Nicolas Schmit, Discours à l'occasion du Conseil de l'Organisation internationale pour les migrations, Genève

- Seul le discours prononcé fait foi -

Madame le Président,
Monsieur le Directeur Général,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,

Les évènements tragiques à Centa et Melila, ceux qui se répètent près des Iles Canaries ou de Lampedusa ou l’errance des migrants dans le Sahara, ont fini par alerter nos opinions publiques ainsi que la communauté internationale: les migrations représentent désormais un énorme défi pour nos États comme pour les Organisations internationales.

A cet égard, le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan a eu raison de constater: "seule la coopération, bilatérale, régionale et mondiale, permettra de créer entre pays d’accueil et pays d’origine des partenariats qui profitent aux deux côtés, de trouver des moyens de faire de l’immigration un moteur de développement, de combattre les passeurs et les trafiquants et d’adapter des normes communes concernant le traitement des immigrants et la gestion de l’immigration".

Les récentes conférences, celle qui s’est tenue à Rabat en juillet dernier et celle qui a réuni les pays membres de l’Union européenne et ceux de l’Union africaine ainsi que le Maroc à Tripoli, ont posé les fondements d’un tel partenariat indispensable.

De même, le Dialogue à haut niveau pour les migrations et développement qui a été organisé en septembre par les Nations unies a contribué à un échange sur les différents aspects des flux migratoires encourageant ainsi une coopération plus nécessaire que jamais entre pays de destination du Nord et pays d’origine du Sud.

Le Luxembourg en tant que membre de l’Union européenne mais aussi comme un pays d’immigration attache une grande importance à ces formes de coopération et de partenariat et y participe activement.

Pour cette raison nous avons tenu à participer également à cette 92e session du Conseil de l’Organisation internationale des migrations.

Nous considérons que l’OIM a joué par le passé et jouera encore d’avantage dans les années à vernir un rôle primordial dans une meilleure gestion des flux migratoires respectueuse avant tout de la dignité et du bien être des migrants.

Le Luxembourg est prêt à renforcer son soutien et sa collaboration à un certain nombre de programmes ou de projets réalisés par l’OIM, notamment dans les Balkans mais aussi dans certaines régions d’Afrique.

Je voudrais dans ce contexte relever notre intérêt pour l’Initiative internationale migrations et développement.

Il est évident que les flux migratoires sont d’abord le résultat du sous-développement et de la pauvreté! Mais ils répondent en même temps à un besoin croissant de main d’œuvre dans les pays du Nord confrontés à un problème démographique qui risque à terme d’y saper les bases de la croissance économique mais aussi des systèmes de protection sociale.

Dans ce contexte, il est tout à fait nécessaire de mettre en place, comme il est proposé dans le cadre de l’IMDI, des voies sûres et légales de migration, de lutter contre la migration irrégulière et de protéger les droits humains des migrants.

Les meilleurs moyens pour lutter contre l’immigration clandestine n’est pas le contrôle des frontières aussi indispensable qu’il puisse être, mais le développement économique et social, d’une part, et l’organisation de l’immigration légale, d’autre part.

La coopération entre toutes les parties intéressées, États d’origine et de destination, organisations internationales telles que l’OIM ou la Banque mondiale, mais aussi les acteurs privés tels que les entreprises ou les ONG, doit permettre non seulement d’assurer la cohérence entre les politiques de développement et de migration mais surtout de transformer les migrations en un puissant soutien du développement.

Une migration réellement partagée et organisée dans la concertation peut ainsi traduire une nouvelle forme de solidarité dans les relations Nord-Sud, dans un esprit de codéveloppement.

Je voudrais citer quelques éléments particulièrement importants qui pourront contribuer à la réussite d’une telle approche:

  1. Diminuer les coûts de transferts des fonds que les émigrés envoient chez eux. En 2005, ces fonds destinés à des pays en développement sont estimés à 167 milliards de dollars.

  2. Il s’agit de mieux les utiliser dans l’intérêt du développement. Ils peuvent alimenter notamment des réseaux de micro-crédits et contribuer ainsi au financement, sur un plan local, d’activités et d’emplois. Le Luxembourg est très engagé dans la promotion de la micro-finance et un des projets allant dans ce sens dans un pays africain, le Cap Vert, est en élaboration.

  3. Nous devons, dans le cadre de nos politiques de coopération, accentuer les investissements dans l’éducation et dans la formation technique et professionnelle. Le Luxembourg accompagne d’ailleurs des pays d’Afrique de l’Ouest comme le Mali, le Burkina Faso, le Sénégal et le Cap Vert dans la création et le développement de la formation technique et professionnelle. C’est ainsi qu’à Thiès, deuxième ville du Sénégal, un important Lycée de formation technique et professionnelle accueillant plus de 1000 élèves sera prochainement inauguré. Si certains de ces jeunes pourront venir parfaire leur formation en Europe, il faudra surtout encourager les investissements productifs, d’où l’importance, en effet, d’associer à cette démarche le secteur privé.

  4. L’exode des cerveaux est un problème réel. Les pays de destination et d’origine doivent trouver la façon concertée et les moyens pour limiter le préjudice subi par les pays les plus pauvres dans un esprit de codéveloppement.

  5. Chaque année, dans les pays en développement, quelque 50 millions de personnes, surtout des jeunes, quittent le milieu rural. Nombreux sont ceux qui essaieront d’émigrer et cela par tous les moyens. C’est pour cette raison qu’il nous paraît important de réserver une nouvelle priorité au développement de l’agriculture et à la création d’emplois pour les jeunes dans l’agriculture.

  6. Un sixième et dernier point: les flux migratoires et un commerce international qui intègre mieux les intérêts des pays en développement, ne peuvent être dissociés. L’importation de produits subventionnés, notamment agricoles, détruisent les productions locales et par conséquent, les emplois. Le cas du coton longuement débattu au sein des négociations du Doha Round est connu. La relance du cycle qui devait être au départ prioritairement orienté sur le développement est pour cette raison capitale.

Les défis que nous lancent les questions de l’immigration et du développement nécessitent des réponses concrètes et des actions concertées. L’OIM a déjà démontré qu’elle a de solides capacités opérationnelles. Je suis convaincu qu’elle saura, dans l’avenir, les mobiliser de la manière la plus efficace. Les débats et les échanges de vues qui ont lieu lors de cette réunion ne manqueront pas de nous encourager de poursuivre sur cette voie.

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