Jean Asselborn, Discours à l'occasion du 14e Conseil ministériel de l'OSCE, Bruxelles

- Seul le discours prononcé fait foi -

Monsieur le Président,

Chers collègues,

Certains des orateurs qui m’ont précédé l’ont souligné : le monde n’est pas nécessairement devenu plus sûr au cours des dernières années. Et la globalisation n’étant pas seulement un phénomène économique, ce développement a des répercussions certaines sur la sécurité en Europe et, de ce fait, ne saurait nous laisser indifférents. Dans ces conditions, l’on ne peut que se réjouir que la situation en Europe, et plus précisément dans l’espace OSCE, soit restée largement stable. Je suis intimement convaincu que notre Organisation contribue grandement à cet état des choses.

Ce relatif succès ne doit toutefois pas nous faire perdre de vue le défi majeur qui continue à se poser à l’OSCE. Notre Organisation doit s’adapter aux conditions changeantes et renforcer davantage sa capacité à assurer et à préserver la sécurité sur le continent européen. Pour relever ce défi, nous, les 56 Etats participants de l’OSCE - je salue au passage le représentant de la République de Monténégro que je félicite de tout coeur de l’admission de son pays dans notre Organisation - nous devons faire preuve d’ambition et de détermination afin de prendre des décisions judicieuses dans les 3 domaines suivants :

Premièrement, si nous voulons vraiment moderniser l’OSCE, nous devons la renforcer dans l’efficacité de son fonctionnement.

L’OSCE est une organisation internationale qui existe depuis plus de 12 ans, mais qui n’a pas de personnalité ou de capacité juridique propre. Cette situation présente des inconvénients incontestables. L’absence de capacité juridique ne facilite pas la tâche de l’Organisation dans ses relations avec d’autres acteurs, Etats participants ou parties tierces, et soulève des problèmes importants de responsabilité. Des palliatifs ad hoc, convenus avec les différents Etats participants dans lesquels elle est plus directement présente, lui assurent une protection toute relative et de surcroît variable selon le lieu de ses activités. C’est donc dans l’intérêt d’une bonne gouvernance de notre Organisation que nous devons sécuriser juridiquement l’institution. Aussi je me réjouis qu’après avoir sécurisé ses modalités de fonctionnement interne, nous sommes très près de nous mettre également d’accord sur l’adoption d’une décision visant à doter l’OSCE de la capacité juridique externe adéquate d’ici la fin 2007.

Au-delà de cette question de principe, j’avoue que je m’interroge si les résultats de nos efforts en ce qui concerne "la réforme de l’OSCE" vont être à la hauteur de nos ambitions, et ce malgré les efforts extraordinaires et l’engagement continu de la Présidence belge. Beaucoup dépendra de la mise en oeuvre des décisions qui seront adoptées.

Deuxièmement, nous devons sécuriser et renforcer le précieux acquis de l’OSCE en matière de prévention des conflits.

La prévention des conflits doit être comprise au sens large et associer à la dimension politico-militaire aussi bien la dimension humaine et les droits de l’homme, que la dimension économique et le développement.

L’OSCE dispose, à travers son Bureau des Institutions démocratiques et des Droits de l’homme (BIDDH/ODIHR), d’une expertise de renommée internationale en matière d’observation des élections et d’assistance à l’organisation des élections. Nous devons continuer à développer cet atout, qui est certes perfectible, tout en préservant l’autonomie de l’institution et la méthodologie qu’elle applique.

Le BIDDH et la dimension humaine de notre Organisation ne se limitent toutefois pas seulement aux activités liées aux élections. C’est d’ailleurs pourquoi nous avions demandé au BIDDH de nous faire également rapport sur d’autres sujets, et c’est ce que le BIDDH a fait.

L’étude du rapport du BIDDH me semble justifier les deux conclusions suivantes :

- d’une part, rendre l’Organisation et ses institutions plus efficaces n’implique pas nécessairement un changement des règles qui les gouvernent ou qu’elles sont appelées à appliquer : l’OSCE gagnerait certainement beaucoup en efficacité si les Etats participants mettaient complètement en oeuvre l’ensemble des engagements auxquels ils ont souscrits ;

- d’autre part, plusieurs recommandations contenues dans le rapport du BIDDH s’adressent directement à lui-même ; elles sont le fruit des consultations que le BIDDH a eues avec les Etats participants ; il conviendrait dès lors d’inviter le BIDDH à les mettre en oeuvre, par une décision ministérielle toute simple, dont l’adoption ne devrait pas exiger des négociations difficiles et interminables.

La prévention des conflits présuppose aussi la sécurité économique. Dans ce domaine comme dans d’autres, nous devons toutefois chercher à obtenir encore davantage de résultats avec les moyens limités dont nous disposons, tout en veillant à ne retenir que les activités qui ont un lien direct avec le rôle de l’Organisation et pour lesquelles celle-ci dispose de l’expertise nécessaire.

S’agissant de la dimension politico-militaire, il me semble indispensable de préserver et de pérenniser l’acquis et les mesures de confiance. C’est pourquoi mon pays reste non seulement attaché au Traité sur les forces conventionnelles en Europe, mais demande aussi que les engagements d’Istanbul soient entièrement mis en oeuvre de sorte que les conditions nécessaires à la ratification du Traité adapté soient enfin réunies.

Troisièmement, nous devons redoubler nos efforts afin d’aboutir à la stabilisation voire à la solution des conflits existants.

Hélas, le regain de tension en Géorgie, les tergiversations dans la recherche d’une solution au conflit du Haut-Karabagh et les relents de séparatisme suscités à travers des soi-disant référenda et élections en Transnistrie et en Ossétie du Sud, ne contribuent pas à trouver une solution à ces conflits dits « gelés ».

Je tiens à saluer ici les efforts inlassables des émissaires de l’OSCE en vue de la recherche d’un accord. Toutefois, l’OSCE ne peut que créer un cadre propice à la recherche d’une solution durable. Il appartient, en effet, aux parties concernées et à elles seules de franchir le pas décisif, en s’inspirant des principes de base universellement reconnus et en conformant également leur action à ces principes.

Enfin, de nouvelles responsabilités pourraient échoir à notre Organisation dans d’autres parties de l’espace OSCE. Je pense surtout à la région des Balkans occidentaux.

C’est ainsi que la mission de l’OSCE en Bosnie et Herzégovine pourrait voir son importance augmenter lorsque le Bureau du Haut-Représentant fermera ses portes l’année prochaine et que la communauté internationale amorcera son retrait.

Au Kosovo, où l’OSCE déploie sa mission la plus importante, le rôle de l’OMiK pourrait acquérir une nouvelle dimension en fonction des décisions sur le futur statut du Kosovo et sa mise en oeuvre. L’OSCE doit se tenir prête, en coopération étroite avec l’Union européenne, d’assumer, le cas échéant, de nouvelles responsabilités en soutien à un Kosovo pacifique, démocratique et multiethnique.

Monsieur le Président,

Avant de conclure, j’aimerais adresser mes meilleurs voeux à la future Présidence espagnole et l’assurer de notre plein appui pour faire face aux nombreux défis auxquels elle se verra confrontée.

Enfin, Monsieur le Président, permettez-moi de vous féliciter de l’excellent travail accompli par la Présidence belge tout au long de cette année et de votre engagement personnel en faveur de notre Organisation.

Je vous remercie de votre attention.

Dernière mise à jour