Claude Wiseler, Discours du ministre des Travaux publics lors de l'inauguration officielle du Musée d'Art moderne Grand-Duc Jean, Mudam, Luxembourg

- Seul le discours prononcé fait foi -

Majestés,
Altesses Royales,
Excellences,
Distingués invités,
Mesdames et Messieurs,

Je voudrais, si vous me le permettez, Altesse Royale, tout d’abord m’adresser au Grand-Duc Jean, pour lui dire tout le plaisir qu’il nous fait d’être parmi nous aujourd’hui.

En fait, ce musée vous a été offert pour vos 25 ans de règne. C’était, j’ose à peine le dire, en 1989. Beaucoup d’années ont passé, les temps ont quelque peu changé, mais aujourd’hui nous y sommes.

Connaissant votre goût pour l’art, vous ne pouvez pas imaginer le plaisir que j’éprouve à vous présenter aujourd’hui ce Musée d’Art Moderne, Musée qui porte votre nom.

Ce musée se veut un hommage à tout ce que vous avez fait pour notre pays, se veut hommage à une vie consacrée au Grand-Duché.

Ce musée se veut également, et tout simplement, Monseigneur, être un signe d’affection de la nation pour son ancien souverain.

Il me tient, bien sûr, également à cœur d’évoquer à cette place notre regrettée Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte. Grande amatrice d’art, elle aurait tant voulu être aujourd’hui à vos côtés.

Altesses Royales,

25 années de mariage.

Ce chiffre de 25 semble être intimement lié à l’histoire débutante de ce Musée d’Art Moderne. 25 années de mariage, noces d’argent, quel meilleur cadre le hasard aurait-il pu nous offrir pour inaugurer ce musée.

Votre présence ici, votre volonté d’inscrire cette inauguration dans le cadre de la célébration de vos noces d’argent, montrent votre intérêt pour tout ce qui est art et culture au Luxembourg et constitue pour ceux, et ils sont nombreux ici, pour qui l’art est une passion, un véritable soutien et un grand encouragement.

Mesdames et Messieurs,

Nous arrivons au terme d’une longue étape, celle de la création de ce musée. Elle débute à la fin des années 80.

Le Grand-Duché venait de fêter ses 150 années d’indépendance, le centenaire de sa dynastie et les 25 années de règne du Grand-Duc Jean.

Le Gouvernement présidé à l’époque par Monsieur Jacques Santer, qui avait également la charge du Ministère de la Culture, souhaitait présenter notre pays de façon attractive, montrer un pays dynamique et moderne, et surtout donner une nouvelle impulsion à la vie artistique et culturelle luxembourgeoise.

En 90 l’architecte Ieoh Ming Pei nous fit l’honneur d’accepter ce projet.

Le projet de loi relatif à la construction est voté en 1996. La pose de la première pierre a lieu le 22 janvier 1999 après de longues discussions sur le meilleur emplacement.

Aujourd’hui, nous nous trouvons en face d’une œuvre architecturale hors pair. D’une œuvre, d’un bâtiment dont nous pouvons être fier.

Si j’ai le plaisir, l’honneur de prononcer ce discours d’inauguration, c’est en fait un honneur qui devrait revenir à d’autres responsables politiques qui au fil du temps et des discussions qui ont marqué toutes ces années ont toujours soutenu ce grand projet.

Je veux parler, bien sûr du Premier Ministre Jacques Santer qui est à l’origine du projet et de l’actuel Premier Ministre Jean-Claude Juncker qui l’a soutenu tout au long des années.

Je veux parler également de mes prédécesseurs aux Travaux Publics Robert Goebbels et Erna Hennicot-Schoepges, qui avec la compétence et la passion qui sont la leur, ont porté ce projet à bon port. Je tiens à les remercier pour leur engagement et leur ténacité.

Au début de l’histoire il s’agissait de choisir un site. L’architecte a choisi l’emplacement des « Dräi Eechelen ». L’endroit est merveilleux. Il se situe là ou se concentre, comme dans un résumé, notre passé, notre présent et notre futur.

Nous apercevons d’ici les vestiges du château fort qui date de 963, nous pouvons entrevoir  en un clin d’œil le Luxembourg moyenâgeux, les différentes enceintes fortifiées, architectures militaires françaises, espagnoles, prussiennes et autrichiennes.

En nous retournant vers le plateau du Kirchberg nous découvrons un Luxembourg en pleine construction.

Quartier de services, d’institutions bancaires, quartier d’habitation, le Kirchberg abrite avant tout de nombreuses institutions européennes.

En entrant dans le Musée, vous avez pu entrevoir les grues implantées sur les grands chantiers

  • d’un nouveau centre de conférences pour le Conseil européen 
  • d’une nouvelle Cour de Justice européenne
  • d’un nouveau bâtiment pour la Banque européenne d’Investissement
  • et, en préparation, de nouveaux locaux pour les services du Parlement européen.

