Jean-Louis Schiltz, "Les progrès accomplis dans les travaux de la commission de consolidation de la paix", Déclaration du ministre à l'assemblée générale des Nations Unies en séance plénière, New York

Seul le texte prononcé fait foi

Madame la Présidente,

Je me félicite de l’organisation de ce débat aujourd’hui à l’Assemblée générale des Nations Unies. Le Luxembourg s’associe pleinement à la déclaration du représentant de l’Allemagne au nom de l’Union européenne.

Madame la Présidente,

Quand les combats cessent, la véritable lutte commence !

C’est pour faire face à cette réalité en apparence contradictoire qu’au Sommet mondial de septembre 2005, les chefs d’Etat et de gouvernement ont appelé à la création d’une Commission de consolidation de la paix. Car quand les fusils et les mitrailleuses se taisent après un conflit armé, quand les machettes sont enfouies dans le sol, alors commence une lutte de longue haleine contre la précarité de la paix retrouvée, une lutte pour renforcer la sécurité physique des individus, pour réconcilier les ennemis de hier, une lutte pour réhabiliter les instances de l’Etat défaillant, notamment l’appareil judiciaire, une lutte pour reconstruire les infrastructures, assurer les services sociaux de base et créer l’environnement pour une activité économique naissante ou encore renaissante.

Il faut mener cette lutte au quotidien pour asseoir la primauté de l’état de droit sur la barbarie de la guerre. Il faut la mener pour éviter la résurgence de la violence qui est indigne de l’homme parce qu’elle le prive de ce qu’il a de plus précieux : sa vie et la vie des siens.

Pour la gagner, il faut mener cette lutte ensemble. Les montagnes de dégâts, de défis et de problèmes sont trop énormes pour pouvoir ou même vouloir s’y attaquer seul ou en ordre dispersé. Si des cendres et des décombres du conflit doit renaître l’espoir d’une vie meilleure, il faut se serrer les coudes, il faut réfléchir ensemble à la voie à suivre, se mettre d’accord sur les priorités et joindre les forces et les moyens adéquats pour réaliser les objectifs définis. Devant un tel défi, mais aussi devant cette chance de pouvoir enfin repartir, il est bon de se souvenir de la vérité solennellement affirmée dans le document final du Sommet mondial : il n’y a pas de sécurité sans développement, pas de développement sans sécurité, ni l’un, ni l’autre sans le respect des droits de l’homme, et cela est particulièrement vrai dans les situations de post-conflit. Voilà en réalité le mandat de la Commission de consolidation de la paix !

Le recul du temps me permet d’observer que la communauté internationale ne s’est pas laissée décourager par l’ampleur de la tâche, mais a au contraire su saisir l’opportunité de la création de la Commission de consolidation de la paix qui restera un des - trop rares - résultats du Sommet mondial. Depuis sa genèse - à partir de deux résolutions parallèles de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité fin décembre 2005 - la Commission de consolidation de la paix s’est vu dotée de ses instruments opérationnels : le Comité d’organisation, les premiers comités-pays, dédiés aux situations au Burundi et au Sierra Leone et – éminemment important – le Fonds pour la consolidation de la paix.

Mon pays, le Grand-Duché de Luxembourg, est fier de pouvoir participer aux travaux de la Commission. Tant à titre bilatéral qu’en tant qu’Etat membre de l’Union européenne, le Luxembourg met la problématique de la gestion des conflits et des situations post-conflit au centre de son action extérieure en ayant largement recours à des instruments multilatéraux, au premier rang desquels, bien sûr, les Nations Unies. Dans une approche large et pluridimensionnelle de la consolidation de la paix, des facteurs aussi importants que le processus de réconciliation nationale et de résolution des conflits politiques, ethniques ou religieux, la réhabilitation d’institutions publiques efficaces et démocratiques, la réforme du secteur de sécurité, la refonte des autorités judiciaires, policières et du système pénitentiaire, comme la lutte contre l’impunité, pour n’en citer que quelques-uns, doivent trouver leur place appropriée, en fonction des exigences particulières de chaque situation spécifique.

Acteur actif de longue date sur les chantiers de la coopération au développement et de l’action humanitaire, le Luxembourg, qui peut annoncer pour 2007 une aide publique au développement à hauteur de 0.9 pour cent de son revenu national brut, partage le souci de ceux qui ne veulent pas voir remis en question les fruits de la coopération avec les partenaires du monde en développement par des conflits internes ou sous-régionaux.

