Octavie Modert, Discours tenu lors de l'inauguration de l'exposition "Sigismond Roi et Empereur 1387-1437, art et culture d'une cour royale à la fin du moyen âge", Musée national d'histoire et d'art, Luxembourg

Altesse Royale, Monsieur le Président, Excellences, Mesdames, Messieurs

C’est pour moi un grand honneur et un plaisir, Altesse Royale, Excellence, de Vous accueillir aujourd’hui au Musée national d’histoire et d’art pour l’ouverture d’une exposition extraordinaire, exceptionnelle - à plus d’un égard.

L’exposition est consacrée à Sigismond de Luxembourg.

Et à contempler le rôle qu’il a joué pour son époque, est-on en droit de se demander si les Luxembourgeois sont toujours des Européens de la 1re heure? Le Luxembourgeois Sigismond, dernier Empereur de la Maison du Luxembourg, a-t-il été un des premiers Européens? Il est plus judicieux, plus opportun, plus correct de parler de lui comme Empereur en Europe. Il a certes été un Empereur européen, et il symbolise à merveille ce que nous appellerions aujourd’hui les relations Est-Ouest: n’y a-t-il pas eu préfiguration en quelque sorte de l’Europe d’aujourd’hui?

Sigismond a mené de nombreuses guerres, des guerres religieuses aussi: un grand guerrier peut-être, mais un guerrier malheureux; par contre il fut beaucoup plus chanceux sur le plan de la diplomatie ; un message précurseur, qui a été compris par l’Europe, l’Union européenne d’aujourd’hui : il vaut mieux passer par la diplomatie.

Sigismond a encore été un grand mécène culturel ; à son époque s’est mis en place le style gothique international: un véritable style européen ! même si bien évidemment il y eut des déclinaisons régionales. Son mécénat a également porté des fruits sur le plan de la mobilité : des artistes, mais aussi celle des étudiants;

Mobilité aujourd’hui si prisée, dont les vertus sont redécouvertes et que nous promouvons au moyen du Processus de Bologne, alors qu’à l’époque, cette mobilité était si évidente, si normale.

Car oui, Sigismond fut aussi un fondateur d’Université ; l’eût-il fait à Luxembourg, peut-être n’aurions-nous pas eu à attendre une loi de 2003 à ces fins ...

Mais Sigismond de la Maison de Luxembourg ne tenait que ses racines du Luxembourg, il ne cherchait pas à jouer un rôle au pays berceau de sa dynastie, ici près du Bock.

Sigismond n’a pas été le seul Empereur de la Maison des Luxembourg, Charles étant certes son représentant le plus éminent, et assurément le plus connu.

Mesdames, Messieurs,

C’est à un souverain longtemps sous-estimé et mal jugé par l’historiographie moderne qu’est consacrée cette exposition extraordinaire. Et un des apports nouveaux sinon même l’acquis majeur de l’exposition est qu’elle permet ainsi de dresser un portrait bien plus nuancé de ce roi et empereur de la Maison des Luxembourg, acteur de toute première importance au milieu d’une des périodes les plus bouleversées de l’histoire européenne.

En effet, l’image convenue dessinée par l’historiographie moderne, celle d’un Sigismond bon-vivant, galant et infatigable chevalier assoiffé de gloire, devra à l’avenir céder la place à un portrait plus proche de la réalité. A la lumière de ce que nous fait découvrir l’exposition Sigismundus-Rex et Imperator, il convient de réviser cette image préconçue et de prendre en considération les jugements bien plus positifs qu’ont émis à son égard tant ses propres contemporains que ses successeurs immédiats.

L’exposition nous permet ainsi de voir Sigismond comme le réformateur, le législateur et le fondateur d’université qu’il a aussi été. Elle nous fait ainsi découvrir des aspects insoupçonnés de la personnalité de Sigismond et de son action. Et ainsi transparaît derrière le roi un homme très sensible à la sophistication culturelle, un digne représentant de cette région culturelle si riche et si spécifique qu’est l’Europe centrale.

Cette approche réappréciée vis-à-vis du personnage de Sigismond a été le fruit d’un colloque international organisé à Luxembourg, l’année passée, conjointement par le Musée national d’histoire et d’art et l’Université du Luxembourg, sous le signe de la Présidence luxembourgeoise de l’Union européenne: voilà un exemple parmi beaucoup que notre Présidence 2005 eut un programme culturel impressionnant, soit dit entre parenthèses)

Ce colloque a jeté les bases scientifiques indispensables à notre exposition qui, comme je l’ai déjà relevé, est exceptionnelle à plus d’un titre:

Exceptionnelle, elle l’est par son ambition scientifique. D’abord, l’exposition rassemble la presque totalité des objets d’art en relation directe avec l’empereur Sigismond qui ont subsisté jusqu’à nos jours.