« Un avenir pour notre passé » : Ces quelques mots qui datent de 1975 - année européenne du patrimoine - résument cette recherche de symbiose entre futur et passé que le Musée d’Art Moderne, qui a trouvé ses fondements sur les anciens murs de la forteresse, illustre à perfection.

L’avenir que nous construisons ici au Kirchberg comme au Luxembourg s’inscrit dans une société ouverte et une économie moderne, se veut profondément européen et se doit d’être encadré par une vie culturelle intense.

C’est sur cette place de l’Europe où nous nous trouvons actuellement que nous venons d’inaugurer, il y a tout juste une année, la Salle philharmonique Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte qui tend symboliquement la main au Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean. Belle image, Monseigneur, tout aussi forte que touchante, inscrite ici dans la pierre pour braver le temps.

C’est sur ce plateau ou à proximité, que le Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg, complètement rénové, vient d’ouvrir ses portes et que le nouveau Centre national sportif et culturel accueille régulièrement grand nombre de spectateurs.

C’est pour ce cadre que Ieoh Ming Pei a pensé et conçu ce musée.

J’ai eu l’occasion au cours des derniers mois de discuter à de nombreuses reprises avec les collaborateurs de Monsieur Pei, avec les architectes de l’Administration publique, avec les nombreuses entreprises qui ont travaillé sur le présent chantier – et je tiens à les féliciter pour l’excellent travail et la bonne collaboration – et tous m’ont dit la même chose. Ils m’ont dit : « L’architecte PEI est un homme très exigeant ! »

Mais cela a toujours été dit non avec l’irritation de celui que l’exigence incommode mais avec l’admiration de ceux que la perfection fascine.

Exigeant avec les hommes: mais je crois que ce n’est qu’en étant exigeant qu’on peut tirer le meilleur des hommes et des femmes. Et si, comme vous Monsieur Pei, on est exigeant avec le sourire et une gentillesse qui vient du cœur, on ne peut se faire que des admirateurs et des amis.

Exigeant avec les pierres également. La perfection ne peut exister que si elle se conçoit dans le plus petit détail, que si elle exige des matériaux de donner le meilleur d’eux-mêmes.

Vous êtes exigeant avec la pierre, avec le béton, avec le fer et le verre. Vous leur demandez d’être performants tout en ayant l’apparence de la plus parfaite simplicité.

Les pierres doivent rester entières et se plier à toutes les formes que vous leur demandez. Le béton est forcé de traverser le vide pour ouvrir le toit sur la lumière et doit prendre une couleur de pierre et la texture du bois. Le verre doit s’élancer en pyramide tout en diffusant la chaleur et en réglant le froid, il doit s’ouvrir sur la nature pour donner forme à des tableaux extérieurs au musée.

Et puis, finalement, vous êtes exigeant également avec vous-même. A un âge où la plupart des hommes se reposeraient dans une retraite bien méritée, vous êtes en toute simplicité et avec beaucoup d’énergie en train de construire trois musées sur trois continents différents. Rien de plus, rien de moins.

Un de mes auteurs préférés, Antoine de Saint-Exupéry, grand architecte des mots recherchait comme vous la simplicité pour mieux « exprimer » ce qu’il avait à dire. Dans  son livre « Citadelle » il a mis les mots suivants dans la bouche d’un architecte pour décrire le résultat de son travail :
 
 « (…) mes pierres ordonnées selon l’image de mon cœur ».

Cette image de l’architecte qui ne fait qu’ordonner les pierres, mais le fait selon l’image de son cœur, exprime tellement bien la simplicité qui est la finalité de votre travail d’architecte.
Vous arrivez, en ordonnant si bien ces pierres, à leur donner la pureté des lignes qui cache, tout en les utilisant, la complexité et la technicité du monde d’aujourd’hui.

Vous arrivez, comme vous l’avez dit vous-même dans une interview, à «faire parler les pierres, à les réveiller à la vie ». Et vous ajoutez que la seule façon d’arriver vraiment à ce que les pierres se réveillent, c’est de réussir à amener des femmes et des hommes à elles.

Je voudrais terminer sur cela. Je souhaite tout simplement que ces pierres, ici, que l’architecte a si bien réussi à ordonner, que les œuvres d’art qu’elles ont pour destin d’abriter, attirent beaucoup de monde.

Je souhaite que ce musée se remplisse de vie.

Je souhaite que ce musée devienne un carrefour incontournable pour l’art, pour la création artistique et pour tous ceux, d’où qu’ils viennent, pour qui l’art fait partie de la vie.

Je vous remercie pour votre attention.

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