Chaque recours aux armes constitue à l’évidence un recul du développement durement vécu par les populations et plus durement encore par les plus pauvres et les plus exposés, les femmes et les enfants. Deux exemples : la situation en Côte d’Ivoire continue à jeter son ombre sur les fragiles économies de ses pays voisins, dont certains sont des partenaires de la Coopération luxembourgeoise. Ou encore : les récents incidents armés ayant mis aux prises des membres de la minorité touareg au Nord du Mali avec les forces armées maliennes ont freiné le développement d’une région qui est déjà lourdement pénalisée par son enclavement et les conditions climatiques. Et je ne me permettrais pas ici de juger les motivations des uns et des autres; je constate simplement que ni dans les années ’90, ni en 2006, les violences ont contribué à assouvir les besoins les plus fondamentaux de la population. Par contre les hommes et les femmes de Kidal, les autorités locales ensemble avec le gouvernement du Mali ont trouvé en la Coopération luxembourgeoise un partenaire fiable qui prend toute la mesure du concept de « dividende de la paix ». C’est ainsi - encouragés par les accords d’Alger - que nous avons décidé de renforcer considérablement l’enveloppe financière destinée à la région de Kidal pour y voir exécutés des programmes d’amélioration des services sociaux de base, de renforcement de la formation et de l’insertion professionnelles et d’appui à la décentralisation et à la gouvernance partagée de la paix.

C’est notamment de ce type d’expériences que nous entendons alimenter les travaux de la Commission de consolidation de la paix au cours de notre mandat. Dans ce contexte, nous avons toute confiance en l’équipe qui a été mise en place, sous la direction de la Sous-Secrétaire générale Carolyn McAskie que nous encourageons à prendre à bras le corps les problèmes d’organisation qui se présentent immanquablement lors de la mise sur pied d’une nouvelle structure. En se laissant guider par le souci de l’efficience, de la flexibilité et de la transparence, le bureau d’appui à la consolidation de la paix que nous souhaitions « petit » dans la résolution de l’Assemblée générale, sera grand par son efficacité et fournira aux membres tournants de la Commission des services administratifs et de substance précieux dans le cadre de son mandat. Alors que nous remercions le PNUD de prendre en charge la gestion à proprement parler du Fonds pour la consolidation de la paix, il incombera au bureau d’appui d’identifier les fonds disponibles et les acteurs plus directement concernés par une situation-pays donnée, puis de rassembler l’information et de dégager les synergies potentielles indispensables à la conception de stratégies d’intervention intégrées.

Dans le cadre de la coopération au développement, sur base de programmes pluriannuels avec un nombre limité de pays partenaires, le Luxembourg met à profit depuis des années l’expérience et le savoir-faire des acteurs multilatéraux, notamment des fonds et programmes des Nations Unies. Nous sommes un membre actif dans les conseils d’administration de ces fonds et programmes, et la richesse des débats y menés et le réseau des contacts établis sont des atouts décisifs dans l’approche intégrée que nous souhaitons pour notre effort de développement. C’est dans cet esprit que nous espérons que l’exercice qui consiste à delivering as one UN dans les pays en développement profitera également au travail du bureau d’appui à la consolidation de la paix.

Madame la Présidente,

Permettez-moi de conclure que la création de la Commission de consolidation de la paix répond - malheureusement, il faut d’ailleurs le dire - à un besoin qui a été et qui continue d’être ressenti de manière impérieuse, alors que la résurgence de la violence après un accord de paix ne doit pas être tolérée par la communauté internationale.

Sur un plan plus général, j’ajouterais que la nécessité de plus de cohérence et de coordination dans nos actions n’a jamais été aussi clairement formulée que ces dernières années. J’en veux pour preuve notamment l’adoption de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide de mars 2005. Le calendrier de sa mise en œuvre marquera, nul doute, l’agenda des années à venir.

Qui plus est, depuis le Consensus de Monterrey, la prise de conscience concernant les besoins accrus pour financer les activités de coopération au développement – et aussi les actions humanitaires, de réhabilitation et de reconstruction – est réelle. Cette prise de conscience s’est transformée en un véritable engagement au niveau de l’Union européenne, lorsqu’en mai 2005 les 25 Etats membres de l’UE se sont engagés, sous présidence luxembourgeoise – je le dis sans fausse modestie – à consacrer d’ici 2015 0,7 pour cent de leur revenu national brut à la coopération au développement. Ces décisions, conjointement avec la mise en place de la Commission de consolidation de la paix, sont les gages d’une démarche prometteuse pour l’avenir. A nous de transformer l‘essai. A nous de nous investir avec énergie et engagement dans les travaux de la Commission de consolidation de la paix.

Je vous remercie de votre attention.

Dernière mise à jour