Réaliser une telle prouesse n’aurait pas été possible sans la recherche scientifique approfondie menée en amont. Le colloque a réuni à Luxembourg historiens et historiens d’art qui figurent parmi les meilleurs spécialistes de Sigismond et de son époque. Parmi les sujets traités, je ne relèverai ici que quelques-uns, particulièrement importants dans notre contexte de ce soir puisqu’ils ont directement influencé la structure de l’exposition, comme par exemple les relations diplomatiques que Sigismond entretenait avec les régions voisines, (royaume de France ou Bourgogne, l’Italie, la Bohême, l’Angleterre ou l’Empire Ottoman) ou comme le rôle que les épouses de Sigismond ont pu jouer ; ou comme le rôle de mécène que Sigismond a assumé et l’influence qu’il a ainsi pu avoir sur le développement de l’art gothique tardif.

Les actes du colloque par François Reinert et Michel Pauly, permettront de transmettre ces acquis scientifiques, et avec le splendide catalogue de l’exposition, ils font déjà autorité sur le sujet.

Exceptionnelle, l’exposition l’est aussi par son sujet: y a-t-il personnalité plus emblématique de ce Moyen Âge finissant que Sigismond, roi de Hongrie et dernier empereur issu de la Maison des Luxembourg ? Qui mieux que Sigismond pourrait incarner cette période clé de l’Histoire de l’Europe, marquée par une accélération de l’évolution historique, sur le plan politique, celui de la vie religieuse et celui des relations sociales bien sûr, mais sur le plan culturel bien entendu également?

En effet, le règne de ce Sigismond de Luxembourg, roi de Hongrie de 1387 à sa mort en 1437, roi d’Allemagne à partir de 1410 et finalement Empereur depuis 1433 a été bouleversé par de nombreux évènements marquants qui constituent autant d’illustrations des évolutions historiques et intellectuelles majeures de son époque. Ainsi, pour ne mentionner que deux exemples, sa défaite à Nicopolis contre les Turcs en 1396 constitua le point culminant de l’affrontement entre l’Ouest et l’Empire Ottoman. D’un autre côté, son règne vit l’émergence des Hussites en Bohême, ouvrant la porte à d’énormes tensions et conflits religieux et politiques importants et qui finalement aboutirent aux conciles de Constance et de Bâle, qui à leur tour sont une illustration parfaite de la stratégie du diplomate Sigismond.

Exceptionnelle, cette exposition que S.A.R le Grand-Duc et son Excellence le Président de Hongrie nous feront l’honneur d’inaugurer maintenant, l’est avant tout par son envergure, tant pour le nombre que pour la qualité des objets qu’elle rassemble. Réunir à Luxembourg près de 400 œuvres d’art des 14e et 15e siècles, des manuscrits, des pièces d’orfèvrerie, des armures, des tableaux et des dessins autant que des sculptures, tous des objets de première importance artistique et scientifique n’a en effet rien de commun.

Préparer, organiser et encadrer un évènement d’une telle envergure constitue bien entendu un projet de longue haleine. L’exposition est ainsi le fruit d’un projet de coopération pluriannuel entre le Musée des Beaux-Arts de Budapest et le Musée national d’histoire et d’art ici à Luxembourg. Ce projet a bénéficié dès son départ en 1996 du soutien des gouvernements luxembourgeois et hongrois ; le projet définitif a formellement été approuvé le 11 août 2003. Permettez-moi de mentionner, pour les remercier, les personnes associées à la genèse et à la mise sur pied de cette organisation, les professeurs Ernö Marosi et Roland Recht, les ministres de la Culture de l’époque Mme Erna Hennicot-Schoepges et M. Istvan Hiller, M. le Premier ministre Jean-Claude Juncker, le curateur hongrois M. Imre Takacs pour le Musée des Beaux-Arts de Budapest et son homologue luxembourgeois M. Francois Reinert pour le Musée national d’histoire et d‘art. J’aimerais transmettre mes remerciements aux autorités hongroises et notamment le ministère de l’Education et de la Culture, représenté ici par Mme la secrétaire d’État Márta Schneider.

Ainsi par une collaboration fructueuse entre les autorités et les musées hongrois et luxembourgeois peut-on maintenant, ici à Luxembourg, après le grand succès de l’exposition à Budapest qu’il nous serait agréable de pouvoir imiter, admirer la personnalité complexe et haute en couleurs de Sigismond, sa carrière politique et le rôle important de mécène d’art que lui et sa cour ont pu jouer. Les nombreuses œuvres d’art directement associées à la vie du roi-empereur permettront au visiteur tout à la fois de se familiariser avec l’art pratiqué à la cour de Sigismond, le luxe et le raffinement de cette cour, et de déceler en même temps les tendances artistiques et culturelles fondamentales de son époque.

Je vous remercie de votre atttention.

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