messieurs,

MUDAM est chez lui dans ce bâtiment et trouve enfin, un chez-soi. Il peut d’ores et déjà se targuer d’un rayonnement culturel international et ses contacts internationaux avec d’autres musées et institutions culturelles sont innombrables - à un point tel qu’il m’est impossible d’en relever quelques-uns au détriment d’autres. Il donne et continuera de donner une tribune aux (jeunes) artistes luxembourgeois. Il s’affirmera par sa programmation exceptionnelle pour l’ouverture de l’année de la culture 2007 où le Luxembourg portera avec la Grande Région le titre de Capitale européenne de la Culture.
 
Nous savons parfaitement qu'on reproche souvent à l’art contemporain d’être difficile d’accès, voire opaque, choquant pour certains. Le MUDAM a choisi de relever ce défi ; d’ailleurs il en a l’obligation ! Le dialogue des cultures doit trouver ici un forum du dialogue autour de la culture, un dialogue démocratique qui n’opère ni dans un vase clos ni n’est unilatéral. Un dialogue inhérent à toute démocratie moderne. Voilà une tâche ardue à laquelle notre équipe essaiera de s’atteler en faisant preuve d’imagination, en développant une stratégie de séduction. Toute l’exposition d’ouverture « Eldorado » relève le défi de séduire le public tout en l’interpellant. Une exposition qui s’adresse à tous sans exclure quiconque ! Et c’est bien là la mission qu’il doit accomplir.

En affichant les multiples facettes de l’art et de la création contemporains, le MUDAM démontre que l’art d’aujourd’hui qui a tendance de descendre dans la vie quotidienne nous est familier, tout en nous faisant apercevoir les objets autrement qu’au quotidien. La spontanéité et la familiarité de la création contemporaine lui rapprocheront plus d’un, et réconcilieront beaucoup de sceptiques. Au MUDAM, toute la collection forme un concept artistique intégré : de l’art à voir, à écouter, à sentir, de l’art pour s’asseoir, pour boire, manger.

Non, ceci n’est pas un temple de l’art ! Ceci est un espace muséal ouvert et transparent – à l’image de son architecture lumineuse -, tolérant et provoquant à la fois, effacé au service de l’art, des artistes et du public, à l’écoute du public pour le comprendre et lui faire comprendre l’art contemporain, pour allier mission d’éducation et d’explication, pour découvrir et promouvoir nos artistes, pour encourager la création au Luxembourg ; bref, simplement pour partager et faire vivre la passion de la culture et de l’art contemporain. Voilà les principes que nous avons fixés pour le MUDAM.

Merci à tous ceux qui ont permis de vivre cette expérience formidable et excitante de la conception à la réalisation : ceux qui ont imaginé le concept, politique, artistique et architectural ; ceux qui l’ont réalisé : l’équipe de préfiguration ; ceux qui contribuent à sa mise en oeuvre : merci aux nombreux mécènes ; et merci infiniment à ceux qui ont fait de cet espace tout le contraire d’un Musée imaginaire : aux artistes présents avec leurs œuvres que je voudrais saluer en même temps que les musiciens et les acteurs.

Mesdames, Messieurs,

MUDAM donnera à tous maintes façons de vivre l’art d’aujourd’hui: chacun, en fin de compte, pourra peut-être trouver ici son eldorado...

Je vous remercie de votre attention.

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