Jean-Louis Schiltz, Intervention du ministre des Communications au sujet de la révision de la directive dite "Télévision sans Frontières", Conseil des ministres de l'Éducation et de la Culture, Bruxelles

Ce sont les enseignements du passé qui doivent nous guider pour construire l’avenir et c’est à ce titre que je voudrais retenir en guise d’introduction deux éléments:

  1. Depuis son adoption en 1989, la directive a favorisé la circulation des programmes en Europe. Elle a ainsi largement contribué à l’intégration européenne. Elle a favorisé la circulation des biens culturels et des informations dans un sens d’une plus grande liberté d’expression. Elle a permis au marché intérieur de se développer.

  2. Les problèmes rencontrés depuis lors ne sont pas substantiels à en juger d’après les rapports publiés régulièrement par la Commission et, en tout cas, n’y a-t-il pas de difficultés d’application pour lesquelles l’on ne saurait trouver de solution au niveau bilatéral, d’État à État, sous le contrôle de la Commission.

À partir de ces deux éléments, il est important de moderniser cet excellent texte réglementaire dans la continuité et en tenant compte de l’impact des nouvelles technologies. C’est ce que la Commission a, à mon avis, fait en tablant son projet de directive.

Les travaux dans l’enceinte du Conseil vont également dans le bon sens et je tenais à vous en remercier Mme la Présidente, mais je me dois de faire des réserves formelles respectivement de marquer mon désaccord au moins sur deux points essentiels.

1er point

Le texte qui sera adopté devra permettre aux biens culturels de mieux circuler. Pas de circuler moins bien. Nous devons avancer, pas reculer.

La même chose vaut pour l’aspect "marché intérieur". Nous avons besoin de plus de marché intérieur. Pas de moins de marché intérieur.

L’Europe, par ailleurs – n’ayons pas peur des mots - en panne sur bien des points, ne peut se permettre d’enclencher la marche arrière dans ce dossier-ci également, alors qu’il a des conséquences pour nos citoyens au jour le jour, chaque fois qu’ils regardent la télévision.

Voilà pourquoi, Madame la Présidente, je m’inscris formellement en faux contre toute tentative qui viserait à atténuer la définition du PO ou de remettre en cause en certaines de ses composantes. De même, je ne pourrais accepter un texte qui, sous couvert d’un PPO amendé, aboutirait à définir le PPO de telle sorte que ce soit en réalité un principe du pays de destination.

Nos programmes doivent mieux circuler. Il ne faut pas freiner cela. Nous allons y arriver seulement avec un PPO solide, palpable et réel.

2e point

Concernant la coopération d’État à État, je voudrais d’abord préciser que je suis absolument favorable au principe d’une telle coopération.

Il faut coopérer par ex. lorsqu’il y va de la protection des mineurs. Il faut encore coopérer lorsqu’il s’agit de combattre des abus. Et il faut bien sûr organiser cette coopération.

Cela dit, je ne pourrais être d’accord avec un texte de compromis que si les conditions suivantes sont remplies :

1ère condition

La coopération – et je parle ici de l’article 3 mais pas seulement de l’article 3 - doit viser à sanctionner des abus caractérisés. Ce critère doit donc être réintroduit dans le texte.

Je ne suis pas d’accord qu’un État membre puisse agir, parce qu’il croit que soi-disant un programme diffusé à partir d’un autre État violerait peut-être, à la limite ou sans doute certaines qualifiées de règles d’intérêt général.

D’ailleurs, parlant d’intérêt général, je me dois d’observer que cette notion est bien trop vague pour pouvoir servir de ligne directrice en la matière. Que veut dire intérêt général? Qui décide qu’il y a violation de quel intérêt général? Nous n’avons pas de sécurité juridique ici.

Tel que je lis le texte, nous ne sommes pas loin ici, Madame la Présidente, de l’arbitraire. Cela est d’autant plus grave que toute cette réglementation constitue une exception au principe de la libre circulation et qu’il faudrait donc interpréter cela restrictivement. Et non extensivement.

2e condition

La Commission est la gardienne du traité. La Commission doit donc aussi être la gardienne de la procédure de coopération entre États membres en matière de télévision.

Rien ne peut se faire sans son accord.

Aucune mesure ne pourra être prise sans son accord préalable.

Si nous ne voulons pas de cela, nous n’avons plus besoin de parler d’Europe en la matière.

Tout ce que je dis, Madame la Présidente, m’amène à conclure que le texte que vous nous soumettez ne me donne pas satisfaction. Je ne suis donc pas en mesure de marquer mon accord et je crains fort, Madame la Présidente, que toutes les explications supplémentaires que vous pourrez me donner ne soient pas de nature à me donner les apaisements nécessaires et à me donner satisfaction.

Dernière remarque encore concernant la publicité: je suis d’avis qu’il faut aller plus loin en matière de levée des restrictions et des limites plutôt que l’inverse.

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